Nutriscore appliqué sur certains emballages de produits alimentaires, flèches au sol conduisant vers des escaliers plutôt qu’un ascenseur, ou encore panneau indiquant « merci » au-dessus d’une poubelle, etc. Depuis quelques années, les nudges se multiplient dans l’espace public. L’utilisation de ces « coups de coude » ou « coups de pouce », théorisée par l’économiste Richard Thaler il y a un peu plus de 15 ans, vise à favoriser les changements de comportement par des incitations discrètes et — en théorie — respectueuses de l’autonomie des individus. D’où l’intérêt pour ces nudges en santé, et notamment pour les patients pris en charge en cardiologie.
Ainsi ont récemment été conduits trois essais de grande envergure visant à préciser l’efficacité de nudges, se présentant sous la forme de messages informatifs envoyés par voie électronique aux personnes atteintes de maladies chroniques cardiovasculaires, afin d’augmenter la couverture vaccinale antigrippale. Ces essais, dénommés Nudge-Flu, Nudge-Flu-2 et Nudge-Flu Chronic ont été conduits au cours des saisons grippales 2022-2023 et 2023-2024 au Danemark — où, comme en France, le vaccin contre la grippe est recommandé chez les personnes jeunes atteintes de maladies cardiovasculaires, mais très insuffisamment utilisé dans cette population.
Favoriser la prévention antigrippale
En pratique, plus de 2 millions d’adultes âgés de 18 à 64 ans atteints de maladies chroniques et éligibles au vaccin antigrippal — dont 59 450 avaient des antécédents d’infarctus- ont été recrutés et randomisés afin de recevoir soit un nudge sous forme de SMS, soit les incitations habituelles à participer à la campagne vaccinale.
Les résultats d’une analyse secondaire préspécifiée ont été partagés mi-novembre au Congrès de l’American Heart Association (AHA). Selon cette présentation, par rapport aux sollicitations habituelles, l’envoi de messages permet d’augmenter légèrement, d’1,8 %, le recours au vaccin chez les patients ayant des antécédents d’infarctus.
Parmi les divers types de messages nudges envoyés, les plus efficaces pour stimuler la participation à la campagne vaccinale étaient ceux qui explicitaient les potentiels bénéfices cardiovasculaires des injections — avec plus de 3,9 % d’augmentation des taux de participation chez les receveurs de nudges ayant des antécédents d’infarctus par rapport à ceux du groupe témoin.
Et ces messages centrés sur les potentiels bénéfices cardiovasculaires de la vaccination permettaient surtout de conduire à l’injection les participants avec antécédents d’infarctus les plus réfractaires : ceux qui ne s’étaient pas fait vacciner à la saison précédente, et les adultes jeunes ayant récemment eu un infarctus.
Une limite mérite toutefois d’être soulevée : au Danemark, les taux de vaccination de départ apparaissaient, même au début de l’étude plus hauts que dans nombre de pays, ainsi ces résultats pourraient s’avérer peu reproductibles dans un autre contexte géographique.
Peu d’intérêt pour favoriser l’observance aux traitements chroniques
Parallèlement, une autre étude (1) publiée dans le Jama s’est intéressée à l’intérêt de nudges — toujours présentés sous forme de textos — pour favoriser, non l’adhésion à une mesure de prévention, mais l’observance aux traitements chroniques chez les patients pris en charge en cardiologie.
Dans ce cadre, 9 501 patients américains de 18 à 90 ans présentant au moins une maladie chronique cardiovasculaire traitée pharmacologiquement ont été recrutés et randomisés en quatre groupes — les participants des trois premiers groupes ayant reçu trois types de messages (rappels génériques appelant à retourner chercher le médicament à la pharmacie, rappels plus personnalisés, et rappels personnalisés couplés à un chat bot) et les autres n’ayant pas reçu de rappel par message texte (groupe témoin).
Cette fois, les résultats apparaissent négatifs : selon la publication, aucun des trois types de nudges testés n’a permis ni « d’augmenter l’observance au renouvellement de traitement à la pharmacie au bout de 12 mois » (critère de jugement principal de l’étude), ni de réduire le nombre de consultations aux urgences, d’hospitalisations et de décès (critère secondaire).
Face à ces résultats contradictoires, l’intérêt des nudges reste à préciser en cardiologie. A noter toutefois qu’ils pourraient s’avérer les plus efficaces pour réduire le fardeau lié aux maladies cardiovasculaires concernent les incitations à adopter une alimentation plus saine dirigées vers toute la population — et non uniquement aux patients déjà malades.
(1) P. Michael Ho et al. Personalized patient data and behavioral nudges to improve adherence to chronic cardiovascular medications a randomized pragmatic trial. JAMA. Published online December 2, 2024
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