Un registre international de l’arrêt cardiaque pourrait-il permettre d’identifier les modes de prise en charge les plus efficients ? Cette question sera au centre d’une session en virtuel des Racs 2022, les Rencontres de l’arrêt cardiaque de la Société française de médecine d’urgence (SFMU), organisées à la fin novembre. Le modérateur de cette session sera le Pr Pierre-Yves Gueugniaud (CHRU de Lyon), cofondateur, en 2013 avec le Pr Hervé Hubert (CHRU Lille), du Registre électronique des arrêts cardiaques (Réac). « Ce registre est alimenté par les données émanant de 388 Samu-Smur de France, soit environ 80 % d’entre eux, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou montagneuses, ce qui en fait la grande richesse », souligne le Pr Gueugniaud.
À ce jour, la banque de données de Réac comporte plus de 120 000 dossiers d’arrêts cardiaques extra-hospitaliers, pour un rythme d’inclusions d’environ 1 000 cas par mois. « Ce registre a vocation à fournir des données épidémiologiques de grande envergure, mais également à élaborer des études cliniques de comparaisons de pratiques. On peut aussi comparer les arrêts cardiaques entre les hommes et les femmes, selon l’âge, le lieu (voie publique, domicile, travail, sport), les zones (urbaine ou rurale), les traitements utilisés, ou encore étudier certains facteurs de risque, comme la pollution », précise l’urgentiste.
Chaque Samu-Smur peut aussi exploiter ses propres données, pour mettre en place des études cliniques au niveau local ou régional. Les données du registre sont aussi fournies à la Direction générale de la santé (DGS).
Comparaison n’est pas raison
Si la création d’un registre franco-canadien est en discussion, il y a quelques années, la France a déjà rejoint le registre européen des arrêts cardiaques (Eureca). « C’est nous qui fournissons le plus grand nombre de données à ce registre, qui vise à faire des études d’envergure européenne. C’est une démarche intéressante, même s’il est parfois difficile d’effectuer des comparaisons, car tous les pays européens n’ont pas le même mode de prise en charge de l’arrêt cardiaque. Certains travaillent comme la France, avec des équipes médicalisées qui traitent les patients en dehors de l’hôpital. D’autres pays privilégient des équipes paramédicales, de niveaux variables, qui ramènent au plus vite les patients vers une structure de soins », explique le Pr Gueugniaud. Ces différences se retrouvent de la même manière au niveau international, où il existe plusieurs registres anciens et de très bonne qualité. « On peut citer les registres des États-Unis, du Japon et des pays scandinaves, en particulier le Danemark », précise le Pr Gueugniaud.
Les registres américains et japonais ont vu le jour dès 2005 et ont publié leurs premières études en 2008. Le National registry of cardiopulmonary resuscitation (NRCPR) de l’American heart association a été le premier registre américain à proposer des analyses sur les accidents cardiaques intrahospitaliers. « Les premiers travaux japonais publiés concernaient la défibrillation et démontraient l’existence d’un parallèle entre le déploiement des défibrillateurs automatisés grand public et la fréquence d’arrêts réanimés avec succès, ce que confirment dorénavant nos résultats pour la France », souligne le Pr Gueugniaud.
Il n’est pas facile de faire de comparaisons avec les données émanant de ces différents registres. Là encore, en raison de différences entre les modes de prise en charge mais aussi dans la façon de recueillir les informations issues du terrain. Le Pr Gueugniaud cite volontiers une anecdote assez parlante : « il y a une trentaine d’années, nous n’arrivions pas à comprendre pourquoi les Américains avaient des résultats nettement meilleurs que les nôtres. On s’est alors rendu compte qu’il existait des différences dans ce qu’ils comptabilisaient comme des arrêts cardiaques. Ils se fondaient notamment sur les médicaments utilisés par les équipes sur le terrain. À chaque fois qu’une équipe de paramédicaux américains ouvraient une ampoule d’adrénaline, même si elle n’était pas injectée car, au final, il s’agissait par exemple d’un malaise vagal ou d’une crise d’hystérie et non d’un arrêt cardiaque, cela était comptabilisé comme un arrêt cardiaque, dont le pronostic était évidemment très favorable ! Aujourd’hui, ils ont bien sûr mis un terme à ce mode de recueil des données. Mais, même si on tire des enseignements précieux des informations issues de ces registres internationaux, il reste objectivement difficile de dire quel pays a le mode de prise en charge le plus efficace de l’arrêt cardiaque ».
Exergue : « Il reste difficile de dire objectivement quel pays a le mode de prise en charge le plus efficace de l’arrêt cardiaque »
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