Ces deux dernières années, en 2022 et 2023, les fluoroquinolones ont fait l’objet d’une campagne de communication l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Et pour cause : ces antibiotiques restent surprescrits. En outre, la classe pharmaceutique est pointée pour ses effets indésirables, notamment cardiaques.
Entre 2018 et 2020, des cas très rares mais graves d’anévrisme, de dissection aortique ou d’insuffisance des valves cardiaques survenus sous traitement par fluoroquinolones ont fait l’objet d’analyses de pharmacovigilance. Et surtout, ces médicaments sont connus leur capacité à induire des troubles du rythme cardiaque, avec allongement de l’espace QT et risque de torsades de pointe.
Une méthodologie cas-témoins
Mais ces molécules sont-elles pour autant associées, en vie réelle, à un surrisque d’arrêt cardiaque extrahospitalier ? Les données de la littérature apparaissent contradictoires. D’autant qu’il apparaît difficile, d’un point de vue méthodologique, d’attribuer un cas d’arrêt cardiaque à une action directe d’un antibiotique ou à un effet des pathologies sous-jacentes.
Pour mieux estimer l’association potentielle entre fluoroquinolones et arrêts cardiaques extrahospitaliers, une vaste étude de cohorte a été conduite dans la population générale danoise (1). Il s’agit plus précisément d’une étude cas-témoins fondée sur des registres nationaux, qui a conduit à l’appariement de plus de 46 500 cas d’arrêts cardiaques extrahospitaliers de cause cardiaque présumée à près de 233 000 contrôles n’ayant pas manifesté d’arrêt cardiaque. Des modèles de régression logistique conditionnelle avec ajustements pour les facteurs de risque bien connus d’arrêt cardiaque extrahospitalier ont été utilisés pour estimer les risques d’arrêt cardiaque, en comparant les fluoroquinolones à l’amoxicilline.
Pas plus de risque qu’avec l’amoxicilline
Conclusion, aucune association entre exposition aux fluoroquinolones et arrêt cardiaque extrahospitalier n’a été retrouvée : le risque d’arrêt cardiaque extrahospitalier était similaire chez les sujets exposés aux fluoroquinolones et chez ceux exposés à l’amoxicilline. Selon les auteurs, « les fluoroquinolones, (qui) ont été utilisées par 276 cas et 328 contrôles, (…) n’ont induit aucune augmentation du risque d’arrêt cardiaque extrahospitalier par rapport à l’amoxicilline, après ajustement (OR = 0,91) ». Et ce, bien que, dans l’étude, les utilisateurs de fluoroquinolones se révélaient plus âgés et plus susceptibles de présenter des comorbidités cardiovasculaires que les utilisateurs d’amoxicilline.
En fait, les résultats ne dépendaient ni de l’âge, ni du sexe des individus. Et aucun surrisque d’arrêt cardiaque extrahospitalier associé aux fluoroquinolones ne se dégageait non plus dans diverses sous-populations à risque : personnes atteintes d’insuffisance cardiaque, ou de cardiopathies ischémiques, notamment.
À noter toutefois une limite de l’étude, reconnue par les auteurs, « les données n’étaient pas issues d’une cohorte spécifiquement conçue afin d’étudier les arrêts cardiaques extrahospitaliers, ce qui pourrait avoir entraîné une mauvaise classification de (certaines informations) », et ainsi induit une sous-estimation du risque d’arrêt cardiaque associé aux fluoroquinolones.
(1) Viktoría Ellenardóttir et al. Fluoroquinolones do not provide added risk of out-of-hospital cardiac arrest: a nationwide study. Open Heart. 2024 Jan 12;11(1):e002520
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