« Les traitements contre le cancer qui ne sont pas réalisés dans les centres experts n’offrent pas les mêmes chances de survie », avertit le Pr Fabien Reyal, chef de service de chirurgie sénologique, gynécologique et reconstructrice de l’Institut Curie. Il est l’un des signataires, aux côtés de 12 de ses confrères (1), d’une tribune publiée sur le site Internet d’Europe 1 à l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer. Le texte rappelle la « technicité particulière » de la prise en charge des cancers et la nécessité d’« une expertise technique que seuls un enseignement et un entraînement intensifs et spécialisés peuvent produire », indique la tribune.
Appel à une « redéfinition du paysage des soins »
Motivé par « la réalité exposée dans de multiples publications », démontrant « l’influence du lieu de traitement sur le taux de survie », le texte des 13 spécialistes, loin du « mépris envers les confrères », en appelle, explique le Pr Reyal, à « une redéfinition du paysage des soins ». « 350 000 cas de cancer sont diagnostiqués chaque année, alors que les équipes sont en sous-effectif », poursuit le chirurgien. Dans ce contexte, il est nécessaire, selon lui, de regrouper les chirurgiens dans des structures spécialisées pour atteindre une volumétrie suffisante.
« C’est une question fondamentale pour permettre la maîtrise de gestes très transversaux. Un cancer des ovaires, par exemple, relève de spécialités comme la chirurgie digestive ou urologique, détaille le Pr Reyal. La complexité de nos pratiques rend peu probable qu’elles soient acquises par des équipes avec des petits volumes. La chirurgie des cancers ne doit plus se faire dans des centres avec une moindre volumétrie, même s’ils sont habilités par l’INCa. » Actuellement, seuls les centres effectuant un nombre minimum d’interventions sont habilités. Dans le cas des cancers du sein par exemple, 30 interventions sont nécessaires. Au-delà des centres qui réalisent des actes sans habilitation, le Pr Reyal estime que ces seuils, qui devraient être relevés dans le courant de l’année, restent très insuffisants.
Une spécialité « déterminante pour la survie des patients »
À cette expertise technique requise s’ajoutent l’amélioration des connaissances et la plus grande complexité qui en découle. « La recherche met en évidence des sous-types de cancers pour lesquels le diagnostic et la réponse sont variables, et qui nécessitent une expertise accrue », observe le signataire. Selon lui, « la question de la proximité n’a pas lieu d’être dans la mesure où l’on parle de chirurgie programmée ».
Ainsi, écrivent les signataires dans leur tribune, « en cette journée du cancer, nous appelons à une réorganisation majeure de la chirurgie du cancer, qui ne vise pas à exclure des chirurgiens qui souhaiteraient exercer dans cette spécialité, mais plutôt à inclure l’ensemble des praticiens désireux de contribuer à la prise en charge de ces patients dans des structures leur permettant d’exercer à haut niveau cette spécialité aussi exigeante que déterminante pour la survie des patients ».
(1) Pr Fabien Reyal, chef de service de chirurgie sénologique, gynécologique et reconstructrice (Institut Curie, Paris), Pr Fabrice Lecuru, chef de service de chirurgie cancérologique gynécologique et du sein (Hôpital Européen Georges Pompidou, AP-HP, Paris), Pr Christophe Pomel, chef de service de chirurgie oncologique (Centre Jean Perrin, Clermont-Ferrand), Dr Sylvie Bonvalot, chef de service sarcomes et tumeurs complexes (Institut Curie, Paris), Pr Sebastien Albert, Service de chirurgie ORL et cervico-faciale, (Hôpital Bichat, AP-HP, Paris), Pr Gilles Houvenaeghel, chef de service de chirurgie sénologique, gynécologique et reconstructrice (Institut Paoli Calmettes, Marseille), Pr Philippe Rouanet, chef de département de chirurgie (Institut Régional du Cancer Montpellier), Pr Michel Rivoire, chef de département de chirurgie (centre Léon Bérard, Lyon), Pr Olivier Glehen, chef de service de chirurgie digestive et endocrinienne (hospices civils de Lyon), Pr Diane Goéré, Service de Chirurgie Viscérale, Cancérologique et Endocrinienne (Hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris), Pr Eric Rullier, Unité de Chirurgie Colorectale (Hôpital Haut Lévèque, Pessac), Pr Nathalie Cassoux, Chef de département (Institut Curie, Paris) et Dr Pascale Mariani, Chef de service de chirurgie viscérale et digestive (Institut Curie, Paris).
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