« Les inhibiteurs de PARP (poly-ADP-ribose-polymérase-1) ont été développés dans un contexte original de traitement d’entretien, afin de maintenir le bénéfice obtenu par une chimiothérapie préalable, essentiellement chez des patients ayant une mutation de type BRCA 1 ou 2, rappelle le Pr Éric Raymond. Une mutation peu fréquente dans le cancer du pancréas, puisqu’elle ne concerne globalement que 5 à 8 % des patients ». C’est d’ailleurs ce que confirme l’étude POLO, présentée récemment au congrès de l’ASCO.
Cancer du pancréas: un bénéfice indéniable pour peu de patients
Dans l'essai de phase III POLO (1), une mutation germinale de BRCA a été mise en évidence chez 247 patients ayant un cancer du pancréas métastatique sur les plus de 3 300 recrutés à travers le monde pour tester l’olaparib en traitement de maintenance. Et ce sont finalement 154 patients ayant répondu à une chimiothérapie de 4 mois (FOLFIRINOX) qui ont été randomisés pour recevoir de l’olaparib ou un placebo. Dans ce sous-groupe de patients, la survie sans progression (SSP) a été quasiment doublée sous olaparib comparativement au placebo (7,4 mois vs 3,8 mois, OR 0,53, p = 0,0038). Après deux ans de suivi, 22 % des patients sous olaparib étaient toujours stabilisés, vs 10 % de ceux sous placebo. Les données n’ont pas pour l’instant permis de retrouver une différence sur la survie globale (18, 9 mois vs 18,1 mois). Il n’y a pas eu de différence sur la qualité de vie entre les deux bras thérapeutiques, mais les toxicités sévères ont été plus fréquentes dans le bras olaparib : 40 % vs 23 % d’effets de grades 3 ou 4.
« L’olaparib apporte ainsi un bénéfice indéniable, mais finalement chez un nombre très limité de patients, puisque seuls ceux qui avaient une mutation et qui ont répondu à la chimiothérapie étaient éligibles à ce traitement », souligne le Pr Éric Raymond. « Ceci pose la question de l’intégration de ces résultats dans la pratique, puisqu’il faudrait dans un premier temps faire un test génétique, très coûteux, de façon systématique pour dépister les 5 à 8 % de patients mutés. De plus, seulement la moitié de ces patients répondent à la chimiothérapie et une proportion identique à l’olaparib. Au total, sur les 3 300 sujets screenés au départ, moins de 80 ont tiré un bénéfice de l’inhibiteur de PARP, au prix d’une toxicité qui n’est pas nulle ».
Cancer de l'ovaire : un test génétique pour toutes les patientes ?
Dans le cancer de l’ovaire avancé, la proportion de patientes mutées est plus importante, de près de 40 % dans l’étude PAOLA-1 (391 femmes sur les1084 screenées). Dans cet essai de phase III (2), dont les résultats ont été présentés lors du récent congrès de l’ESMO, l’ajout d’olaparib au bévacizumab chez des femmes ayant répondu à une première ligne de traitement par bévacizumab seul a permis de prolonger la survie sans progression (SSP) : 22,1 mois vs 16,6 mois (RR = 0,59 ; p < 0,0001). Dans le sous-groupe de patientes avec mutation du gène BRCA, la SSP a été de 37,2 mois vs 21,7 mois dans le groupe placebo. « Ainsi, dans le cancer de l’ovaire, la réalisation d’un test génétique à toutes les femmes paraît plus pertinente, indique le Pr Raymond. La SSP augmente, attestant de l’efficacité du médicament actif pour retarder la progression, mais la toxicité est là aussi non négligeable et il n’y a pas de différence sur la survie ».
Cancer de la prostate : des résultats très encourageants
Pour les cancers de prostate réfractaires à l’hormonothérapie dont environ 30 % sont susceptibles de présenter un déficit de réparation de l’ADN, avec notamment des mutations de BRCA1/2, les résultats présentés à l’ESMO semblent également très encourageants (3). Ils montrent un doublement de la médiane du temps jusqu’à progression radiologique (mrPFS) dans le groupe de patients sous olaparib par rapport à ceux recevant le traitement de référence habituel : respectivement 7,39 mois versus 3,55 mois. Plus intéressant, le temps de contrôle de la douleur est significativement plus important chez les patients recevant l’olaparib.
« Alors certes, l’administration d’un inhibiteur de PARP retarde la récidive, mais pour l’oncologue, une vraie réflexion s’impose sur la stratégie à adopter pendant l’intervalle libre, estime le Pr Raymond. Faut-il attendre la rechute, qui arrivera un peu plus tôt sans traitement de maintenance mais en laissant le patient relativement tranquille, ou faut-il tenter de retarder la rechute, au prix d’un dépistage systématique des mutations et d’effets indésirables, parfois sévères ? ».
D’après un entretien avec le Pr Éric Raymond, groupe hospitalier Paris-St-Joseph.
(1) Golan T. et al. N Engl J Med 2019; 381:317
(2) Ray-Coquart I.L. et al, ESMO 2019, Abstract LBA2_PR
(3) Hussain M. et al, ESMO 2019, Abstract LBA12_PR
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024