DEPUIS QUATRE ou cinq ans, les données dans le cancer bronchique explosent, grâce à deux grands facteurs. D’une part les nouvelles techniques de séquençage des génomes humains et tumoraux, qui permettent la mise au jour de nouvelles anomalies moléculaires, révélant que le cancer bronchopulmonaire est une maladie très hétérogène faite de multiples sous-types définis par des anomalies moléculaires spécifiques. Et, d’autre part, le développement de molécules, souvent orales, qui ciblent certaines de ces anomalies moléculaires. « Ce développement peut être très accéléré, comme l’illustre le cas du crizotinib, expose le Pr Gérard Zalcman (Caen). Le réarrangement du gène ALK (anaplastic lymphoma kinase) a été caractérisé en 2007 et, à peine six ans plus tard, une molécule ciblant cette anomalie est enregistrée aux États-Unis, sur la foi d’un seul essai de phase I ayant montré une augmentation significative de la survie sans progression (l’EMEA a demandé la réalisation d’un essai de phase III). Seul l’imatinib avait connu auparavant un développement aussi rapide, dans la leucémie myéloïde chronique ».
Une altération par trimestre.
Aujourd’hui, une douzaine de types d’adénocarcinomes ont été démembrés, avec deux grandes cibles : mutation du gène de l’EGFR (récepteur du facteur de croissance de l’épiderme) présente dans de 10 à 12 % des cancers bronchopulmonaires (50 % chez les non-fumeurs) et ciblée par les inhibiteurs de tyrosine kinase anti-EGFR, et réarrangement ALK, présent chez 8 % des non-fumeurs et 4 % des fumeurs, et ciblé par le crizotinib, qui vient d’être enregistré. « Mais déjà pointent les molécules de deuxième génération, souligne le Pr Zalcman, encore plus efficaces, selon des données présentées lors du dernier congrès de l’ASCO : anti-ALK, mais aussi molécules actives sur le réarrangement du gène ROS-1, ou encore inhibiteur de BRAF (la mutation du gène BRAF est présente dans 2 % des cancers bronchiques). Et, bientôt, un anti-RET ou un anti-NTKR1, les deux derniers réarrangments découverts, caractérisés chacun dans 1 à 3 % des adénocarcinomes ».
Au fur et à mesure des progrès du séquençage, de nouvelles altérations moléculaires sont mises au jour, au rythme d’une tous les 3 à 4 mois, et des molécules ciblant ces anomalies sont testées. « Ainsi, de 5 % de patients en 5 %, il est licite de penser qu’à terme, un traitement ciblé pourra être proposé à une grande majorité de malades », estime le Pr Zalcman.
Des cancers qui étaient quasiment orphelins.
Ces progrès devraient également concerner d’autres types de cancers bronchiques que les adénocarcinomes. En effet, grâce au séquençage de nouvelle génération, des anomalies moléculaires ont été caractérisées dans le cancer épidermoïde, qui était quasiment devenu une maladie orpheline.
De nouvelles pistes s’ouvrent aussi dans le cancer bronchique non à petites cellules, qui n’a pas connu de progrès depuis 30 ans.
« Les six dernières années ont été plus riches en avancées que les trois dernières décennies », poursuit le Pr Zalcman, et le cap des 12 mois de survie franchi en 2007 semble bien loin, avec aujourd’hui une survie pouvant atteindre de 25 à 30 mois dans les tumeurs avec mutation de l’EGFR ciblées par une molécule de deuxième génération.
Qualité de vie.
Fait majeur : l’augmentation de la survie ne se fait pas au détriment de la qualité de vie. Les nouveaux traitements ont des effets secondaires, certes, mais qui ne mettant pas en jeu le pronostic vital et restent modestes par rapport aux effets indésirables de la chimiothérapie classique. Ils étaient en revanche moins connus des cancérologues, qui doivent apprendre à gérer au long cours dermite séborrhéique, diarrhées, hypertension artérielle, problème d’impuissance sexuelle, dysthyroïdies, ou troubles de l’accommodation. La qualité de vie des patients s’est ainsi nettement améliorée avec les anti-ALK et anti-EGFR, qui peuvent entraîner, du fait d’un phénomène d’addiction oncogénique, des réponses majeures. Certains patients, alités et sous morphine à forte dose peuvent ainsi en quelques semaines reprendre une activité normale et être sevrés des antalgiques.
Les recherches se poursuivent, et, à l’instar de ce qui a été fait dans le cancer du sein avec l’étude SAPHIR 1, a débuté cette année l’étude SAPHIR 2 dans le cancer bronchopulmonaire, promue par Unicancer avec la participation de l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique (IFCT) et comme coordinateur le Pr J.-C. Soria (Institut Gustave Roussy). Les anomalies dépistées – grâce au séquençage de nouvelle génération systématique des biopsies bronchiques de patients pris en charge dans toute la France – seront mises en regard avec une demi-douzaine de molécules en développement, fournies par un laboratoire pharmaceutique anglo-saxon, l’objectif principal de cet essai étant bien de démonter une amélioration de la survie des patients qui bénéficieraient ainsi d’un traitement ciblé sur mesure.
D’après un entretien avec le Pr Gérard Zalcman, service de pneumologie, CHU, Caen.
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