Les anticorps monoclonaux pourraient ouvrir le champ des anticoagulants. L’abélacimab, anticorps monoclonal humain ciblant la forme inactive du facteur XI de la coagulation afin de bloquer son activation, a fait l’objet d’une publication le 22 janvier dernier dans le New England Journal of Medicine (1). Ce produit, développé par la société Anthos Therpeutics, avait déjà été testé positivement en 2021 dans la prévention des thromboembolies veineuses post-chirurgicales (après l’arthroplastie totale de genou). La présente publication évalue son intérêt cette fois dans la prise en charge des maladies cardiovasculaires associées à un risque thromboembolique, à l’instar de la fibrillation atriale, versus rivaroxaban.
L’essai clinique a inclus 1 287 patients de 74 ans en moyenne — dont 44 % de femmes — atteints de fibrillation atriale et à risque modéré à élevé d’AVC. Ils ont été randomisés en 1:1:1 pour recevoir soit une injection sous-cutanée d’abélacimab à la dose de 90 mg par mois, ou à la dose de 150 mg/mois, soit 20 mg par jour de rivaroxaban per os.
Résultat : d’un point de vue biologique, les deux doses de d’abélacimab testées étaient bien associées à une réduction nette des niveaux de facteur XI libres (de 99 % à la dose de 150 mg par mois, et de 97 % à la dose de 90 mg par mois). Mais surtout, d’un point de vue clinique, l’abélacimab était bien lié à une réduction nette des évènements hémorragiques par rapport au rivaroxaban. Le taux d’incidence des hémorragies non majeures cliniquement significatives était de 3,2 pour 100 personnes-années avec 150 mg d’abélacimab, de 2,6 pour 100 personnes-années avec 90 mg d’abélacimab, et de 8,4 pour 100 personnes-années avec le rivaroxaban : HR = 0,38 avec abélacimab 150 vs rivaroxaban, HR = 0,31 avec abélacimab vs l’AOC. Soit une sécurité plus importante qu’initialement prévu. Le tout, pour un profil d’effets indésirables par ailleurs comparable parmi les groupes. Si bien que l’essai a été stoppé précocement.
Ainsi, le ciblage du facteur XI par un anticorps monoclonal comme l’abélacimab représente une piste pertinente pour améliorer la sécurité de la prophylaxie antithrombotique chez les patients atteints de fibrillation atriale à risque modéré ou élevé d’AVC. Reste toutefois à s’assurer des résultats à plus long terme, notamment pour s’assurer de la sécurité de l’abélacimab vis-à-vis des hémorragies majeures… et à évaluer, comme toujours, l’impact médico-économique d’un tel traitement.
Quelle prophylaxie des AVC chez les patients en fibrillation atriale subclinique ?
Autre étude parue ce mois concernant la prévention des AVC chez les personnes présentant une fibrillation atriale : une sous-analyse de l’essai randomisé Artesia, centrée sur les patients atteints de fibrillation atriale seulement subclinique (2). Et pour cause. Comme le rappellent les auteurs « les personnes avec une fibrillation atriale subclinique ont un surrisque d’AVC, toutefois dans une moindre mesure que ceux avec une fibrillation atriale clinique, d’où un débat concernant le bénéfice d’une anticoagulation chez ces individus », et les médicaments à utiliser pour cette prophylaxie.
Ainsi, l’essai Artesia — conduit en Europe et aux États-Unis auprès de 4 012 adultes de plus de 55 ans atteints de fibrillation atriale sublinique — avait comparé la balance bénéfices/risques de l’apixaban (5 mg deux fois par jour) par rapport à l’aspirine per os (80 mg une fois par jour) dans cette indication.
Les premiers résultats plaidaient plutôt en défaveur de l’anticoagulant oral d’action directe, associé à moins d’AVC et d’évènements thrombo-emboliques que l’aspirine, mais aussi à plus d’hémorragies majeures.
Cependant, tous les participants atteints de fibrillation atriale subclinique étaient-ils vraiment à égalité ? Les chercheurs ont supposé que non, et que ceux connus pour avoir un surrisque notable d’AVC (patients avec une histoire d’AVC ou d’AIT, soit 346 personnes inclues dans l’essai, dont 172 dans le bras apixaban) pourraient tout de même bénéficier du traitement.
Conclusion : « l’apixaban pourrait être considéré pour la prévention secondaire des AVC chez les personnes avec une fibrillation atriale et des antécédents d’AVC ou d’AIT », selon la publication.
Car, en termes d’efficacité, sur 3,5 ans de suivi, l’anticoagulant oral était associé à une réduction des évènements emboliques plus importante chez les participants avec des antécédents d’AVC et d’AIT (réduction de 7 % du risque absolu d’évènement thrombo-embolique) comparé à ceux sans histoire d’AVC ou d’AIT (réduction d’1 %), contre 1 % chez ceux n’ayant pas rapporté ce type d’antécédents.
Et en termes de sécurité, l’apixaban était également associé à une réduction des hémorragies majeures plus grande chez les participants avec antécédents d’AVC ou d’AIT (réduction de 3 %), par rapport à ceux sans histoire d’AVC ou d’AIT (réduction d’1 %).
Le nombre de patients inclus dans cette sous analyse apparaissant relativement faible, reste, là encore, à confirmer ces résultats, cette fois dans une cohorte plus vaste d’individus atteints de fibrillation atriale subclinique.
(1) Christian T. Ruff et al. Abelacimab versus Rivaroxaban in Patients with Atrial Fibrillation. NEJM. Published January 22, 2025. N Engl J Med 2025;392:361-71
(2) Ashkan Shoamanesh et al. The Lancet Neurology. Volume 24, Issue 2p140-151. February 2025
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