Des médecins chercheurs de l'Institut Gustave-Roussy (IGR) en collaboration avec l'INSERM et l'université Paris-Sud apportent, pour la première fois, la preuve de l'intérêt clinique d'établir la carte d'identité du génome tumoral dans les cancers avancés, non résécables ou métastatiques.
Menée chez 1 035 patients parmi lesquels 843 ont eu une biopsie avec séquençage de l'ADN tumoral, l'étude MOSCATO, publiée le 1er avril 2017 dans « Cancer Discovery » et présentée au congrès de l'American Association for Cancer Research (AACR), est « la plus importante étude menée en médecine de précision », indique l'IGR dans un communiqué.
Une fois le portrait moléculaire dressé, l'identification de mutations dites « actionnables » permet d'orienter le traitement vers la thérapie ciblée appropriée. En 2016, neuf altérations génomiques sont évaluées en pratique courante. Or il est admis aujourd'hui que plus de 400 gènes sont impliqués dans la progression tumorale. Pourtant, jusqu'à présent, aucune étude clinique n'avait montré de bénéfice à analyser l'ensemble du génome (ou analyse génomique à haut débit) pour le patient.
« Les résultats de MOSCATO sont sans appel et tranchent en faveur des analyses génomiques pour optimiser les traitements du cancer », estime le Pr Jean-Charles Soria de l'IGR et dernier auteur.
Le patient était son propre témoin
Dans cette étude menée à l'IGR entre novembre 2011 et mars 2016, le patient était son propre témoin. La survie sans progression de la maladie (PFS pour progression-free survival rate) sous traitement de référence (PFS1) était d'abord établie. Lorsque la maladie évoluait et qu'une thérapie ciblée était administrée, la survie sans progression était de nouveau mesurée. Les chercheurs ont testé l'hypothèse d'une amélioration de la PFS de plus de 30 % après thérapie ciblée (PFS2/PFS1 > 1,3) chez au moins 15 % des patients traités (principalement des cancers du tube digestif, du poumon, de l'arbre urinaire ou tête et cou).
Les résultats ont été à la hauteur de leurs attentes. « Chez environ la moitié des patients nous avons trouvé des mutations contre lesquelles il est possible d'agir, souligne le Pr Soria. Au final, environ un quart des patients a pu recevoir une thérapie ciblée et chez 33 % de ces patients la thérapie ciblée a freiné la maladie ». Les altérations génomiques les plus fréquentes étaient PIK3CA, ERBB2, PTEN, FGFR1, EGFR et NOTCH.
Une cible actionnable a été identifiée chez 411 patients et parmi eux 199 ont reçu une thérapie ciblée. Deux patients ont eu une réponse complète et 20 une réponse partielle, soit un taux de réponse total de 11 %. Cent patients ont présenté une maladie stable et 33 une progression. La survie médiane totale était de près d'un an (11,9 mois), pour une médiane de survie en général de 3 à 6 mois, souligne le Pr Soria.
Vers une utilisation élargie avec la biopsie liquide
Le Pr Soria explique que l'absence de résultats observés par le passé est sans doute due à la moindre efficacité des thérapies ciblées de première génération. Néanmoins, les résultats ont besoin d'être « validés dans de plus grands essais randomisés », admet le Pr Soria, la principale limite de l'étude MOSCATO étant l'absence de randomisation. De ce fait, l'évolution des patients traités par thérapies ciblées ne peut pas être directement comparée à celle des patients traités par thérapies non ciblées ni à celle de patients ayant la même maladie mais sans altérations génomiques correspondantes, indique le Pr Fabrice André, de l'IGR et auteur correspondant.
Un nouvel essai Safir02, randomisé, comparant le traitement standard au traitement ciblé et cherchant à quantifier le bénéfice clinique en mois de vie gagnée, vient d'être lancé avec le soutien d'UNICANCER dans les cancers du sein et du poumon, avec en prévision l'inclusion de 2 000 patients. Les résultats sont attendus en 2020.
« Nous voulons augmenter le nombre de patients qui pourraient bénéficier de la médecine de précision, explique le Pr Soria. C'est l'objectif de MOSCATO 02, où nous allons évaluer les portraits moléculaires établis à partir d'une prise de sang et de l'ADN circulant, mais aussi tenter de mieux comprendre les processus de résistance. »
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