« Il a longtemps été considéré qu’une pression artérielle (PA) basse au bloc était une situation normale, rappelle Pr Emmanuel Futier (Clermont-Ferrand). Et ce n’est que depuis une dizaine d’années que nous avons pris conscience que les objectifs de PA au cours d’une anesthésie générale ou en réanimation pouvaient avoir un impact sur le pronostic. La chirurgie est un acte agressif, au cours duquel de nombreuses modifications hémodynamiques sont fréquentes (saignement, ischémie-reperfusion, effets des médicaments de l’anesthésie…), et la PA peut rapidement devenir inadéquate pour maintenir une pression de perfusion “normale” des organes. » Un nombre important de données récentes, bien que surtout observationnelles ou rétrospectives, soulignent ainsi que la baisse de la PA en dessous d’un certain seuil, même pendant quelques minutes, est associée à une augmentation du risque de complications postopératoires, et notamment une augmentation du risque d’insuffisance rénale, de dysfonction myocardique, d’accident vasculaire cérébral voire de mortalité (1).
« Il y a aujourd’hui un consensus pour dire que la baisse de la PA moyenne (PAM) en deçà de 60-65 mmHg pendant plus de dix minutes cumulées au bloc est associée à un risque accru de complications, confirme le Pr Futier. C’est vrai également en réanimation, notamment chez le patient en choc septique, et les recommandations communes de la Société française d’anesthésie et réanimation et de la Société de réanimation de langue française sont pour le maintien d’une PAM minimale de 60-70 mmHg afin de limiter le risque d’insuffisance rénale. »
Des stratégies individualisées
Ces objectifs restent toutefois globaux, et ne tiennent pas compte des comorbidités éventuelles du patient, ce qui a conduit à développer des stratégies plus individualisées. Une telle approche a été évaluée par l’étude Inpress sur 300 patients chirurgicaux : en adaptant l’objectif de PA au bloc opératoire sur les valeurs de PA habituelles des patients, une diminution des complications postopératoires a été observée par rapport aux patients traités selon les modalités habituelles de prise en charge (2).
En réanimation, l’étude Sepsispam, conduite sur une population de patients en choc septique, a comparé deux objectifs de PAM, 65-70 mmHg et 80-85 mmHg, mais aucune différence n’a été retrouvée sur le critère principal de jugement de mortalité à 28 jours (3). Une analyse secondaire a cependant montré que dans le sous-groupe de patients hypertendus chroniques l’objectif de 80-85 mmHg était associé à une réduction du risque d’insuffisance rénale et de recours à la mise en place d’une épuration extrarénale. « Chez le patient hypertendu, il faut sans doute se fixer des objectifs thérapeutiques tensionnels plus élevés, en raison notamment d’un décalage habituel de la courbe d’autorégulation de la PA », estime le Pr Futier.
Chez le patient hypertendu, il faut sans doute se fixer des objectifs thérapeutiques tensionnels plus élevés
Entretien avec le Pr Emmanuel Futier, CHU de Clermont-Ferrand
(1) Wesselink EM et al. Br J Anaesth. 2018 Oct;121(4):706-721
(2) Futier E et al. JAMA.2017 Oct 10;318(14):1346-1357
(3) Asfar P et al. N Engl J Med. 2014 Apr 24;370(17):1583-93
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