Deux études, dans le cancer de la prostate métastatique hormonosensible, ont marqué cette édition 2019 de l’ASCO. Les essais ENZAMET (présenté en session plénière et publié au New England Journal of Medecine) et TITAN mettent en évidence les bénéfices respectifs de l'enzalutamide et de l'apalutamide.
Deux hormonothérapies de nouvelle génération en situation métastatique hormonosensible
Chez 1052 patients, l'étude TITAN (1) a comparé l'apalutamide (240 mg/j) à un placebo, avec dans les deux bras une hormonothérapie anti-androgénique (agoniste ou antagoniste de la LHRH). Les patients pouvaient avoir reçu précédemment un traitement par docétaxel. « Les résultats de l’étude sont positifs, à la fois en termes de survie sans progression que de survie globale », annonce le Pr Stéphane Oudard. En effet, la réduction du risque de progression radiologique est de 52 % (HR = 0,48) et du risque de décès de 33 % (HR = 0,67). Les profils de tolérance des deux bras étaient équivalents, hormis la survenue plus fréquente sous apalutamide de rashs cutanés (27 % vs 8 %) et de fatigue (20 % vs 17 %). « Comme pour l’étude LATITUDE avec l’acétate d’abiratérone, l’étude TITAN fait maintenant de l’apalutamide une alternative thérapeutique en première ligne métastatique des cancers de la prostate chez les patients hormonosensibles ».
D’autre part, l’étude ENZAMET (2), a randomisé 1125 patients avec un cancer de la prostate hormonosensible, qui recevaient une suppression androgénique (agoniste ou antagoniste de la LHRH) associée soit à l’enzalutamide (160 mg/j), soit à un antiandrogène non stéroïdien (bicalutamide, nilutamide, flutamide). 45 % des patients étaient traités concomitamment par docétaxel. Avec un recul de 36 mois, le taux de survie global (objectif principal) était de 80 % sous enzalutamide versus 72 % dans le bras contrôle (p = 0,002). « Les survies sans progression biologique et clinique sont également améliorées avec l’enzalutamide, avec des réductions des risques de progression respectivement de 61 % (HR = 0,39) et 60 % (HR = 0,40). Cependant, il semblerait que l’association concomitante d’enzalutamide et de docétaxel soit toxique. Il ne faut donc pas faire d’association entre la chimiothérapie et l’hormonothérapie de nouvelle génération ». Dans le bras enzalutamide seul, il n’apparaît pas de majoration d’effets secondaires particuliers. Le taux de convulsion était inférieur à 1 %.
« Avec ces deux nouvelles molécules, l’apalutamide et l’enzalutamide, on a maintenant quatre options thérapeutiques (docétaxel, abiratérone, enzalutamide et apalutamide) qui peuvent être proposées chez les patients métastatiques hormonosensibles ». Mais, quel traitement utiliser chez quels patients ? « Nous n’avons pas encore de critères prédictifs permettant de différencier des groupes de patients préférentiels pour l’une ou l’autre des molécules. Le choix se fait en fonction des comorbidités et de l’association à la prednisone qui, chez des diabétiques, contre-indiquerait l’administration simultanée de docétaxel ou d’abiratérone. Chez les sujets âgés (> 75 ans), l’enzalutamide n’est pas recommandé car il peut être à l’origine de troubles neurologiques ou de convulsions. En cas de problèmes cutanés, l’apalutamide est à éviter en raison de l’apparition possible de rashs cutanés ».
D’autre part, l’étude ALLIANCE (3) a comparé l’enzalutamide, associé à l’abiratérone, à l’enzalutamide seul chez 1311 patients avec un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration (mCRPC). Les résultats ne montrent pas de différence en termes de survie. « Ce type d’association n’apporte donc pas de bénéfices et plus de toxicité. Cela corrobore l’étude ENZAMET dans laquelle l’enzalutamide administré concomitamment au docétaxel se révélait également trop toxique. Il faudrait axer le développement de la stratégie thérapeutique vers des schémas séquentiels plutôt que des combinaisons ».
Associer la radiothérapie à l’hormonothérapie en rechute après prostatectomie
L’étude française GETUG-AFU 16 (4) a évalué chez 1743 patients une radiothérapie de sauvetage post-prostatectomie, associée à une hormonothérapie pendant 6 mois, par rapport à la radiothérapie seule. La radiothérapie était à la dose de 66 grays au niveau de la loge de prostatectomie et, en cas d’absence de curage initial, de 46 grays au niveau pelvien. Une analyse déjà publiée avait montré une survie sans progression (SSP) clinico-biologique à 5 ans en faveur du bras combiné (80 % versus 62 %). À 9 ans (112 mois), les résultats présentés à l’ASCO confirment le bénéfice en termes de SSP (HR = 0,54) en faveur du bras combiné (74 % versus 49 %). « La radiothérapie, associée à une hormonothérapie pendant 6 mois, devient donc une option thérapeutique chez des patients en rechute biologique post-prostatectomie ».
Protéger l’os en cas de traitement par radium 223
« Lors du dernier congrès de l’ESMO, l’essai ERA mettait en évidence l’effet délétère de l’association de l’abiratérone au radium 223, notamment concernant les fractures, avec un taux d’évènements osseux très élevé. Le bénéfice en termes de survie était plutôt en faveur de l’abiratérone seule ». Agissant au niveau des métastases osseuses, l’association de l’abiratérone au radium rend l’os très fragile après la détersion des cellules tumorales et avant la recalcification, avec dans cet intervalle des évènements osseux importants (fractures, chutes…). À l’ASCO, était présentée cette année une analyse intermédiaire de l’étude EORTC 1333/PEACE III (146 patients) associant l’enzalutamide au radium 223 par rapport à l’enzalutamide seul (5). Un amendement stipulait la nécessité d’un traitement par dénosumab ou acide zolédronique avant de démarrer l’essai, en raison du risque fracturaire majoré par l’association étudiée. Avec l’administration préalable de ces protecteurs osseux, aucun évènement osseux n’était observé. Par contre, sans le respect de cette prérogative, le taux de fractures constatées était beaucoup plus important. « Il ne faut donc pas oublier les traitements anti-résorptifs osseux dès qu’un patient est métastatique et hormonorésistant. Par contre, ces traitements ne doivent pas être administrés trop longtemps afin d’éviter le risque d’ostéonécrose de la mâchoire ».
D’après un entretien avec le Pr Stéphane Oudard, hôpital Européen Georges Pompidou (Paris)
(1) Chi Kim N. et al, présentation orale ASCO 2019 (abstr 5006)
(2) Sweeney Christopher et al, présentation orale ASCO 2019 (abstr LBA2)
(3) Morris Michael J. et al, présentation orale ASCO 2019 (abstr 5008)
(4) Carrie Christian et al, présentation orale ASCO 2019 (abstr 5001)
(5) Tombal Bertrand F. et al, présentation orale ASCO 2019 (abstr 5007)
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