« En traitement initial, le recours aux héparines de bas poids moléculaire (HBPM), sous réserve d'une clairance de la créatinine d’au moins 30 ml/mn, passe d'un niveau de preuve 1B à 1A. Suite à la publication des résultats de l'étude CARAVAGIO, l'apixaban vient rejoindre le rivaroxaban dans la liste des anticoagulants oraux d'action directe (AOD) utilisables en absence de haut risque hémorragique digestif ou génito-urinaire. Ils passent eux-aussi d'un niveau de preuve 1B à 1A, souligne la Pr Corinne Frere, qui a coordonné ce travail en collaboration avec la Pr Dominique Farge-Bancel (CHU Saint-Louis, Paris) et le Pr James Douketis (McMaster University, Canada). En revanche, il n’y a pas de changement concernant le traitement d'entretien par HBPM ou AOD. « On reste sur une durée minimale de six mois, puis une éventuelle poursuite au-delà de six à douze mois, en fonction du bénéfice-risque, à pleine dose. Ceci dans l'attente des résultats, d'ici deux ans, de deux grandes études en cours testant une poursuite au-delà du sixième mois à demi-dose », poursuit la spécialiste.
L’arrivée des AOD en prévention
Du côté des traitements préventifs, des évolutions ont eu lieu, suite aux nombreuses études dédiées, dans le cancer pancréatique localement avancé ou métastatique traité en ambulatoire et à bas risque hémorragique. « Les HBPM passent du grade 1B à 1A et les AOD (apixaban et rivaroxaban) font leur entrée avec un niveau de preuve de grade 1B », relève la Pr Frere.
« Dans les myélomes traités par corticothérapie et immunothérapie (ou autre anticancéreux), qui relèvent d'une prophylaxie systématique (1A) vu leur haut risque thrombotique, l'apixaban vient élargir le choix thérapeutique, à savoir l'héparine, les antivitamines-K et l'aspirine (2C) », résume la Pr Frere.
Une stratégie identique avec ou sans Covid-19
« L'infection par le Sars-CoV-2 majorant le risque thrombotique, nous avons voulu insérer au sein de ces recommandations une nouvelle section : traitement et prévention thromboembolique des patients souffrant de cancer et de Covid-19 », précise la spécialiste. Cependant, les rares données aujourd'hui disponibles, évaluant le risque thrombotique en cas de cancer associé au Covid-19 (versus cancer sans Covid-19), n'ont pas permis de mettre en évidence de nettes différences. « Ainsi, l'ITAC recommande d'appliquer a priori les mêmes stratégies curatives et préventives indépendamment du statut Covid-19, positif ou négatif », constate la Pr Frere.
Trois nouveaux cas spéciaux dédiés à l'oncopédiatrie
Enfin, parmi la liste des situations particulières (tumeurs cérébrales, cancers associés à une thrombocytopénie, une insuffisance rénale, une grossesse ou une obésité), trois nouveaux cas, dédiés à l'oncopédiatrie, sont venus s'ajouter. Il s'agit de deux recommandations de « traitement et prévention » et d’une de bonne pratique. Ainsi, en cas de thromboses symptomatiques de cathéter chez l'enfant, un traitement anticoagulant est désormais formellement recommandé pendant au moins trois mois, et aussi longtemps que le cathéter central reste en place. Lors de la chimiothérapie d'induction pour leucémie lymphoïde aiguë pédiatrique, une thromboprophylaxie systématique doit être instaurée (Grade 2A). Enfin, en cas de recours à un cathéter veineux central chez l'enfant, il est conseillé de privilégier les cathéters à chambre implantable (Porth à Cath) à ceux insérés par voie périphérique.
Recourir aux RCP en cas de doute
« En pratique, n’oublions pas que les AOD ne conviennent pas aux sujets à haut risque de saignement. Lors de cancers digestifs et génito-urinaires, ils sont donc exclus. Enfin, en cas de doute, n'hésitez pas à adresser vos cas en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP). Sur Paris, nous avons deux RCP « thrombose et cancer » : l’une à l'hôpital Saint-Louis, l'autre mutualisée entre les hôpitaux Pitié-Salpêtrière et Saint-Antoine », rappelle la Pr Frere.
(1) Farge D et al . 2022 international clinical practice guidelines for the treatment and prophylaxis of venous thromboembolism in patients with cancer, including patients with COVID-19. Lancet Oncol 2022; 23: e334–47.
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