Monsieur I.R., âgé de 66 ans, a un DT2 traité par de la metformine. Au bilan biologique précédant l’intervention chirurgicale, son débit de filtration glomérulaire (DFG) est de 48 ml/min/1,73 m².
Sans connaître la glycémie et l’HbA1c, il est désormais possible de prescrire une gliflozine, quelle que soit sa spécialité. Chez ce patient, il faut prescrire une gliflozine, quelle que soit la valeur de l’HbA1c (un bloqueur du système rénine-angiotensine serait à proposer uniquement en cas d’hypertension artérielle).
C’est de fait, la principale actualité pratique en diabétologie pour le cardiologue en 2021. Pourquoi ?
Deux avancées essentielles
Tout d’abord, les gliflozines ne pouvaient être prescrites que par les diabétologues et les internistes. Cette classe a vu ses possibilités de prescription étendues à tous les médecins en 2021, dont les cardiologues.
Mais surtout, chez les patients diabétiques ayant une altération de la fonction rénale, les gliflozines apportent un bénéfice clinique démontré : diminution du risque d’aggravation de la fonction rénale et d’insuffisance cardiaque (IC).
Ainsi, lorsque le cardiologue reçoit un patient ayant un DT2, il doit connaître sa fonction rénale et/ou l’existence d’une albuminurie (qu’elle soit micro ou macro), afin de lui proposer un traitement qui améliorera son pronostic cardiaque et rénal.
Prendre en compte l’HbA1c ?
En 2019, les recommandations de la Société européenne de cardiologie (ESC) et de l’Association européenne pour l’étude du diabète (EASD) avaient proposé de prescrire une gliflozine ou un agoniste des récepteurs au GLP1 (ar-GLP1) chez les diabétiques à haut risque cardiovasculaire (CV), sans connaître leur taux d’HbA1c, qu’ils aient ou non de la metformine.
En 2021, la Société francophone du diabète (SFD) propose aussi que les traitements antihyperglycémiants soient prescrits chez les patients ayant un DT2 quel que soit le niveau d’HbA1c, mais avec deux nuances (voir figure). La première est que les patients doivent être traités préalablement par de la metformine. La deuxième est que les ar-GLP1 et les gliflozines peuvent être prescrits indépendamment de la valeur de l’HbA1c, uniquement en prévention CV secondaire. Chez les patients ayant une maladie rénale chronique ou une IC, les gliflozines peuvent être prescrites indépendamment du taux d’HbA1c, alors que les ar-GLP1 sont à envisager uniquement en cas d’intolérance aux gliflozines et si l’HbA1c est supérieure aux objectifs fixés (1). Les auteurs précisent cependant que les ar-GLP1 doivent être utilisés avec précaution en cas d'IC à fraction d'éjection réduite (< 40 %), compte tenu de leur effet tachycardisant et du signal défavorable observé avec le liraglutide dans les études LIVE et FIGHT.
Un antihyperglycémiant, premier médicament bénéfique dans l’IC-FEP
Dans l’étude EMPEROR Preserved, il a été démontré que l’empagliflozine à 10 mg par jour, réduit le risque de décès CV et surtout d’hospitalisations pour IC (critère primaire), chez les patients ayant une IC à fraction d’éjection supérieure à 40 %, diabétiques ou non.
À l’inclusion de cet essai thérapeutique conduit en double aveugle contre placebo, les 5 988 patients étaient âgés en moyenne de 72 ans, des femmes dans 45 % des cas, et diabétiques pour 49 %. Leur DFG était de 60 ml/min/1,73 m² et la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) de 54 %. Au terme d’un suivi moyen de 26 mois, il a été observé une réduction significative, de 21 % en valeur relative (HR : 0,79 ; IC 95 % : 0,69-0,90 ; p = 0,0003), des décès CV et des hospitalisations pour IC. Ceci était principalement dû à une diminution significative, de 27 % en valeur relative, des hospitalisations pour IC (HR : 0,73 ; IC 95 % : 0,61-0,88 ; p < 0,001). Par contre, l’effet n'était pas significatif sur les décès CV (HR : 0,91 ; IC 95 % : 0,76-1,09) et la mortalité totale (HR : 1,00 ; IC 95 % : 0,87-1,15).
Concernant la pente de diminution du DFG avec le temps, une différence significative entre les groupes (de 1,36 ml/min/1,73 m2 ; p < 0,0001) était constatée, en faveur de l’empagliflozine.
EMPEROR Preserved est la première étude à démontrer qu’il est possible d’améliorer le pronostic de patients ayant une IC-FEP. Il est ainsi prouvé que les gliflozines exercent un bénéfice clinique sur tout le spectre de l’IC, en préventif et curatif, quelle que soit la FEVG. Cette classe thérapeutique devient un traitement majeur en cardiologie, à utiliser en priorité chez nombre de diabétiques.
Elsan clinique Villette, Dunkerque
(1) Darmon P et al. Prise de position de la Société Francophone du Diabète sur les stratégies d'utilisation des traitements anti-hyperglycémiants dans le diabète de type 2, Med Mal Metab 2021;15:781–801
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