La neurochirurgie a fait d’énormes progrès depuis vingt ans grâce à l’apport de la neuronavigation, du microscope opératoire, de la stéréotaxie et de la possibilité de faire des IRM pendant les interventions pour juger de la qualité de l’exérèse des tumeurs. L’IRM peropératoire ouvre encore bien d’autres voies…
Laser LITT : pour les tumeurs sphériques et les foyers épileptiques rebelles
Les recherches du Pr Alexandre Carpentier (service de neurochirurgie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière) portent sur la destruction tumorale sous IRM grâce à des sondes laser LITT (Laser Interstitial Thermal Therapy) qui induisent une nécrose tumorale photothermique. Des séquences d’IRM calorimétrique permettent d’assister à l’échauffement et à la nécrose de la tumeur en temps réel. Le laser LITT peut être réalisé sous simple anesthésie locale et en ambulatoire. Tout va très vite : « une fois la fibre optique introduite dans la métastase (en se repérant par stéréotaxie), la tumeur est chauffée au laser pendant environ 10 minutes. La température administrée est mesurée par l’IRM et un algorithme permet de déduire l’étendue de la zone de nécrose et sécuriser le parenchyme sain. L’IRM permet enfin de vérifier que l’objectif a été atteint et le patient rentre chez lui le soir même ! Ce concept a été élaboré par une petite start-up américaine, Visualase au Texas, et j’en ai mis au point le transfert chez l’homme. Le premier essai clinique de faisabilité et d’efficacité s’est fait à l’AP-HP entre 2006 et 2008 sur des patients atteints de métastases cérébrales radiochirurgies résistantes. Les résultats ont été spectaculaires puisque la procédure est extraordinairement bien tolérée et les tumeurs ne résistent pas à la chaleur : ainsi détruites mais laissées en place, elles ont ensuite été résorbées progressivement par l’organisme en 6 à 9 mois. Alors que ces patients avaient un maximum de 3 à 6 mois d’espérance de vie, cette technique leur a permis d’atteindre 20 mois en moyenne » précise le Pr Carpentier. Depuis, cette start-up a obtenu le feu vert de la Food and Drug Administration (FDA) et aujourd’hui aux États-Unis, il existe plus de 40 centres et quelque 500 malades déjà traités avec succès. Face à ce succès, le système vient d’être racheté par le géant Medtronic qui va s’occuper du marquage CE, ce qui permettra de lancer la procédure en routine clinique en Europe.
« J’ai ensuite adapté cette technique au traitement des foyers épileptiques pharmacorésistants, en rajoutant des contacts EEG sur la fibre optique : chez les patients pour lesquels il est difficile de trouver le foyer épileptogène, on implante temporairement des électrodes dans le cerveau pendant 7 à 10 jours pour réaliser des enregistrements. Comme elles font aussi 2 mm de diamètre, il a été possible de les adapter pour y rajouter la sonde laser afin de traiter le foyer une fois identifié, sous contrôle IRM et EEG en temps réel et en une seule procédure (le traitement hyperthermique se faisant dans la foulée après l’enregistrement). Cette technique étant beaucoup moins invasive que la chirurgie, elle va pouvoir être proposée plus précocement pour des patients inopérables comme c’est le cas dans les hamartomes hypothalamiques, par exemple », poursuit le Pr Carpentier.
Sonde ultrasonore : pour les tumeurs de forme complexe
L’une des limites du recours au laser est qu’il produit de la chaleur de façon sphérique, ce qui oblige à positionner la sonde bien au centre d’une tumeur globalement ovalaire ou circulaire. Pour les tumeurs qui ont une géométrie complexe et non sphérique, le laser ne peut pas atteindre certaines digitations tumorales. Ainsi, le Pr Alexandre Carpentier développe une sonde utilisant les ultrasons interstitiels plutôt que le laser. « Grâce à la présence de dizaines d’émetteurs ultrasonores dont il est possible de régler pour chacun d’eux l’intensité, des nécroses de forme complexe deviennent possibles. Autre avantage lié au recours aux ultrasons : la possibilité de fragmenter la tumeur ainsi traitée pour en évacuer une partie et diminuer l’effet de masse tumorale, ce qui n’est guère possible avec le laser. Par ailleurs, l’usage des ultrasons n’est pas limité aux tumeurs de moins de 25 mm comme c’est le cas avec le laser. Enfin, comme les ultrasons chauffent moins intensément que le laser, on obtient une fonte nécrotique plutôt qu’un coagulat solide », explique le Pr Carpentier.
Puce ultrasonore : pour ouvrir la barrière hémato-encéphalique
Les interactions des ultrasons avec le tissu vivant peuvent être très variées. En effet, Il est aussi possible d’utiliser des ultrasons émis de façon pulsée, pour faire vibrer des agents de contraste ultrasonore dans les vaisseaux, ce qui permet d’ouvrir la barrière hémato-encéphalique (BHE). « Cette barrière empêche la plupart des traitements de pénétrer dans le cerveau : en l’occurrence, il n’existe actuellement que deux chimiothérapies qui rentrent dans le cerveau dans des proportions efficaces. Réussir à ouvrir la barrière hémato-encéphalique (BHE) est donc un vrai défi. La bonne nouvelle est que la puissance ultrasonore nécessaire pour ouvrir la BHE est similaire à celle d’une échographie normale : 2 minutes d’ultrasons permettent de garder la BHE ouverte pendant 6 heures. Conséquence : la concentration des drogues dans le cerveau peut être multipliée par sept et des cellules de l’immunité (anticorps, cellules Natural Killer, etc.) normalement absentes du cerveau arrivent également à passer. Il n’y a pas d’effet d’accoutumance et donc pas de résistance acquise avec cette technique. Nous avons débuté un essai clinique de phase 1 de safety avec l’équipe de Neuro Oncologie de La Pitié Salpêtrière chez des patients ayant un glioblastome en récidive et nos résultats seront connus d’ici un an. Nous espérons beaucoup de l’ouverture de la BHE qui outre le traitement des tumeurs cérébrales, pourrait aussi profiter à d’autres affections comme la maladie d’Alzheimer », conclut le Pr Carpentier.
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