Le délire en réanimation est souvent traité par l'administration d'antipsychotique. Sans aucun bénéfice en termes de durée, selon l'étude MIND-USA (1) réalisée avec le soutien académique des Instituts nationaux de la santé américains.
L'étude américaine a évalué l'effet de deux antagonistes dopaminergiques (halopéridol, ziprasidone) versus placebo avec comme critère principal le nombre de jours sans délire ou sans coma (sur les 14 jours d'intervention).
Sur les 1 183 patients inclus ayant donné leur accord pour participer, les 566 patients ayant présenté un délire (48 %) lors de leur séjour en réanimation ont été randomisés en 3 groupes : placebo (n = 184), halopéridol (n = 192 ; bolus IV, 20 mg max/jour) et ziprasidone (n = 190 ; bolus IV, 40 mg max/jour).
La durée médiane de prise du placebo ou du médicament était de 4 jours, le nombre médian de jours sans délire ou sans coma de 8,5 dans le groupe placebo, de 7,9 dans le groupe halopéridol et de 8,7 dans celui ziprasidone.
Élément notable, le délire était hypoactif dans la grande majorité des cas (89 %), le délire hyperactif étant le plus gênant avec risque d'agitation, d'extubation ou de retrait de sonde gastrique.
Dans un éditorial, le Dr Thomas Bleck du Rush Medical College à Chicago estime qu'il serait intéressant de savoir si, chez ces patients agités, les antipsychotiques ne diminueraient pas malgré tout le risque de se porter préjudice. « J'aurais tendance à continuer d'envisager les antagonistes dopaminergiques chez les patients à risque imminent de ce type de comportements dangereux, mais je serais sans doute moins confiant dans leurs bénéfices que par le passé », écrit-il.
Les IPP en prophylaxie chez les patients à risque
Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) semblent ne pas présenter d'intérêt majeur en prophylaxie chez les patients en réanimation à haut risque de saignement gastro-intestinal. C'est la conclusion de l'essai SUP-ICU (2) mené chez 3 298 patients dans 6 pays européens (Danemark, Finlande, Pays-Bas, Norvège, Suisse, Royaume-Uni).
Avec comme critère principal la mortalité à 90 jours, l'étude n'a pas mis de différence significative entre le groupe IPP (pantoprazole 40 mg IV/jour) et le groupe placebo.
Les patients inclus étaient à haut risque de saignement en raison d'un antécédent d'hépatopathie, de trouble de la coagulation, d'un choc, d'un traitement anticoagulant ou de ventilation mécanique de plus de 24 heures.
Alors que les soins en réanimation ont beaucoup progressé, l'utilisation des IPP est devenue controversée en raison d'un risque possiblement augmenté d'infections nosocomiales (infection à Clostridium difficile, pneumonie) mais aussi d'ischémie myocardique.
Au cours du séjour en réa, iil a été observé un nombre comparable d'événements cliniquement importants (saignement gastro-intestinal, infections à C. difficile, pneumonies, ischémie myocardique) entre les 2 groupes de traitement.
Dans un éditorial, les Drs Alan Barkun de l'université McGill à Montréal et Marc Baudou, du CHU de Dijon estiment néanmoins qu'il faut continuer à proposer une prophylaxie par IPP aux patients graves à très haut risque, l'étude montrant une petite différence dans la survenue de saignement gastro-intestinal en critère secondaire. L'effet préventif ou aggravant de la coadministration de nutrition entérale serait intéressant à préciser, relèvent-ils.
Nutrition entérale hyperénergétique
La nutrition entérale hyperénergétique améliore-t-elle la survie par rapport à la nutrition entérale standard ? Non, répond l'essai océanien TARGET (3) avec le soutien de la société de soins intensifs australienne et néozélandaise (ANZICS).
Il est habituellement recommandé en soins intensifs que les apports énergétiques compensent les pertes. La nutrition entérale est le plus souvent de 1kcal/ml, à une dose totale de 1 ml/kg de poids idéal, même si la quantité administrée est souvent bien moindre, notamment en raison d'une intolérance gastro-intestinale.
Sur un total de 3 957 patients, la survie à 90 jours n'était pas significativement différente entre le groupe hypercalorique (1,5kcal/ml) et le groupe standard (1kcal/ml). Le groupe hyperénergétique a reçu en moyenne 1 863 +/-478 kcal par jour, le groupe standard 1 262 +/-313 kcal/jour, soit une différence moyenne de 601 kcal/jour.
Dans l'analyse par sous-groupes, la mortalité n'était pas non plus significativement différente, y compris chez les patients mal nourris. Avec l'indice de masse corporelle (IMC) comme marqueur de l'état nutritionnel, seuls 89 patients (2 %) avaient un IMC < 18,5 et un tiers étaient obèses (IMC > 30). Chez ces derniers notamment, alors qu'une alimentation hypocalorique et riche en protéines est recommandée, l'étude montre que la nutrition entérale peut être hypo- ou eucalorique sans qu'il y ait d'effet sur la mortalité, tant que l'apport en protéines reste constant.
(1) NEJM, Girard T et al. DOI:10.1056:NEJMoa1808217
(2) NEJM, Krag M et al. DOI:10.1056/NEJMoa1714919
(3) NEJM, Chapman M et al. DOI:10.1056/NEJMoa1811687
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