En cas de rétrécissement aortique encore asymptomatique, une intervention n’est pas requise pour tous les patients : chez la plupart des individus, seule une surveillance est actuellement recommandée. En effet, les dernières recommandations européennes préconisent de ne proposer une chirurgie ou une implantation percutanée (Tavi) que dans deux situations : face à une sténose aortique sévère affectant la fonction ventriculaire gauche, ou face à un rétrécissement devenant symptomatique à l’effort. « La gestion de la sténose aortique sévère asymptomatique est controversée », souligne la Société européenne de cardiologie (ESC).
Chez les patients à FEVG préservée
Deux études publiées en octobre évaluent toutefois l’intérêt d’une intervention précoce chez des patients asymptomatiques. À commencer par ceux présentant une sténose aortique sévère asymptomatique avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) préservée.
Dans la première, 901 personnes touchées par ce type de troubles — en moyenne 75,8 ans, avec globalement un score STS prédictif du risque de mortalité de 1,8 % et un risque chirurgical faible pour 84 %- ont été recrutées dans 75 centres nord-américains (1). Ces participants ont été randomisés soit pour recevoir une intervention précoce par Tavi, avec mise en place transfémorale d’une valve expansible à ballonnet, soit pour faire l’objet d’une surveillance clinique simple, et ont été suivis pendant une durée médiane de 3,8 ans.
Les résultats suggèrent que « la stratégie de Tavi précoce était supérieure à la surveillance clinique pour réduire l’incidence des décès, des AVC et les hospitalisations non programmées de cause cardiovasculaire ». En effet, le critère de jugement principal, critère composite comprenant ces trois éléments (incidence des décès, des AVC et des hospitalisations non programmées de cause cardiovasculaire), est survenu chez plus de 45 % des patients ayant simplement été suivis, mais seulement chez 27 % de ceux ayant reçu l’intervention précoce.
En fait, cette différence était surtout due aux hospitalisations imprévues évitées, puisque seuls 21 % des patients ayant eu un Tavi ont dû se rendre à l’hôpital de façon non programmée pour une cause cardiovasculaire, contre près de 42 % des participants du groupe surveillance. Concernant les AVC et les décès, un écart moindre était observé puisque, parmi les patients ayant eu un Tavi précoce, 4,2 % ont subi un AVC (contre 6,7 % dans le bras surveillance), et 8,4 % sont décédés (contre 9,2 % des patients simplement surveillés).
En outre, la plupart (87 %) des patients du groupe sous surveillance ont finalement bénéficié d’un Tavi plus tard dans le suivi. Aussi, les effets indésirables apparaissaient similaires dans les deux groupes.
Résultats contradictoires chez les patients aussi atteints de fibrose du myocarde
Un deuxième essai clinique, baptisé Evolved s’est quant à lui penché sur l’intérêt d’une intervention précoce chez les patients présentant là encore une sténose aortique sévère asymptomatique, mais aussi une fibrose myocardique (2). En pratique, 224 patients de 73 ans en moyenne et présentant ce type de troubles ont été recrutés en Australie et au Royaume-Uni. Ces patients ont été randomisés soit pour être simplement surveillés, soit pour recevoir une intervention précoce avec remplacement de valve par voie percutanée ou chirurgicale — autre différence avec l’étude précédente.
Le critère de jugement principal concernait aussi les décès toutes causes et les hospitalisations imprévues de cause cardiovasculaires — mais seulement celles liées à la sténose aortique. De plus, l’incidence des AVC n’était pas incluse dans ce critère de jugement composite.
Et, cette fois, les auteurs concluent qu’une « intervention précoce sur la valve aortique n’a aucun effet prouvé sur la mortalité toutes causes ou les hospitalisations imprévues liées à la sténose aortique ». Et ce, bien que le critère de jugement principal soit survenu chez 23 % des patients du groupe surveillance, contre 18 % dans le bras interventionnel : une différence non significative. Et pour cause, comme le précise la publication, « l’essai avait un intervalle de confiance 95 % large. »
Moins de symptômes et moins d’hospitalisations également en cas de fibrose myocardique ?
Si le taux de décès apparaissait équivalent dans les deux groupes (14 % dans le bras interventionnel, 13 % dans le groupe surveillance), sur neuf critères de jugement secondaires, deux suggèrent toutefois qu’une intervention précoce pourrait s’avérer supérieure à une simple surveillance. En effet, les hospitalisations apparaissaient près de trois fois plus fréquentes dans le groupe surveillance (17 % de patients hospitalisés de façon imprévue du fait de leur sténose) que dans le groupe interventionnel (6 % de patients hospitalisés). De plus, selon l’article, « l’intervention précoce était associée à un taux plus faible de symptômes NYHA de classe II-IV que la stratégie conservative à 12 mois (OR = 0,37) ».
(1) Philippe Généreux et al. Transcatheter Aortic-Valve Replacement for Asymptomatic Severe Aortic Stenosis. NEJM. Published October 28, 2024
(2) Krithika Loganath et al. Early Intervention in Patients With Asymptomatic Severe Aortic Stenosis and Myocardial FibrosisThe EVOLVED Randomized Clinical Trial. JAMA. Published October 28, 2024
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