« COMME M. Jourdain pour la prose, nous faisons depuis longtemps sans le savoir de la théranostique », expose le Pr Jean-Philippe Vuillez, qui estime que cette approche est la philosophie même de la médecine nucléaire.
« Le terme de théranostique n’est que le réétiquetage d’un concept très corrélé au traitement personnalisé, où l’idée est de privilégier, plutôt qu’un traitement standard, un traitement adapté au patient en fonction de la physiopathologie de sa maladie ». Cela implique de se donner les outils afin d’avoir le profil phénotypique du cancer. Pour cibler une molécule, qu’il s’agisse d’un antigène, d’un récepteur, ou d’un autre type de protéine, il faut en effet tout d’abord vérifier que le patient possède cette molécule et qu’elle est bien fonctionnelle. C’est seulement dans un deuxième temps que l’approche devient thérapeutique.
Dans les cancers de la thyroïde.
« En médecine nucléaire, cela fait maintenant plus de 50 ans que ce concept est appliqué aux cancers différenciés de la thyroïde : après thyroïdectomie totale, qui ne peut en fait n’être que quasi totale, on donne au patient une petite activité d’iode 131. Puis, en fonction de ce premier balayage, le patient reçoit ensuite une activité thérapeutique », rappelle le Pr Vuillez.
Actuellement, c’est cette même approche qui est proposée avec des peptides radiomarqués dans certaines tumeurs endocrines. Dans ce contexte, la mise en route du traitement par analogue radiomarqué (à l’yttrium 90 ou au lutétium 177) de la somatostatine est conditionnée par la présence de récepteurs de haute affinité, visualisés lors d’une scintigraphie (Ostreoscan).
Dans le lymphome non hodgkinien, le même principe prévaut avec la radioimmunothérapie, développée depuis quelques années : elle se fonde sur le recours à un anticorps monoclonal anti CD 20 marqué à l’yttrium-90 (Zevalin).
De nouveaux isotopes.
Dans un avenir proche, on attend beaucoup des explorations par TEP après marquage d’un anticorps à l’iode 124, émetteur de positons dont la période est bien adaptée à la cinétique sanguine des anticorps.
Le recours à de nouveaux isotopes, tels que l’iode 124, mais aussi les cuivres 64 et 67, ouvre des perspectives intéressantes : le Cu 64 est émetteur de positons, tandis que le Cu 67 a des applications thérapeutiques, l’intérêt étant d’avoir deux molécules chimiquement identiques.
Prédire l’efficacité thérapeutique.
« On peut imaginer diagnostiquer et traiter avec le même agent dans certaines pathologies, mais aussi, dans d’autres types de tumeurs, coupler diagnostic et traitement avec des agents différents, l’objectif étant alors de prédire l’efficacité d’une thérapie ciblée », explique le Pr Vuillez. Ainsi, dans les GIST, l’inhibition de la protéine C-KIT par l’imatinib (Glivec) se traduit par une extinction de la scintigraphie au FDG.
Toujours du domaine de la recherche, l’imagerie moléculaire suscite de nombreux espoirs, avec, à l’extrême, l’imagerie des gènes rapporteurs appliquée à la thérapie génique. « Dans ce contexte nous disposons des outils, mais pas encore des applications ».
Bien sûr, la théranostique déborde largement le cadre de la médecine nucléaire : en témoigne la démonstration, à l’Institut Gustave Roussy, de la place de l’échographie de contraste dans l’évaluation précoce des traitements antiangiogéniques, qui permet de visualiser les modifications de perfusion de la tumeur.
D’après un entretien avec le Pr Jean-Philippe Vuillez, Clinique universitaire de médecine nucléaire, CHU, Grenoble.
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