Bien que son rôle physiologique exact demeure méconnu, la lipoprotéine(a) est relativement bien décrite. Connue depuis les années 1960, il s’agit d’une particule de LDL-cholestérol liée à une molécule présentant une structure proche de celle du plasminogène. « Ainsi, la lipoprotéine(a) favorise la thrombose, augmente le risque athérogène et, en cardiologie, contribue à des rétrécissements aortiques », explique le Dr Jean-François Renucci, médecin vasculaire à l’hôpital de la Timone (AP-HM).
Et cette molécule apparaît très liée au risque cardiovasculaire. « On sait que plus les taux de lipoprotéine(a) sont élevés, plus le risque d’accident cardiovasculaire est important », souligne le Dr Renucci. Cependant, ses taux plasmatiques apparaissent soumis à d’importantes variations interindividuelles — sans doute liées à un fort déterminisme génétique, et possiblement encore mal estimées. De fait, la lipoprotéine(a) demeure très peu prise en compte en pratique clinique. « Le dosage — que les laboratoires de biochimie courante sont pourtant capables de réaliser — ne se fait presque jamais, faute de médicaments permettant d’agir sur ce marqueur et, plus globalement, faute de peser sur la stratégie thérapeutique », observe le Dr Renucci.
Affiner le risque cardiovasculaire
Cependant, cet examen complémentaire pourrait s’intégrer aux pratiques dans le futur. Les dernières recommandations européennes et un consensus de la nouvelle Société française d’athérosclérose vont dans ce sens. Elles soulignent que « savoir qu’un patient présente des taux élevés de lipoprotéine(a) permet d’affiner l’évaluation de son risque cardiovasculaire — et de faire basculer un patient à haut risque dans la catégorie à très haut risque », détaille le Dr Renucci. Selon ces recommandations, un dosage apparaît particulièrement indiqué chez les patients déjà à haut risque cardiovasculaire : chez ces patients, au-delà de 0,5 g/L, le risque d’évènements apparaît nettement accru.
Le dosage de la lipoprotéine(a) a aussi sa place en prévention secondaire, en particulier chez des patients présentant des récidives d’évènements cardiovasculaires.
Cibles de LDL-cholestérol abaissées
Dans tous les cas, un taux accru de lipoprotéine(a) pourrait peser sur la prise en charge du risque cardiovasculaire. Et ce, d’abord en abaissant les seuils de LDL-cholestérol à atteindre — par exemple, 0,55 g/L (actuelle cible du traitement chez les patients à très haut risque cardiovasculaire) au lieu de 0,7 g/L (actuelle cible du traitement chez les patients à haut risque cardiovasculaire). « Et, comme la lipoprotéine(a) a un rôle thrombogène, face à un taux élevé chez un patient présentant une plaque d’athérome ou d’autres lésions vasculaires, de l’aspirine peut être indiquée », juge le Dr Renucci.
L’importance de la lipoprotéine(a) sur la prophylaxie cardiovasculaire pourrait dans le futur prendre un poids plus grand encore : aujourd’hui seulement considérée comme un marqueur du risque cardiovasculaire, elle pourrait « devenir un réel facteur de risque cardiovasculaire, dont la modification influencerait la probabilité de réduire des évènements à long terme », entrevoit le Dr Renucci. C’est ce qu’ont suggéré les inhibiteurs de PCSK9. « En plus d’abaisser le taux de LDL-cholestérol, on s’est rendu compte que ces médicaments agissent aussi sur les taux de lipoprotéine(a) — qu’on croyait impossibles à réduire —, avec à la clé 10 % d’infarctus, d’AVC et de décès en moins », détaille le Dr Renucci. Le mécanisme d’action de ces médicaments vis-à-vis de la lipoprotéine(a) concernerait l’augmentation du nombre de récepteurs du LDL-cholestérol — également capables de capter la lipoprotéine(a), structurellement proche du ligand classique de ces récepteurs.
À quand des médicaments cibles ?
Et de nouveaux médicaments plus spécifiques de la lipoprotéine(a) arrivent. « Ces produits devraient pouvoir baisser les taux de lipoprotéine(a), non de l’ordre de 10 %, mais de 80 %, d’où, espérons, un poids plus important sur les évènements cardiovasculaires », entrevoit le Dr Renucci. En particulier, deux thérapies géniques fondées sur des ARN antisens sont dans les tuyaux, dont le pelacarsen, de Novartis. Le principe : « empêcher le gène de contrôle de la lipoprotéine(a) de s’exprimer », explique le médecin vasculaire.
Pour s’assurer de la commercialisation de ce type de médicaments, reste à attendre des résultats d’essais cliniques, qui devraient arriver d’ici deux à trois ans. En cas de résultats positifs, l’implémentation de ces nouveaux produits — dont le coût devrait s’avérer élevé — ne pourrait néanmoins se faire qu’à l’horizon 2030, voire plus tard encore. « Le remboursement met toujours trop de temps à arriver en France », déplore le médecin. Des conditions de prescription restreintes pourraient de surcroît freiner l’accès à ces innovations, le risque étant que seuls les spécialistes puissent recourir à ces nouveaux traitements. « Or, remarque le Dr Renucci, la prévention primaire repose encore majoritairement sur les généralistes ».
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