Le récent Congrès européen de cardiologie a fait la part belle à la fibrillation atriale, avec notamment la présentation de nouvelles recos qui mettent l’accent sur l’intérêt du repérage des formes silencieuses, les bénéfices de plus en plus probants de l’ablation et le poids des comorbidités. Totalement virtuelle, cette édition 2020 a aussi conforté l’intérêt potentiel de la colchicine en prévention secondaire chez les coronariens.
La Société européenne de cardiologie (ESC) vient d’actualiser ses recommandations sur le diagnostic et la prise en charge de la fibrillation atriale (FA). Présentée lors de son congrès annuel (29 août – 1er septembre), la nouvelle feuille de route met l’accent notamment sur le repérage des FA asymptomatiques ou pauci-symptomatiques, elles aussi associées à un surcroît d’évènements cardiovasculaires (CV).
Dépistage opportuniste
« Nous préconisons un dépistage "opportuniste" de la FA chez les plus de 65 ans par la prise de pouls ou l’ECG, et un ECG systématique chez les plus de 75 ans ou à risque d’AVC », explique le Pr Giuseppe Boriani (Italie). Le patient doit être parfaitement informé des implications d’un potentiel diagnostic. Modernité oblige, l’ESC détaille les divers objets connectés qui pourraient aider à ce dépistage, tous n’ayant pas encore fait la preuve de leur totale fiabilité. La FA doit aussi être systématiquement recherchée sur les enregistrements des appareils cardiaques implantables ou des holters. Ce qui amène à définir une population de patients avec AHRE (Atrial High Rate Events), chez qui on doit surveiller un éventuel passage à une FA clinique et le risque thromboembolique pour évaluer le rapport bénéfice/risque de la mise sous anticoagulants.
Une approche plus nuancée des scores de risque
Les acronymes se multiplient dans ces nouvelles guidelines, puisqu’on préconise pour une prise en charge globale de se référer à l’acronyme ABC (Atrial fibrillation Better Care) : A pour anticoagulation adaptée aux scores de risque, B pour Better management du contrôle du rythme ou de la fréquence cardiaque, C pour traitement des comorbidités.
Avant toute prescription d’anticoagulants, le risque hémorragique est évalué sur le score HAS-BLED. « Cependant, ce score doit être utilisé pour rechercher des facteurs de risque hémorragique modifiable, identifier les patients chez qui renforcer l’éducation thérapeutique et la surveillance, mais en l’absence de contre-indication absolue aux anticoagulants, ce score ne doit pas contre-indiquer les anticoagulants, insiste la Pr Tatjana Potpara (Serbie), et il doit être régulièrement réévalué. » Dans le même ordre d’idée, l’indication de la prévention du risque thromboembolique ne doit pas être conditionnée au caractère paroxystique, persistant ou permanente de la FA. Les anticoagulants oraux directs (AOD) restent bien sûr indétrônables dans ces nouvelles recos alors que les données du registre français Naxos colligées chez 300 000 patients en FA confirment en vie réelle le surrisque de complications hémorragiques sous AVK par rapport aux AOD.
Par ailleurs, « l’accent est nettement mis sur l’importance de prendre en charge tous les facteurs de risque de la FA et de ses complications, aussi bien par une meilleure hygiène de vie que par les traitements spécifiques des facteurs de risque et des comorbidités », explique le Pr Isabelle Van Gelder (Pays-Bas).
L’approche médicamenteuse est restée pratiquement inchangée. Pour le contrôle de la fréquence cardiaque, on préconise en première intention une monothérapie par ßbloquants ou inhibiteur calcique non dihydropyridinique si la FEVG est normale, ou la digoxine si elle est altérée. Lorsque le contrôle de la fréquence cardiaque ne suffit pas à améliorer la symptomatologie, le choix des anti-arythmiques (AAR) n’est guère modifié. L’amiodarone est considérée comme le traitement de choix chez tous les patients, mais en raison de sa toxicité extracardiaque, les autres AAR peuvent être prescrits en première ligne si cela est possible.
Des recommandations plus fortes pour l’ablation
Enfin, l’ablation marque des points et est maintenant fortement préconisée (recommandations de classe I) pour le contrôle du rythme après échec ou intolérance à au moins un antiarythmique dans les FA paroxystiques ou persistantes avec ou sans facteurs de risque majeurs de récidive, y compris en cas de dysfonction ventriculaire liée à l’arythmie. « Pratiquée dans des centres expérimentés, les risques de la procédure sont limités et son efficacité supérieure à celle des AAR », résume le Pr Carina Blomström-Lundqvist (Suède).