L’immunothérapie a révolutionné le devenir et la survie des patients dans le mélanome, les cancers du poumon et du rein. Mais dans le cancer de la vessie, deux essais randomisés récents de phase III comparant un anti-PD1 à la chimiothérapie en situation métastatique, montrent que l’efficacité de l’immunothérapie n’est pas toujours au rendez-vous.
Des résultats contrastés
En effet, les résultats préliminaires positifs de l’étude IMvigor 211 avaient valu à l’atézolizumab une AMM en 2017 dans le cancer de la vessie métastatique. Malheureusement les résultats définitifs (1) de l’étude s'avèrent négatifs, éliminant l'atézolizumab de cette indication.
À l’opposé, l’étude randomisée KEYNOTE-045 (2) publiée en mars 2017 dans le NEJM a montré chez 542 patients que le pembrolizumab en 2e ligne du cancer de la vessie métastatique allonge la survie globale d’environ 3 mois par rapport à une chimiothérapie (10,5 vs 7,5 mois), avec moins d’effets secondaires. « Cette augmentation de 3 mois de la survie globale qui peut sembler dérisoire au néophyte est un grand pas en avant. D’autant que cette augmentation de la survie moyenne signifie que la survie des patients répondeurs peut s’allonger bien au-delà de 3 mois », rappelle le Dr Staudacher.
D’autres essais sont en cours, certains en 1re ligne métastatique versus chimiothérapie avec des anti-PD1 seuls ou en association (pembrolizumab, nivolumab + ipilimumab), ou des anti-PD-L1 (avelumab) ; d’autres en situation néoadjuvante avec des anti-PD-L1 (avelumab, durvalumab). D'autres encore dans les tumeurs pré-infiltrantes, en association avec une BCG-thérapie intra-vésicale. Les résultats ne sont pas attendus avant 2019-2020.
Des produits non disponibles
« En France en 2018, il ne nous est pas possible de traiter par immunothérapie les patients atteints de cancers de la vessie comme nous le souhaiterions. La mise à disposition des produits ayant une AMM est en effet retardée par de longues négociations entre autorités sanitaires et laboratoires, car les prix de l’immunothérapie ont explosé », indique le Dr Staudacher. C’est le cas du pembrolizumab, toujours en attente de prix depuis son AMM européenne fin 2017 dans le cancer de la vessie métastatique.
« Aujourd’hui, seule une minorité de patients éligibles à un essai clinique peut être traitée par immunothérapie dans le cancer de la vessie, explique le Dr Staudacher. Le pembrolizumab bénéficiait d’un programme compassionnel du laboratoire, qui s’est arrêté quand ce produit a eu l’AMM. Nous ne pouvons plus en prescrire aux nouveaux patients, ce qui nous place dans une situation délicate. Les patients en situation métastatique savent que le produit est disponible dans d’autres pays européens et aux USA, mais pas en France, et pour eux le temps presse ».
Malheureusement dans le cancer de la vessie, aucun marqueur ne permet aujourd’hui de restreindre les indications de l’immunothérapie aux patients susceptibles d’être répondeurs. Ici le pourcentage d’expression de PDL-1 ne préjuge pas de l’efficacité.
« Difficile de pronostiquer l'évolution de la situation, conclut le spécialiste. L'immunothérapie serait un traitement supplémentaire souhaitable, car il y a peu de lignes efficaces de traitements et la tolérance est bien meilleure que celle des chimiothérapies. »
En conclusion, le Dr Staudacher se dit « raisonnablement optimiste, car un bénéfice de l’immunothérapie est attendu dans les cancers de la vessie (même s’il est moins marqué que dans d’autres domaines de la cancérologie) ». Mais, précise-t-il « cet optimisme n'aura de sens que quand l'accès a ces molécules sera réel pour nos patients ».
D'après un entretien avec le Dr Lionel Staudacher, oncologue médical à l’hôpital Saint Joseph de Paris, qui déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt avec le contenu de cet article.
(1) Powles T. et al., Lancet 2018 ;391(10122) :748-757
(2) Bellmunt J. et al., N. Engl. J. Med 2017;376(11):1015-1026
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