L’étude, récemment parue, s’est intéressée à l’activité physique intense réalisée dans la vie quotidienne. « Elle correspond à une activité durant laquelle il n’est plus possible de chanter ni de parler, contrairement à l’activité légère (possibilité de parler et chanter) ou modérée (parler mais pas chanter), sans non plus être à bout de souffle (activité très intense) », précise le Pr François Carré.
Un suivi sur sept ans de 25 000 sujets inactifs
L’analyse a été menée d’après la banque de données prospective anglaise (UK Biobank), rassemblant depuis 2006 un demi-million de personnes de 40 à 69 ans. Elle porte sur 25 000 personnes inactives (pas plus d'une promenade par semaine) de 62 ans d'âge moyen, dont 56 % de femmes ayant participé à des suivis d'accélérométrie (enregistrements de 16 heures par jour durant trois jours, dont au moins un jour le week-end). Les moments d'activités physiques intenses intermittentes (VILPA : vigourous intermittent lifestyle physical activity), d’une à deux minutes dans la vie de tous les jours, ont été retenus. Parmi les sujets inclus, près de 11 % n'avaient aucune activité physique intense, 32 % une à deux par jour, 34 % trois à quatre par jour et 22 % plus de quatre par jour, sans jamais dépasser onze par jour (soit trois par jour en valeur médiane). À sept ans de suivi, les liens avec la mortalité totale, cardiovasculaire et par cancer, ont été analysés après ajustements (âge, sexe, tabagisme, sommeil, alcool, traitements médicamenteux…).
Il est à noter que les décès survenus dans les deux premières années ont été exclus, de même que les sujets ayant un antécédent cardiovasculaire pour la mortalité cardiovasculaire, et ceux ayant eu un cancer pour la mortalité par cancer. Après sept ans de suivi, 852 décès sont survenus, dont 266 de causes cardiovasculaires et 511 liés au cancer.
Une baisse de 40 % de la mortalité totale
« Chez ces personnes inactives, celles ayant des activités physiques vigoureuses dans leur vie quotidienne (VILPA) meurent moins. La quantité de VILPA est presque linéairement associée, de façon inverse, aux mortalités. Pour l'équivalent de trois activités physiques vigoureuses d’une à deux minutes par jour, la mortalité totale est réduite de 38 à 40 %, tout comme la mortalité par cancer. Quant à la mortalité cardiovasculaire, elle diminue de presque moitié (48 à 49 %). Dès 4,4 minutes de VILPA par jour, les mortalités totales ou par cancer baissent de 26 à 30 %, et la mortalité cardiovasculaire de 32 à 34 % », résument les auteurs.
Ce bénéfice est également retrouvé chez les sujets actifs. En effet, l'analyse a été répétée sur une cohorte de 62 000 personnes pratiquant régulièrement de l'activité physique (UK Biobank). « À nouveau, les VILPA intervenant ici durant l'activité physique sont associés à des mortalités totales, par cancer et cardiovasculaires réduites. Les courbes dose-réponse sont comparables à celles observées chez les inactifs », constatent les auteurs.
Saisir toutes les occasions de bouger !
« La relation entre intensité de l'effort et bénéfice chez les personnes en bonne santé est connue depuis longtemps. C'est vrai en termes de quantité, mais aussi de qualité. Bouger c'est bien, bien bouger c'est mieux », résume le Pr Carré.
« En population, le bénéfice sur la mortalité tend vers un plateau à partir de 30 minutes par jour d’activité physique modérée, d'où les recommandations. Mais on sait que l'exercice intense fractionné (six fois une minute intense entrecoupée de repos) est presque aussi efficace que 30 minutes d'affilée. C'est physiologique, souligne le Pr Carré. Le bénéfice est en effet loin d'être seulement calorie-dépendant. Il est bien plus corrélé à la libération par le muscle, à l'effort, de myokines passant dans la circulation, qui diminuent le niveau d'inflammation, de stress oxydant et stimulent le système immunitaire. Cette libération augmentant plus lors d'activité intense, il est logique qu'une activité intense, même brève, soit très efficace ».
« D'ailleurs, on parle aujourd'hui plus largement, pour les activités intenses, de libération d'exerkines, au niveau des muscles, du cœur, du foie, du pancréas, du cerveau. L'Homo sapiens a survécu grâce à sa capacité à stocker les graisses, et à répondre au stress physique. D'où les problèmes associés aujourd'hui à l'excès de nourriture (on stocke encore très bien les graisses) et à la sédentarité (mais on ne bouge plus !) ».
« Cette étude, sans être une surprise, a l'intérêt de mettre clairement en évidence le bénéfice lié aux activités intenses et brèves, y compris dans la vie quotidienne. Toute activité physique, en particulier intense, est bénéfique. Donc, à défaut de faire régulièrement de l'exercice, il faut saisir toutes les occasions : monter rapidement une volée d'escalier, marcher vite à une interconnexion… C'est d'ailleurs ce que l'on recommande déjà en pratique à bon nombre de nos patients », commente le Pr Carré.
D'après un entretien avec le Pr François Carré ( CHU de Rennes)
(1) Stamatakis E et al. Association of wearable device-measured vigorous intermittent lifestyle physical activity with mortality. Nature Medicine 2022; 28: 2521–9
(2) Suran M. Study: Short Spurts of Vigorous Physical Activity During Daily Life Are Associated With Lower Mortality. JAMA 2023;329:275-6.
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