« Ce matin s’est ouvert à Troyes le procès d’un médecin généraliste à qui son patient reproche de ne pas avoir pratiqué un dépistage précoce du cancer de la prostate », pourtant non recommandé par les institutions sanitaires, alerte le Dr Claude Leicher, président de MG France. Dans un communiqué, le syndicat « demande aux autorités en charge de la santé d’établir une règle solide sur un sujet de santé publique qui peut inquiéter les patients concernés mais qui ne saurait supporter la confusion générée par certains groupes de pression ».
Position de l’AFU
Dans un entretien accordé au « Quotidien », le Dr Leicher évoque la position de l’Association française d’urologie (AFU) qui demeure, selon lui, en faveur du dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage PSA. Cette recommandation de l’AFU en date de 2009 reste en effet publiée sur son site Internet. Le Dr Leicher rappelle que l’INCa, la HAS et le Collège de médecine générale sont clairement opposés à un tel dépistage.
À la suite de la publication début février de son deuxième rapport sur la survie des personnes atteintes de cancer en France, faisant notamment état d’une « spectaculaire » amélioration du taux de survie nette chez les patients atteints de cancer de la prostate (de 70 % pour les cas diagnostiqués en 1990 à 90 % en 2002), l’INCa s’est empressé de rappeler que « le dépistage du cancer de la prostate par dosage sérique du PSA ne fait pas l’objet d’une recommandation par les autorités publiques ». Pour l’INCa, ces chiffres concernant le cancer de la prostate « ne viennent pas en contradiction avec cette position ».
Bien au contraire : « La réalisation importante dans notre pays d’un dépistage individuel du cancer de la prostate conduit à la détection de formes précoces de ce cancer. » Or près de 40 à 50 % des cas dépistés sont d’évolution lente et ne se seraient jamais révélés au cours de la vie des personnes. « La mesure de la durée de vie après le diagnostic est donc artificiellement augmentée pour ces cancers que l’on diagnostique plus tôt, sans que cette augmentation de survie ne traduise une amélioration du pronostic de la maladie », souligne l’INCa.
Les généralistes en danger ?
Si MG France « considère que cette prise de position de l’INCa permet aux médecins généralistes d’asseoir une décision thérapeutique éclairée face à la question du dépistage de la prostate », son président s’inquiète des conséquences éventuelles d’une décision en défaveur du généraliste jugé à Troyes. « Aujourd’hui, d’une part, il y a des recommandations faites par des autorités compétentes qui ne sont pas suivies par des spécialistes du secteur, c’est-à-dire les urologues. D’autre part, l’expertise dans cette d’affaire est partiale puisqu’elle est réalisée précisément par un urologue », résume le Dr Leicher. « MG France n’acceptera pas que les généralistes se retrouvent professionnellement mis en danger dès lors qu’ils appliquent une recommandation », insiste-t-il.
« Il faut probablement que les pouvoirs publics réfléchissent à une réglementation protectrice pour les médecins qui suivent des recommandations de santé publique. Sinon, ce n’est plus la peine de faire de telles recommandations en France », ajoute le président du syndicat. En effet, « si jamais ce généraliste est condamné, nous recommanderons aux médecins d’être extrêmement protecteurs pour eux-mêmes dans leur pratique et leurs décisions », prévient le Dr Leicher.
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