La CMH est une cardiopathie d’origine génétique (mutations des gènes codant pour des protéines du sarcomère cardiaque, souvent la bêta-myosine et la protéine C), touchant un adulte sur 250 à 500. Elle entraine une hypertrophie ventriculaire gauche (VG) prédominant sur le septum interventriculaire, détectable par échocardiographie. Les conséquences des mutations sont une rigidité et une hypercontractilité myocardiques, par augmentation des liens actine-myosine qui régulent le glissement des filaments fins le long de ceux plus épais de myosine. La présentation clinique est hétérogène (pas de symptômes, souvent une dyspnée d’effort modérée), avec plus rarement une insuffisance cardiaque sévère ou mort subite d’origine rythmique.
L’obstruction sous-aortique, source de gène à l’éjection systolique VG, caractérise la CMH obstructive (CMHo). Elle est due à l’attraction systolique de la valve mitrale (mouvement systolique antérieur ou SAM) vers le septum hypertrophié, avec des conséquences délétères : insuffisance mitrale, dilatation atriale, baisse du débit cardiaque. Sa recherche et sa quantification se font par la mesure Doppler du gradient maximal VG-aorte, qui permet de définir la CMHo (> 30 mm Hg, obstruction importante au-delà de 50 mm Hg). Environs deux tiers des patients ont une obstruction (de repos et/ou provoquée par une épreuve de Valsalva ou un effort), et parmi eux 70 % sont symptomatiques. Cette obstruction prédit aussi l’apparition de symptômes sévères et influe sur le risque de mort subite.
Prise en charge actuelle de l’obstruction
Le traitement actuel des CMHo symptomatiques fait appel à des molécules inotropes négatives (diminuant l’épaisseur systolique septale et le SAM), efficaces (souvent incomplètement) sur le gradient, mais non validées par de grandes études. Mais ces traitements médicaux (bêtabloquant ou verapamil, éventuellement avec disopyramide) ne ciblent pas les anomalies physiopathologiques de la maladie, et restent empiriques en l’absence d’essais randomisés. En cas de CMHo restant très symptomatique (NYHA III) avec obstruction sévère (> 50 mmHg), on a parfois recours à l’alcoolisation septale ou à la myectomie chirurgicale, avec les complications inhérentes à ces techniques invasives.
Un modulateur de la myosine cardiaque
Ouvrant la voie d’une nouvelle classe thérapeutique, le mavacamten est un inhibiteur allostérique oral sélectif de la myosine cardiaque. Il réduit la contractilité en inhibant l’ATP-ase de la myosine, en cause dans la formation excessive des ponts myosine-actine. Il a fait l’objet de l'étude internationale randomisée EXPLORER-HCM, en double aveugle versus placebo (1). Menée durant 30 semaines, elle a inclus 251 patients avec CMHo (> 50 mm Hg au repos ou après provocation), symptomatiques malgré le traitement (75 % sous bêtabloquant). Les effets, versus placebo, sont spectaculaires (p < 0,001), aussi bien sur l’obstruction d’effort (disparition complète dans 57 %, < 50 mm Hg dans 74 % des cas) que sur les symptômes (50 % versus 21 % de patients devenant asymptomatiques) et les indices de qualité de vie. On observe une disparition complète de l’obstruction et des symptômes dans 27 % des cas (versus moins de 1 % sous placebo). Une augmentation du pic de consommation maximale d'oxygène d’effort est constatée (+1,4 versus -0,1 ml/kg/mn) et 37 % des patients (versus 17 %) atteignent le critère principal d'évaluation (élévation du pic > 1,5 ou 3 ml/kg/min, en fonction de l’amélioration ou de l’absence d’aggravation de la classe NYHA). De plus, il y a une diminution rapide et soutenue des taux sériques des biomarqueurs cardiaques (souvent élevés dans la CMH sévère) par rapport au placebo : -80 % pour le NT-proBNP et -41 % avec la troponine.
Enfin, dans l’étude VALOR-HCM (2), menée chez 112 patients avec obstruction sévèrement symptomatiques (NYHA > III) adressés pour ablation septale, seulement 17,9 % d’entre eux restent éligibles à une ablation après 16 semaines de traitement par mavacamten (versus 76,8 % sous placebo, p < 0,0001).
Et à l’avenir ?
EXPLORER-HCM est une avancée majeure dans la prise en charge des patients atteints de CMHo. Le mavacamten démontre un effet spectaculaire sur tous les critères d'évaluation, avec une diminution rapide et soutenue de l’obstruction, en faisant ainsi une alternative à l’ablation septale. Son efficacité et sa tolérance à long terme ont été confirmées dans l’essai ouvert MAVA-LTE. Commercialisé aux États-Unis depuis Avril 2022, il devrait l’être en France dans les mois à venir. Mais la titration des doses reste complexe, nécessitant des échographies répétées pour surveiller le gradient et la contractilité VG. La possibilité d’une altération franche de contractilité est possible (sept patients dans EXPLORER), bien que toujours réversible à la diminution des doses ou à l’arrêt du traitement. Enfin, il faudra préciser les conséquences à long terme du traitement sur le pronostic de la maladie.
Hôpital européen Georges Pompidou (Paris)
(1) Olivotto I et al, Lancet 2020;396(10253):759-69
(2) Desai MY et al. J Am Coll Cardiol. 2022 Jul;80(2):95–108
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