L’accident de Fukushima (11 mars 2011) représente un bon modèle d’étude des réactions du public à une crise majeure de santé publique. « Que le risque soit réel ou non, nous montrons qu’une partie de la population choisit d’ignorer les recommandations officielles et recherche plutôt une protection dans des médicaments perçus comme préventifs », indiquent les chercheurs Français (Pascal Crépey, Mathilde Pivette et Avner Bar-Hen*).
Lors de la crise de Fukushima, les communications officielles ont indiqué que les produits contenant de l’iode n’étaient pas utiles en France. L’iodure de potassium (KI) n’est utilisé qu’en cas d’exposition directe à la radioactivité, pour saturer la thyroïde avec des isotopes non radioactifs. En France, leur usage et leur distribution sont régulés par l’armée. D’autres produits contenant de l’iode à concentration relativement faible sont disponibles avec ou sans ordonnance, tels que des antiseptiques, des compléments nutritionnels, des remèdes homéopathiques.
Deux pics d’achat
Les chercheurs ont étudié les ventes des produits iodés en France pendant les périodes qui ont encadré la crise. Les données ont été fournies par 3 004 pharmacies, et portent sur 58 produits iodés. Les ventes de compléments alimentaires à base d’iode, puis dans un deuxième temps des produits homéopathiques iodés, ont été multipliées par 3, en corrélation avec l’accident de Fukushima (de mars à mi-avril). Il y a eu deux pics d’achat des compléments nutritionnels iodés, les 18 et 24 mars, ce qui correspond aux annonces d’une libération de radioactivité en grande quantité, et juste avant l’arrivée du nuage radioactif en France. Les pilules d’iode, strictement régulées par les autorités de santé, se sont également vendues, mais à petite échelle. Seuls les antiseptiques iodés n’ont pas été davantage achetés.
L’effet Tchernobyl
Il n’y a pas eu d’effets secondaires importants à mettre en relation avec l’achat de ces produits. Il faut aussi considérer que tout ce qui est acheté n’est pas forcément entièrement consommé.
« Nos résultats soulèvent des interrogations sur les comportements susceptibles d’être adoptés dans un contexte de crise de santé publique. » La récente pandémie de H1N1 en France a montré qu’une part de la population choisit d’éviter les mesures protectrices conseillées par les autorités de santé. Et puis, « il y a en France une perte sévère de la confiance dans les autorités politiques concernant le risque nucléaire, à la suite de l’accident de Tchernobyl ».
Il est aussi intéressant de noter que malgré l’absence de toute notion biologique rationnelle, les médecins ont prescrit des remèdes homéopathiques pour protéger les thyroïdes de leurs patients. L’absence d’effets secondaires de l’homéopathie n’y est sans doute pas pour rien.
« Les habitudes d’automédication sont enracinées dans les comportements des habitants de nombreux pays. En combinaison avec une mauvaise information, et le non-respect des recommandations officielles, cela peut avoir des conséquences dramatiques en cas de crise de santé publique. »
* Paris et Aix-Marseille. Dans PLoS ONE, mars 2013, vol. 8, n° 3, e58385.
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