La chirurgie de la tumeur du sein dans les cancers métastatiques d’emblée, au-delà de son effet palliatif, reste très discutée. Des études rétrospectives plaident pour un bénéfice pronostique, qui n’a pas toujours été retrouvé dans les études randomisées. Résultat, on continue à opérer nombre de femmes. Pour tenter d’y voir plus clair, un groupe international de chercheurs s’est lancé dans une méta-analyse de cinq études randomisées publiées entre 2015 et 2023, comparant dans cette situation chirurgie versus non exérèse de la tumeur primaire. Ce travail ne met pas en évidence de bénéfice en survie et cela dans quelque groupe que ce soit, à l’exception peut-être de femmes jeunes non ménopausées. Pour les auteurs, « ce geste ne devrait donc pas être systématiquement proposé sauf pour pallier des symptômes locaux. »
Un ensemble de cinq études randomisées assez hétérogènes
Les auteurs ont retenu cinq études cliniques randomisées testant l’effet de la chirurgie sur la survie, dont quatre études publiées et une présentée en poster lors du dernier Asco (2023).
À noter que les critères d’inclusion varient d’une étude à l’autre. Ainsi, deux d’entre elles se sont limitées à inclure des femmes n’ayant pas progressé après un traitement systémique préalable, quand, dans deux autres études la chirurgie était pratiquée d’emblée et, dans la dernière étude, une chimiothérapie préalable était pratiquée lors de tumeur initialement non opérable, les autres patientes étant opérées d’emblée.
De même, le recours à la chimiothérapie et/ou l’hormonothérapie ainsi qu’aux anti-HER2 varie d’une étude à l’autre.
Plus de 1 300 femmes porteuses de cancer mammaire métastatique d’emblée
Ces études ont randomisé au total 1 381 femmes. Parmi elles, 49,6 % ont été opérées, 50,4 % ne l’étant pas. Un peu plus d’une sur trois avait uniquement des métastases osseuses (35 %), et globalement deux sur trois des métastases viscérales (68 %). Un peu plus des deux tiers de ces tumeurs ont des récepteurs hormonaux (RH+ : 68%). Quasi un quart sont HER2 + (HER2+ : 23%).
Globalement, la chirurgie ne semble pas associée à un bénéfice en survie totale : RR = 0,93 [0,76-1,14].
L’analyse en sous-groupes ne met pas plus en évidence de bénéfice sauf en fonction de l’âge. Que ce soit pour les tumeurs dénuées de récepteurs hormonaux (RH- : RR = 1,02 [0,8-1,3]) ou présentant des récepteurs hormonaux (RH+ : RR = 0,89 [0,7-1,1]). Il en est de même pour celles exprimant HER2 (HER2+ : RR = 0,94 [0,7-1,3]) ou ne l’exprimant pas (HER2- : RR = 1,05 [0,7-1,4]).
Les localisations des métastases – osseuses uniquement versus viscérales – ou leur nombre ne modifient pas non plus le bénéfice en survie totale.
Seul l’âge a un impact. Les femmes jeunes préménopausées semblent bénéficier de la chirurgie (RR = 0,74 [0,6-0,9]). Mais ce sous-groupe ne comprend que 162 femmes, c’est pourquoi, selon les auteurs, cette hypothèse mériterait d’être vérifiée.
Quant à la qualité de vie, elle ne paraît pas significativement améliorée dans les trois essais où elle a été évaluée. Mais, comme elle a été diversement appréciée, une méta-analyse s’est avérée impossible modulent les auteurs.
En revanche, sans surprise la chirurgie est associée à un meilleur contrôle locorégional de la maladie.
Pas de systématisme mais un choix bien pesé
Malgré l’absence de bénéfice en survie, deux arguments restent en faveur de la chirurgie. D’abord, elle participe à la stratégie destinée à amener des femmes oligométastatiques à une période de rémission. Toutefois, les premiers résultats d’une étude de phase II ont récemment semé le doute sur le bénéfice de cette stratégie de chirurgie de toutes les oligométastases. Il faut donc attendre les résultats d’études en cours testant des approches locales agressives.
Par ailleurs, la chirurgie peut aussi permettre de réduire la dégradation de qualité de vie liée à l’extension locale, générant douleur, ulcération, saignements et infections.
Enfin, la grande hétérogénéité de ces études empêche toute conclusion définitive. Une hétérogénéité illustrée par des survies passant de 20 mois pour les premières études à 70 mois.
(1) G Villacampa et al. Impact of Primary Breast Surgery on Overall Survival of Patients With De Novo Metastatic Breast Cancer: A Systematic Review and Meta-Analysis. Oncologist. 2023 Sep 12:oyad266.
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