Depuis 2018, la plateforme de gestion des risques en sénologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière a permis à plus de 540 patientes d’accéder à une prise en charge personnalisée.
« Lorsqu’une femme vient nous consulter, en raison d’antécédents familiaux par exemple, des algorithmes évaluent son risque de développer un cancer du sein. En cas de suspicion de transmission génétique, nous l’orientons vers la consultation dédiée. Dans les autres cas, nous identifions des facteurs de prévention actionnables et élaborons ensemble un Plan personnalisé de surveillance (PPS), qui peut être poursuivi avec le gynécologue de ville », explique la Pr Catherine Uzan, gynécologue, professeure à la Faculté de Santé Sorbonne Université et praticien hospitalier à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
La plateforme, qui a séduit les femmes — après deux ans, les taux de satisfaction dépassaient 90 % — s’est enrichie d’un projet d’études récompensé par la Prix Ruban Rose et qui a pour objectif de mesurer l’adhésion au PPS pendant une durée de cinq ans. « Dans deux tiers des cas, elles ont changé leurs modalités de surveillance. Elles perdent du poids, reprennent une activité physique, arrêtent le tabac… Elles sont motivées », poursuit la Professeure.
Adapter l’offre de dépistage aux contraintes professionnelles
Forte de ce succès, l’équipe de la Pr Catherine Uzan, et notamment la Dr Amélia Favier, principale porteuse du projet, a souhaité développer un nouveau projet au service de l’égalité des chances et de l’équité en santé : une consultation adaptée pour le personnel de nuit. « Nous savons que le travail de nuit perturbe le rythme circadien qui régule les cycles du sommeil et de veille et donc la production de mélatonine, une hormone protectrice contre le cancer. Plusieurs études établissent une corrélation entre un travail de nuit prolongé — notamment au-delà de 20 ans — et un risque accru de cancer du sein. Or, les algorithmes d’évaluation de ce risque ne prennent pas en compte aujourd’hui cette modalité d’exercice professionnel, explique Catherine Uzan. Les femmes qui travaillent de nuit ont par ailleurs un accès plus complexe aux consultations. Nous avons donc eu l’idée de proposer au personnel soignant que nous croisons au quotidien, des consultations dédiées plus accessibles à des horaires qui puissent leur convenir, en sortie de travail, à 7 heures 30 par exemple. »
Information, consultation, cohorte
Pour sensibiliser les femmes concernées à cet enjeu de santé publique, des actions de communication spécifiques seront développées : articles d’information sur l’Intranet de l’hôpital, diffusion de flyers, édition de QR code renvoyant vers une vidéo détaillant les principes et objectifs de la consultation et rencontres sur site la nuit.
Après cette première phase de sensibilisation, des créneaux de consultation adaptés et ajustables en fonction de la demande seront proposés au personnel de nuit. Et une base de données de suivi spécifique sera parallèlement créée, « incluant de nombreuses informations nous permettant d’intégrer avec la plus grande pertinence le travail de nuit dans les algorithmes d’évaluation de risque de cancer du sein. Ce travail sera mené en partenariat avec Sorbonne Université. La première analyse des données interviendra après six mois. Nous espérons que cette cohorte de suivi comprendra plusieurs centaines de patientes avec un enrichissement sur le long terme », souligne la Pr Catherine Uzan.
Dès l’obtention des financements requis, l’action démarrera au sein du groupe hospitalo-universitaire Sorbonne université, qui regroupe les hôpitaux Pitié-Salpêtrière, où exerce la Dr Amélia Favier en qualité de cheffe de clinique, ainsi que Tenon, Saint-Antoine, Armand-Trousseau, Rothschild, La Roche-Guyon et Charles-Foix. Avec l’objectif de l’élargir à toutes les professionnelles qui travaillent de nuit au sein de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, voire à tous les établissements hospitaliers intéressés par la réduction des inégalités d’accès aux soins préventifs.
« Si nous avons la chance de disposer d’un dépistage organisé d’excellente qualité dans notre pays, notre objectif est de rechercher sans cesse des pistes d’amélioration », conclut la Professeure Uzan.
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