L'engouement actuel vient de la conjonction de techniques de séquençage de plus en plus performantes, d'une connaissance exponentielle de l'ADN des cancers et de l'essor des thérapies ciblées.
Une étude menée sur 15 000 patients dans 50 types de cancers concluant à la précision de l'analyse de l'ADN tumoral par rapport à la biopsie primitive a fait grand bruit lors de sa présentation au congrès de l'ASCO en 2016. La firme californienne Guardant360 propose aujourd'hui pour quelques milliers de dollars, une « biopsie liquide » en alternative à la biopsie tumorale chez les patients ayant un cancer diagnostiqué et/ou au stade métastatique. « On en est encore aux tout débuts », tempère Jean-Yves Pierga. L'objectif affiché est d'épargner les biopsies douloureuses, mais aussi de détecter plus précocement la « progression de la maladie, les récidives et les échecs au traitement », est-il indiqué sur le site de la compagnie américaine.
Pour le Pr Jean-Yves Pierga, deux cas de figure se posent pour l'utilisation de l'ADN tumoral circulant : « Soit la recherche se concentre sur une mutation spécifique bien identifiée, le plus souvent une mutation à gros pic de fréquence, - comme la mutation KRAS qui est retrouvée dans 40 % des cancers du côlon - et la technique par PCR est très sensible. Soit on fait du surmesure et c'est plus compliqué, car cela perd son sens s'il n'existe pas de thérapie ciblée ».
« Il existe déjà au moins une application en routine dans les plates-formes de génétique moléculaire de l'INCa, poursuit Jean-Yves Pierga. C'est la détection des mutations du récepteur de l'EGF (Epidermal Growth Factor) dans le cancer bronchique non à petites cellules. Seules les tumeurs mutées sont sensibles aux inhibiteurs de la tyrosine kinase de l'EGFR. À l'inverse dans le côlon, la présence de la mutation KRAS, en aval de la voie de signalisation de l'EGFR, fait que les anti-EGFR ne marchent pas ».
L'enjeu du séquençage du génome tumoral entier
Il y a de plus en plus de cancers pour lesquels la présence de telle ou telle mutation détermine la prescription de thérapies ciblées. « C'est aussi très intéressant lors d'émergence de résistances, pour renseigner à quel moment introduire les médicaments de 1er, 2e ou 3e génération », détaille le Pr Pierga. Le séquençage de l'ensemble du génome tumoral se fait de plus en plus dans les RCP moléculaires. Mais toutes ces informations n'aident pas forcément à mieux guérir ni à améliorer le pronostic, « parfois oui, parfois non », fait remarquer le Pr Pierga. La réalisation en routine du séquençage du génome entier soulève un débat : va-t-on traiter mieux, plus de patients ?
Pour l'étape ultime de détection des cancers avec l'ADN circulant, « c'est l'investissement actuel mais il n'y a rien de concret », remarque le Pr Jean-Yves Pierga. Le projet Grail, qui a débuté en 2016 va suivre jusqu'en 2022 près de 10 000 individus (dont 7 000 ayant un cancer).
Pour l'oncologue de l'institut Curie, le matériel tumoral circulant ne suffira pas à venir à bout du cancer, ne serait-ce qu'en raison de l'hétérogénéité tumorale et de la diversité des clones au sein d'une même tumeur. D'autres voies de recherche sont importantes à poursuivre, selon lui, comme l'immunothérapie à laquelle « (il) croit beaucoup ». « Des mécanismes de régulation, tels que l'épigénétique ou le métabolisme tumoral, viennent se surajouter aux mutations génétiques, apportant un niveau de complexité supplémentaire », conclut le chercheur.
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