À l'ESMO, l'étude IFCT remet en question le rythme de scanners au cours du suivi post-chirurgie du cancer du poumon

Publié le 11/09/2017
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Crédit photo : S. Toubon

Fait-on trop de scanners thoraco-abdominaux lors des premières années de suivi des patients après résection pour cancer bronchique ?

Les résultats de l'étude menée par l'intergroupe francophone de cancérologie thoracique (IFCT), et présentée samedi au Congrès de la société européenne d'oncologie médicale (ESMO), à Madrid, semblent suggérer que oui. Les investigateurs ont recruté 1 775 patients, opérés pour un cancer du poumon de stade précoce (80 % d'entre eux avaient un cancer de stade I). La moitié d'entre eux a bénéficié d’un suivi « maximal » : examen clinique, radio et scanner thoracique tous les 6 mois au cours des 2 premières années puis tous les ans. L'autre moitié des patients recrutés était examinée à la même fréquence, mais ne passait qu'une radio et pas de scanner thoracique.

Des courbes de survie qui s'écartent au bout de 2 ans

Au cours d'un suivi médian de 8 ans, il n'y avait globalement pas de différences significatives entre les deux groupes, mais les courbes de survie ont tendance à se séparer au bout de 2 ans. Les taux de survie des patients du groupe « suivi maximal » à 3,5 et 8 ans étaient de respectivement 76,1 %, 65,8 % et 54,6 %. Dans le groupe « suivi minimal », ces mêmes taux de survie étaient de 77,3 %, 66,7 % et 51,7 %. Ce seuil de deux ans a poussé les auteurs à réaliser une analyse exploratoire sur deux sous-groupes : un sous-groupe de patients ayant rechuté moins de 2 ans après l'opération, et un sous-groupe de patients n'ayant pas rechuté au bout de 2 ans. Dans le sous-groupe des cancers apparus moins de 2 ans après la chirurgie, il n'y a pas de différence significative entre le suivi minimal (48,3 mois de survie médiane) et le suivi maximal (48,4 mois). Chez les patients n'ayant pas eu de récidive dans les deux ans, en revanche, le suivi maximal (survie médiane non calculée car la majorité des patients sont encore en vie) semble supérieur au suivi minimal (survie médiane de 129,3 mois).

Les maladies plus agressives dans les 2 ans

« Le message à retenir est qu'un scanner thoracique tous les 6 mois n'est pas nécessaire au cours des 2 premières années », explique le Pr Westeel, du service de pneumologie du CHRU de Besançon-Hôpital Jean-Minjoz, venu à Madrid présenter ces données. Elle ajoute que « les maladies qui surviennent moins de 2 ans après la chirurgie sont en général des récidives, très agressives, avec une masse tumorale plus importante qui se voit mieux sur une radio thoracique. Et même si le scanner peut les repérer plus tôt, nos données montrent que cela n'apporte pas de bénéfice en termes de survie ». Au-delà de deux ans, les cancers diagnostiqués sont plus fréquemment de nouvelles tumeurs primitives pour lesquelles le scanner retrouve son utilité. « On entre alors dans un cas de figure identique à celui du dépistage finalement, poursuit le Pr Westeel, ce sont des patients à haut risque de cancer chez qui il est plus facile de repérer un petit nodule pulmonaire avec un scanner thoracique. »

Commentant les résultats de l'étude, le Dr Enriqueta Felip Font, directrice de l'unité dédiée au cancer du poumon de l'institut Oncologique Baselga, à Barcelone, tout en saluant le travail du Pr Westeel, ce genre d'étude étant « compliquée à mettre en place », affirme que ses résultats « ne lui feront pas changer ses pratiques ». Le scanner thoracique « est le seul outil qui nous garantit de pouvoir traiter nos patients le plus rapidement possible », a-t-elle souligné.

« Le scanner thoraco-abdominal expose plus aux radiations lorsqu'il est ajouté au suivi du patient, et s'il n'y a pas de gain en termes de survie, il faut le remettre en cause », répond le Pr Westeel qui précise qu'il ne faut non plus négliger « l'aspect médico-économique ».

En France, les différentes recommandations insistent sur l’intérêt du suivi clinique complété par un scanner dans le suivi des patients après une chirurgie. « Nous allons pouvoir reposer nos recommandations sur un niveau de preuve plus important. Le rythme des scanners est très variable d'une recommandation à l'autre, rappelle le Pr Westeel. Personnellement, je pense qu'il faut diminuer le rythme de surveillance dans les premières années, un scanner tous les 6 mois est trop fréquent dans cette population, mais dans le long terme, je continuerai à m'appuyer sur le scanner pour dépister les nouveaux cancers. »

Damien Coulomb

Source : lequotidiendumedecin.fr