Deux types de patients atteints de sténose coronaire demeurent éligibles à une revascularisation par angioplastie d’emblée. À commencer par les individus atteints de syndrome coronarien aigu. Dans ce public, la prise en charge, urgente, consiste à proposer une coronarographie rapide, puis, le plus souvent, un traitement par angioplastie ou pontage. Et cette séquence ne semble pas devoir pour le moment évoluer pour cette population.
En revanche, chez les patients atteints de sténose coronaire stable, chronique, symptomatique (angine de poitrine, essoufflement, etc.), aussi éligibles à la revascularisation, « le scanner coronaire, qui occupe déjà une place de plus en plus importante dans le diagnostic de maladie coronaire, pourrait contribuer à la réflexion sur la meilleure stratégie de revascularisation », prévoit le Dr Frédéric Bouisset. Cette perspective semble du moins faire de plus en plus parler d’elle.
En première ligne dans les recommandations
En fait, en cas de sténose coronaire chronique symptomatique, un scanner est déjà recommandé. « Historiquement, cet outil était considéré comme adapté seulement pour écarter toute éventuelle maladie coronaire, on l’utilisait donc plutôt chez des populations à faible risque, en se fondant sur sa bonne valeur prédictive négative et ainsi, en cas d’absence de rétrécissement coronaire sur le scanner, on pouvait être rassuré », rappelle le Dr Bouisset.
Toutefois, la donne pourrait changer, en lien avec une évolution technologique importante. « La résolution du scanner coronaire a beaucoup progressé », affirme le Dr Bouisset. Aussi, visualiser avec plus de détail les artères coronaires s’avère désormais possible.
« On est maintenant capable d’observer au scanner les artères coronaires de façon plus détaillée, et ainsi de caractériser, non seulement la sévérité des lésions, mais également la composition et la distribution des plaques d’athérome dans l’arbre coronaire de façon plus fiable. »
Ainsi, avant de passer à la coronarographie, en cas de rétrécissement coronaire, davantage d’informations apportées par le scanner pourraient d’ores et déjà être utilisées afin de préparer au mieux la pose d’un stent. « On peut, au scanner, envisager quel sera le cathéter le plus adapté pour visualiser la coronaire, puis estimer la longueur de la lésion, apprécier la présence de calcium, ce qui a une grande importance dans la stratégie de préparation avant angioplastie, et, le cas échéant, comprendre sa distribution, etc., orientant déjà la prise en charge vers une pose de stents ou des pontages, en amont de la coronarographie qui confirmera définitivement les lésions, de façon invasive », détaille le Dr Bouisset.
De plus, le scanner permet de mieux apprécier l’impact fonctionnel des sténoses éventuelles. « Des modèles mathématiques, dont certains sont déjà utilisés en clinique, permettent de mesurer le retentissement sur le flux coronaire engendré par une sténose, et ainsi de sélectionner les rétrécissements réellement problématiques, à viser pour le traitement », explique le Dr Bouisset. Et certains logiciels permettraient également de modéliser la réponse aux traitements envisagés — qu’il s’agisse d’un stent, ou d’un pontage. Si bien qu’à terme, la coronarographie pourrait se voir de moins en moins utilisée pour sa valeur diagnostique.
« La précision du bilan coronaire lésionnel par scanner permettra de décider de la stratégie de revascularisation à mettre en place », prévoit le Dr Bouisset. C’est du moins ce qu’imaginent un certain nombre de chercheurs à ce sujet.
Une étude des pratiques
Et de nouvelles données pourraient bientôt confirmer cette hypothèse. Le cardiologue évoque en particulier un essai international randomisé, en cours, dans le lequel un millier de patients devraient recevoir soit une angioplastie planifiée sur les données du scanner, soit une angioplastie selon la procédure habituelle, c’est-à-dire guidée par l’angiographie et dans ce cas, également par échographie endocoronaire (IVUS). « Il s’agit d’une étude de non-infériorité (entre les deux pratiques). »
De plus, le cardiologue évoque des travaux concluant que certaines décisions, même d’interventions lourdes telles que des pontages, peuvent bel et bien être prises uniquement sur la base d’un scanner, sans recours à la coronarographie. « Au total, cela permettra d’optimiser nos décisions en utilisant mieux des données de patients qui existent déjà, puisque ces examens scanner sont déjà réalisés dans le parcours patient, pour faire le diagnostic initial de coronaropathie, et de les prendre en amont de la salle de cathétérisme, dans un contexte serein », résume le Dr Bouisset, qui compare cette évolution à la pose de Tavi.
« Avant tout Tavi, on fait un scanner, que l’on analyse pour choisir la valve et l’abord vasculaire qui semblent les plus adaptés pour le patient que l’on traite. Les cardiologues interventionnels et les chirurgiens cardiaques utilisent donc déjà les données scanner pour planifier leurs procédures, notamment valvulaires. Demain, ils utiliseront aussi le scanner s’agissant de la planification des procédures de revascularisation myocardique », prédit le cardiologue.
Et ce, sans surcoût, du moins théoriquement : si le scanner est déjà utilisé pour le diagnostic anatomique, l’analyse de ces informations pour en tirer des données fonctionnelles, c’est-à-dire le retentissement des sténoses sur le flux, elle, peut s’avérer coûteuse. « La société américaine HeartFlow propose d’apprécier l’impact fonctionnel d’une sténose coronaire au scanner, mais pour un prix encore non négligeable et à ce jour non remboursé en France », regrette le Dr Bouisset. Des alternatives, moins coûteuses, se développent pour répondre à ce besoin.
Et d’autres obstacles pourraient empêcher le coroscanner de prendre une plus grande place dans les parcours de soins. À commencer par l’accessibilité à des scanners de qualité suffisante — répartis de façon peu homogène sur le territoire.
De surcroît, une formation des cardiologues apparaît nécessaire. « Extraire des informations pour planifier une angioplastie est une démarche qui s’apprend, et nous l’apprendrons, comme on l’a fait pour la planification des procédures structurelles », prévoit le Dr Bouisset.
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