L’acidémie profonde est fréquente en unité de soins intensifs (USI), touchant de 15 % à 40 % des patients, avec une mortalité qui peut aller jusqu’à 60 % lorsque le pH reste à un maximum de 7,20. Jusqu’à présent, on manquait de preuves formelles sur le bénéfice de l’administration intraveineuse de bicarbonate de sodium, sauf en cas d’acidémie par perte de bases. Afin de vérifier l’hypothèse qu’une perfusion précoce de bicarbonates pouvait réduire la mortalité toute cause à 28 jours et/ou la défaillance d’au moins un organe dans les sept jours après l’admission en réanimation, une étude multicentrique française intégrant 26 USI, Bicar-ICU (1), a été menée dans le cadre d’un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) interrégional cofinancé par la Sfar.
Des malades sévères
L’essai clinique randomisé conduit par le Pr Samir Jaber (CHU Montpellier) a inclus de mai 2015 à mai 2017 des malades d’au moins 18 ans, admis dans les 48 heures précédant l’inclusion avec une acidémie sévère (pH ≤ 7,20, PaCO2 ≤ 45 mmHg et bicarbonates sanguins ≤ 20 mmol/L), associée à un score Sofa (sepsis-related organ failure assessment) d’au moins 4 ou une lactatémie supérieure à 2 mmol/L. Étaient exclues les acidémies liées à une acidose respiratoire ou à des pertes digestives ou urinaires en bases, les acidocétoses et les insuffisances rénales (IR) de stade IV. Sur les 942 patients éligibles, 400 ont été inclus et randomisés en deux groupes. Les causes de l’acidémie étaient diverses : sepsis (61 % des cas), consécutive à un arrêt cardiaque ou un choc hémorragique. Une IR aiguë était présente chez 47 % des patients.
Dans le bras actif, la perfusion de bicarbonate à 4,2 % avait pour but de maintenir un pH au moins égal à 7,30. Le protocole consistait à perfuser de 125 à 250 mL en trente minutes dans les vingt-quatre heures après l’inclusion, avec mesure des gaz du sang de 1 à 4 heures après la fin de chaque perfusion.
Une réduction de la mortalité
Le critère primaire, composite, était constitué de la mortalité de toute cause à 28 jours et de la défaillance d’au moins un organe dans les sept jours suivant la randomisation.
La différence dans les événements du critère primaire (66 % sous bicarbonates vs 71 % dans le groupe contrôle) n’est pas statistiquement significative (p = 0,24). La survie à 28 jours est de 46 % dans le bras contrôle, et de 55 % dans le bras bicarbonates, à la limite de la significativité. En revanche, dans le groupe prédéfini par une IR aiguë sévère, la survie à 28 jours est de 63 % dans le groupe bicarbonate versus 46 % (p = 0,0283). Le recours à la dialyse est de 52 % dans le bras contrôle, et de 35 % dans le groupe bicarbonates, avec un nombre de jours sans dialyse plus élevé dans ce dernier groupe.
L’étude montre clairement qu’il n’y a pas d’effet délétère des bicarbonates
(1) Jaber S et al. Sodium bicarbonate therapy for patients with severe metabolic acidaemia in the intensive care unit (BICAR-ICU): a multicentre, open-label, randomised controlled, phase 3 trial. Lancet. 2018 Jul 7;392(10141):31-40. En ligne : www.chu-montpellier.fr/fileadmin/user_upload/Aricle__The_Lancet__juin_2…
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