FACE À l’augmentation des dépenses de santé, les Britanniques ont récemment choisi de rejeter le remboursement de nouvelles molécules anticancéreuses dans des indications telles que le cancer du rein dans sa forme métastatique, estimant que leur prix était excessif et que le coût qu’elles présenteraient serait plus utile ailleurs. Ils se sont fondés sur l’estimation d’une année de vie, évaluée à 50 000 euros. Désormais, tout médicament dont le coût annuel est supérieur à ce montant (modulé par les Qaly « Quality Adjusted Life Year » ou « année de vie ajustée par sa qualité ») n’est pas remboursé : si cette qualité de vie est diminuée, le montant de 50 000 euros est diminué d’autant.
En France, ces nouvelles molécules ont été mises sur le marché. Pour les experts du Comité éthique et cancer, « cette notion de limitation du coût d’un traitement annuel va surtout pénaliser le progrès incrémental grâce auquel s’est fait l’essentiel des progrès thérapeutiques récents en cancérologie », indiquent-ils dans un avis. Pour autant, les contraintes de la prise en charge des personnes atteintes de cancer doivent être posées car « les conséquences d’une absence de choix font toujours basculer la répartition des soins au détriment des plus vulnérables », comme le soulignait le Comité national d’éthique (CCNE) en 2007.
Plus de transparence.
Selon des données de la Banque mondiale, la France a consacré 11,7 % de son produit intérieur brut à ses dépenses de santé en 2009, la moyenne au sein de l’Union européenne étant de 10,3 %. La question de la part des dépenses allouées à la santé relève « avant tout d’un choix de société », conviennent les experts. Toutefois, un tel débat « nécessite au préalable que les coûts liés au système de santé fassent l’objet de la plus grande transparence possible ». « À ce titre, l’opacité qui prévaut depuis des décennies quant au prix des médicaments est parfaitement condamnable », poursuivent-ils. Le fait que l’industrie pharmaceutique « fonctionne comme toutes les autres industries » et que ses profits lui servent, « pour partie, à investir dans la recherche et le développement de nouveaux médicaments » ne lui permet pas de se dégager d’une obligation de transparence. Et de citer une nouvelle fois les Sages du CCNE : « La loi du marché s’impose toujours. Simplement, le payeur pourrait beaucoup plus argumenter sur la fixation du prix dans la mesure où il a le monopole de la demande ». Il en va de la mise en place d’une « véritable démocratie sanitaire ».
La part des ressources consacrées à la santé n’est cependant « qu’un des éléments du débat ». Il faut également s’interroger sur son utilisation : « tout gaspillage des ressources est contraire à l’éthique puisque cela nuit aux individus et à la collectivité ». La démarche de rationalisation des dépenses est d’autant plus importante qu’elle doit permettre d’éviter « un rationnement des soins » qui serait soit aléatoire, soit discriminatoire. Il ne s’agit pas simplement de se fonder sur une approche budgétaire ou comptable. « Une véritable approche économique » devrait tenir compte des bénéfices induits par l’activité du système de santé : à l’échelle individuelle, pour les malades et leurs proches, mais aussi pour les professionnels « qui tirent leurs revenus de leur activité au sein du système de santé » ; à l’échelle collective, grâce à l’amélioration du niveau de santé de la population, à l’activité économique ainsi générée et à la « cohésion sociale que procure un système fondé sur l’équité et la solidarité ». Dès lors que les dépenses et les bénéfices sont mis en balance, « il devient évident qu’économie et éthique ne sont pas incompatibles ».
Pas de rationalisation sans pédagogie.
Pour les membres du Comité, les critères « qui doivent présider à la rationalisation des soins et des dépenses afférentes » doivent se fonder sur l’évaluation des compétences, des pratiques ou des produits de santé. Il existe déjà plusieurs règles pertinentes : ainsi, la prescription des médicaments anticancéreux ne peut être réalisée que par des médecins spécialistes, au sein d’un établissement autorisé par une Agence régionale de santé. Le remboursement des molécules onéreuses aux établissements de santé est assujetti au respect des référentiels de bon usage (RBU). Mais il faut aller plus loin. Le Comité suggère notamment que les règles d’arrêt des traitements fassent l’objet de référentiels spécifiques et qu’un recueil d’information soit organisé pendant et après les traitements « afin de contribuer à l’évaluation dans la pratique courante du bénéfice et des risques associés aux médicaments anticancéreux ». Il propose également que les prescripteurs puissent disposer d’une estimation (régulièrement réévaluée) du rapport coût/bénéfice de chacune des molécules onéreuses.
Par ailleurs, le Comité considère que la démarche de rationalisation des soins doit s’accompagner « d’un effort de pédagogie particulièrement important ». Les molécules de biothérapie ne sont efficaces que si la cible est présente au sein des cellules tumorales. « Ne pas prescrire un ou des médicaments qui seraient, au regard de la situation d’un malade, inutiles, voire néfastes pour la qualité de vie de celui-ci en raison des éventuels effets indésirables associés, participe de la rationalisation des soins tout en respectant la déontologie médicale vis-à-vis de ce malade et l’éthique des principes d’équité et de solidarité ».
* Avis N°17, « Du bon usage des molécules onéreuses en cancérologie et avis sur les choix inhérents aux contraintes imposées par le coût de ces molécules ».
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