Les recommandations décrivent les modalités de diagnostic et de prise en charge des toxicités cardiaques des patients atteints de cancer, exposés à des traitements potentiellement cardiotoxiques (anthracyclines, thérapies ciblées, immunothérapies). « L’évaluation débute avant la chimiothérapie, par l’analyse du risque de toxicité cardiaque défini par les facteurs de risque cardiovasculaires (FRCV), les antécédents de cardiopathie, et les caractéristiques du projet oncologique. Cette démarche suppose des réseaux structurés permettant le dialogue entre cancérologue et cardiologue à toutes les étapes », insiste le Dr Stéphane Ederhy, président du groupe de cardio-oncologie de la Société française de cardiologie (SFC). L’éducation et l’aide apportées au patient sont indispensables pour l'informer sur l'hygiène de vie, afin de réduire les FRCV et de reconnaître les symptômes évocateurs de cardiotoxicité. Il faut aussi prendre en compte les aspects psychosociaux, avec la délicate gestion de l'annonce d'une éventuelle cardiotoxicité s'ajoutant au choc du diagnostic de cancer.
Une nouvelle définition de la cardiotoxicité
La définition de la cardiotoxicité a évolué. Parmi les formes symptomatiques, on distingue les atteintes très sévères (nécessitant un support inotrope, une assistance cardiocirculatoire et plus rarement une transplantation cardiaque), les complications sévères requérant une hospitalisation, les cas modérément sévères pouvant être traitées en ambulatoire, et les peu sévères où le traitement reste inchangé. Parmi les formes asymptomatiques, on différencie les atteintes sévères définies par une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) de moins de 40 %, modérément sévères entre 40 et 49 %, peu sévères au-delà de 50 % mais avec à une altération du strain longitudinal global ou à une élévation des biomarqueurs (troponine, peptides natriurétiques).
Les myocardites liées aux immunothérapies sont rares (moins de 1 %), mais associées à une mortalité de 40 à 50 %. Difficile à établir, le diagnostic est certain si la biopsie endomyocardique est positive, mais c'est un geste invasif. Il peut être posé lorsque la troponine est élevée en présence d’une IRM cardiaque évocatrice, ou de deux critères parmi les données cliniques (dyspnée, douleur thoracique, syncope, choc cardiogénique), ECG, ou échographiques. Les immunothérapies peuvent entraîner des complications immuno-médiées, avec une toxicité musculaire, des troubles du rythme ventriculaire ou de la conduction, une altération de la FEVG ou des anomalies de la cinétique segmentaire à l'échographie.
Une approche intégrative
« Par rapport au consensus de 2014, les recommandations actuelles rappellent qu'elles ne sont qu'un outil au sein d'une évaluation plus globale, clinique et paraclinique complète », note le cardiologue. Le bilan préthérapeutique comporte un examen clinique, un relevé des FRCV, des traitements en cours, des antécédents CV et oncologiques. Un bilan lipidique, une glycémie à jeun, un ECG, une FEVG et le dosage des biomarqueurs peuvent compléter l’évaluation clinique.
Cette personnalisation du risque permet de moduler la surveillance pour chaque classe thérapeutique. Sous anthracyclines, le patient à faible risque bénéficiera d'un ECG et d'une échographie systématiques avant la chimiothérapie, 12 mois après et éventuellement au quatrième cycle. En cas de haut ou très haut risque, il sera réalisé un bilan initial par ECG, échographie et dosage des biomarqueurs. Puis, l'échographie sera réitérée lors des deuxième, quatrième et sixième cycles de chimiothérapie, puis trois et 12 mois après le traitement. Un dosage des biomarqueurs sera associé à chaque cycle, puis trois et 12 mois après le traitement.
Arrêt de traitement et surveillance
L’arrêt des anthracyclines est préconisé en cas de cardiotoxicité symptomatique sévère (ou très sévère), à discuter si modérément sévère. En cas de symptomatologie absente ou peu sévère, les anthracyclines peuvent être poursuivies sous surveillance échographique et des biomarqueurs (avec prescription d’un traitement cardioprotecteur si modification). De plus, une nouveauté de ces recommandations est la mise à disposition d'arbres décisionnels concernant l'allongement de l’intervalle QT, la fibrillation atriale ou l'hypertension artérielle.
Le niveau de risque initial va aussi déterminer le type de surveillance après la fin du traitement, chez les personnes asymptomatiques. S'il était faible, une évaluation clinique annuelle est recommandée. S'il était modéré ou élevé, le risque CV sera évalué à un an et tous les cinq ans, en surveillant les nouveaux symptômes et en insistant sur la prise en charge des FRCV.
La surveillance par imagerie bénéficie d'un niveau de preuve plus faible (IIa). L’échographie se fera annuellement puis tous les deux ans si le risque est haut ou très haut, tous les cinq ans s'il est modéré. Elle n'est pas préconisée s’il est bas.
D'après un entretien avec le Dr Stéphane Ederhy, hôpital Saint-Antoine, Paris
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