Dans un article récent, Anagnostou et Turner (1) sont revenus sur quelques notions de base concernant l'anaphylaxie, sous une forme attractive du type « Mythes et Réalités ». Il faut rappeler que l'anaphylaxie a été primitivement définie de façon simple par la présence de symptômes cutanés et muqueux (prurit de la paume des mains et de la plante des pieds, prurit généralisé, flush et/ou érythème, urticaire, angio-œdème) associés à un ou plusieurs des symptômes touchant : l'appareil respiratoire (rhinite, rhinoconjonctivite, œdème pharyngé et/ou de la luette, gène laryngée, dyspnée, bronchospasme) ; l'appareil digestif (nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhée) ; l'appareil cardiovasculaire (état présyncopal, pression sanguine inférieure à 10 mmHg, troubles du rythme cardiaque) ; le système nerveux (troubles de la conscience, convulsions, coma, contractions utérines [2-4]).
Les principales caractéristiques de ces symptômes sont leur début brutal (survenue quelques minutes après l'exposition à l'allergène), une progression rapide, et une corrélation étroite entre la brutalité du début et la gravité des symptômes. À noter que l'anaphylaxie peut être biphasique, avec récurrence des symptômes après quelques heures d'amélioration, en dehors de toute nouvelle exposition à l'allergène et cela entre 48 à 72 heures après le début (5).
Épidémiologie et nouvelles classifications
La prévalence cumulée de l'anaphylaxie est estimée entre 0,5 % et 2 % (6). Sa fréquence est en augmentation, surtout en raison de la véritable « épidémie » d'allergies alimentaires survenue au cours des 20 dernières années, et qui se maintient maintenant sous une forme « endémique ». Malgré la publication d'un grand nombre de recommandations nationales et internationales, l'anaphylaxie demeure un sujet de controverses, tout particulièrement pour son diagnostic et sa gestion.
La définition de l'anaphylaxie a été validée par le consensus International CONsensus on Anaphylaxis (ICON), (lire en encadré) [7]. Ainsi, un prurit aigu et une gêne respiratoire traduisent une anaphylaxie. Il en est de même pour le syndrome d'allergie orale (SAO) et les douleurs abdominales après l'exposition (ingestion) à un allergène possible. Toutefois, l'utilisation du consensus ICON par le médecin de famille en première intention (en situation de pratique communautaire) reste difficile, voire problématique. À titre d'exemple, le SAO est généralement considéré comme un symptôme banal, traduisant une allergie légère à modérée, mais il peut se compliquer de manifestations systémiques, car les auteurs responsables de sa première description estiment la fréquence de l'anaphylaxie à presque 10 % des cas de SAO (8).
Contrairement aux praticiens américains (11), de nombreux allergologues du Royaume-Uni ou d'Australie considèrent que l'anaphylaxie doit comporter une gêne respiratoire et des symptômes cardiovasculaires, de sorte que des symptômes cutanés et/ou muqueux isolés ne traduiraient pas forcément une anaphylaxie. Par ailleurs, les praticiens anglo-saxons pensent que, en cas d'anaphylaxie alimentaire, les aliments sont responsables d'une réaction localisée, à l'origine de crampes, de nausées et/ou de vomissements, située dans l'estomac et/ou le duodénum. De ce fait, il serait inopportun de considérer ces symptômes comme systémiques. Toutefois, cette opinion est prise en défaut au cours de l'anaphylaxie aux venins d'hyménoptères où l'existence fréquente de symptômes gastro-intestinaux (par exemple des vomissements) traduit une anaphylaxie (c'est-à-dire des symptômes systémiques) car le tube digestif est éloigné du point d'injection des allergènes ! Il n'existe pas, non plus de consensus pour désigner des « symptômes digestifs persistants ».
En pratique, pour les médecins américains, il vaut mieux considérer ces « tableaux cliniques digestifs » comme des anaphylaxies alimentaires, ce qui légitime par conséquent une injection IM d'adrénaline. Mais cela n'est pas le cas au Royaume-Uni et en Australie (in 7). Nous pensons qu'il est préférable de s'approprier cette opinion. Une conséquence indirecte est que les comparaisons entre les pays ou même certaines régions sont souvent très aléatoires (1).
Mythe 1 : « L'anaphylaxie évolue souvent vers la mort »
Le tableau clinique de l'anaphylaxie est souvent associé à une « sensation de mort imminente », et il est vrai que l'anaphylaxie peut mettre la vie en jeu. Toutefois, le taux de mortalité par anaphylaxie n'est que de 0,001 % (9).
Une telle évolution est surtout associée à une mauvaise gestion de l'anaphylaxie incluant le retard ou l'absence d'administration de l'adrénaline par voie IM, et à dose adéquate. Ce chiffre de 1 pour 100 000 est heureusement faible, qualifié comme « acceptable en termes de statistique de santé publique ». Mais ce constat de fatalité n'est évidemment pas individuellement acceptable (10).
Par ailleurs, plusieurs études montrent que la fréquence des anaphylaxies a augmenté au cours des 20 dernières années, ce qui peut être la conséquence d'une meilleure identification de leur tableau par les médecins. Cette évolution est surtout due à une augmentation importante de la fréquence des anaphylaxies alimentaires. Toutefois, même si les décès sont peu fréquents, l'évolution spontanée de l'anaphylaxie est imprévisible et une anaphylaxie sévère peut débuter par des symptômes minimes qui vont ensuite s'aggraver.
Les anaphylaxies mortelles (ou presque fatales) sont souvent associées à des symptômes respiratoires. On peut même se demander si ces évolutions fatales ne sont pas davantage dues à l'asthme aigu grave AAG) qu'à l'anaphylaxie, mais une telle discussion semble plus sémantique que pratique. À cet égard, les symptômes respiratoires sont plus fréquents que les symptômes cardiovasculaires au cours des anaphylaxies d'origine alimentaire, en particulier chez les patients atteints d'un asthme associé d'une autre étiologie (acariens, pollens, blattes, etc.) Dans une étude suédoise les enfants asthmatiques qui avaient développé une anaphylaxie avaient presque 3 fois plus souvent des symptômes des voies respiratoires inférieures que les témoins (odds ratio à 2,7 traduisant un risque presque 3 fois plus élevé) [12].
Mythe 2 : « S'il n'existe pas d'urticaire, ce ne peut pas être une anaphylaxie »
L'urticaire est initialement absente dans au moins 10 % des anaphylaxies, mais elle peut apparaître secondairement. Dans l'un des cas-index de Sampson et al. (13) le décès d'un enfant atteint d'anaphylaxie était dû au fait qu'en l'absence d'urticaire au début (mais apparue ultérieurement), l'adrénaline fut injectée avec un retard important. Un aphorisme doit être retenu : « la gestion sûre de l'anaphylaxie dépend de son diagnostic précoce et de son traitement immédiat par l'adrénaline intramusculaire ».
Le consensus ICON (lire encadré : Les critères cliniques du diagnostic de l'anaphylaxie) valide l'importance des symptômes cutanés et muqueux (6). En pratique, l'urticaire et les symptômes cutanéomuqueux font partie du tableau de l'anaphylaxie, mais l'urticaire peut apparaître avec plus ou moins de retard après l'exposition à l'allergène.
À cet égard il faut rappeler que l'obnubilation ou le coma isolé doit faire évoquer une anaphylaxie (4).
Mythe 3 : « Si aucun facteur déclenchant ne peut être identifié, ce ne peut pas être une anaphylaxie »
Il est faux de penser que l'absence d'identification d'un facteur déclenchant est un argument pour éliminer le diagnostic d'anaphylaxie. Les principales causes des anaphylaxies sont les aliments, surtout chez le jeune enfant (temps de latence de 15 à 30 minutes après l'exposition à l'allergène). Bien que plus rares à cet âge, mais fréquentes chez les adolescents et surtout les adultes, les autres causes sont les piqûres d'hyménoptères (abeilles, guêpes, frelons, taons), la prise de médicament (aspirine, anti-inflammatoires non-stéroïdiens, le contact avec le latex, l'effort, la prise d'alcool, etc.)
La reconnaissance de l'allergène causal peut être difficile. Par exemple, des anaphylaxies au latex peuvent survenir dans cliniques ou hôpitaux chez des personnes sensibilisées (par exemple des visiteurs) en l'absence de contact direct avec le latex, car l'air de certaines pièces est hautement riche en particules aérodispersibles sur lesquelles les allergènes du latex sont fixées comme l'amidon de blé ou de maïs contenu dans les gants. Citons aussi les allergies par procuration, où le contact avec l'allergène se fait par l'intermédiaire d'un autre allergène (mélange de fruits à coque dans une assiette, ou par le contact avec une personne porteuse de l'allergène (syndrome d'allergie induit par le baiser, connu en particulier pour le kiwi et l'arachide). De plus, l'anaphylaxie peut être dépendante de l'effort et de l'ingestion d'aliments, phénomène mal connu chez l'enfant et même l'adolescent. Enfin, chez les adolescentes et les jeunes femmes, des anaphylaxies classées comme « idiopathiques » (environ 10 % des cas d'anaphylaxies) doivent faire évoquer des facteurs hormonaux, car elles sont rythmées par les phases du cycle menstruel. De nombreuses situations d'anaphylaxie associées à des allergènes masqués pourraient encore être décrites !
L'identification de l'allergène en cause nécessite le plus souvent le recours à un spécialiste dans le cadre de plages de consultations urgentes d'allergologie. Tout patient hospitalisé pour une anaphylaxie devrait posséder, à sa sortie, un rendez-vous écrit en consultation d'allergologie et avoir reçu la prescription d'un stylo auto-injecteur d'adrénaline, accompagnée des instructions pour son utilisation.
Mythe 4 : « L'adrénaline est dangereuse »
Non, l'adrénaline n'est pas dangereuse ! Au contraire, le danger est l'absence d'injection rapide de l'adrénaline – par voie IM dans la face antérolatérale de la cuisse (quadriceps). En cas d'urgence absolue, l'injection peut être effectuée directement à travers le tissu d'un pantalon. À faible dose (0,1 microgramme/kg/mn), l'adrénaline est fixée préférentiellement sur les récepteurs bêta dont la stimulation provoque une augmentation de la fréquence cardiaque, de la force contractile du cœur (effets inotrope et chronotrope positifs). À plus forte dose, les récepteurs alpha et bêta sont stimulés : augmentation de la glycolyse hépatique, vasoconstriction et augmentation de la pression sanguine (1). C'est le traitement de première intention de l'anaphylaxie.
À noter que la concentration sanguine maximale est obtenue plus rapidement par voie IM (cuisse) que sous-cutanée (deltoïde). L'administration d'une solution d'adrénaline sur un sucre par voie sublinguale (autrefois souvent préconisée) est à proscrire.
Mythe 5 : « Les antihistaminiques peuvent être utilisés en première intention et l’adrénaline n’est nécessaire que si les symptômes s’aggravent »
Un « traitement progressif de l'anaphylaxie » a longtemps été privilégié en commençant par les antihistaminiques (anti-H1), en utilisant des produits plutôt de type sédatif, suivis par des corticostéroïdes (plutôt par voie injectable) et, en dernier recours, par l'adrénaline (IM). Or les anti-H1 n'ont aucun effet anti-anaphylactique. Par exemple, la prémédication de l'immunothérapie allergénique par les anti-H1 ne diminue pas le risque d'effets secondaires graves à type d'anaphylaxie.
Il est important de répéter que ce schéma gradué, encore trop souvent utilisé même par certains « urgentistes » est dangereux car il entraîne une perte précieuse de temps et fait courir le risque d'une aggravation soudaine des symptômes, mettant la vie en danger. Dans les recommandations internationales, les anti-H1 sont des médicaments de troisième intention, surtout utilisés pour soulager le prurit cutané.
C'est l'occasion de rappeler les gestes d'urgence dès les premiers signes d'anaphylaxie : placer le patient couché en position latérale de sécurité ou le maintenir assis si cette position est mal supportée (in 7) ; ne jamais le laisser debout ni lui permettre de se relever de la position couchée ou assise (risque de désamorçage cardiaque) ; appeler les numéros des urgences ; au moindre doute, injecter l'adrénaline.
Mythe 6 : « Les corticostéroïdes préviennent l'anaphylaxie retardée ou biphasique »
Les réactions biphasiques sont définies comme la récurrence des symptômes d'anaphylaxie dans les 72 heures qui suivent le début des symptômes, sans qu'il y ait de nouvelle exposition à l'allergène.
Les corticoïdes par voie générale ont été utilisés de façon empirique pour prévenir les réactions biphasiques, bien qu'une méta analyse portant sur 31 études n'ait pas apporté de preuve en faveur d'un tel effet préventif (15). La fréquence des anaphylaxies biphasiques reste imprécise. Une méta analyse de Rohacek et al. (16) portant sur 259 557 admissions en unités d'urgences entre 1984 et 2013, dans plusieurs pays, indique que la fréquence de l'anaphylaxie biphasique varie entre 1 % et 20 %. L'intervalle de temps entre la première réaction et le début de la seconde était de 1 et 72 heures, en moyenne de 8 heures. Aucune cause ne fut identifiée, et il n'y eut pas de décès.
Une étude récente de Kim et al. (17) portant sur 2 890 adultes dont 143 atteints d'anaphylaxie biphasique (ABP) a montré qu'une mise en observation pendant au moins 6 heures permettrait d'identifier 95 % des patients qui allaient développer une ABP. Dans la mesure où une durée d'observation plus longue peut détecter davantage de patients présentant une ABP, une durée d'observation de 6 à 12 heures après le début d'une anaphylaxie est recommandée conformément aux recommandations internationales.
Une revue systématique de Lee et al. (18) confirme que l'administration des corticoïdes par voie générale n'est pas efficace pour prévenir les réactions biphasiques.
Le risque de réaction biphasique est moindre chez les patients atteints d'allergie alimentaire ; il est élevé chez ceux dont le facteur déclenchant est inconnu ou qui présentent une hypotension (18). En pratique, il faut garder les patients en observation pendant au moins 8 heures, si possible 8 à 12 heures. Il semble inutile de prolonger l'hospitalisation pendant 24 heures (16) comme cela a pu être préconisé naguère.
Mythe 7 : « La prescription de stylos auto-injecteurs d'adrénaline chez les enfants n'est nécessaire que pour ceux qui ont déjà eu une anaphylaxie »
Les facteurs de risque de l'anaphylaxie sont si nombreux qu'il est difficile « d'identifier les individus à risque de développer une anaphylaxie ». La taille de l'induration lors des tests cutanés et/ou la concentration des IgE sériques spécifiques (IgEs) n'ont pas de valeur prédictive individuelle, même si, statistiquement, les IgEs dirigées contre certains allergènes de recombinaison permettent de prévoir le risque de réaction bénigne ou sévère au cours de certaines allergies, par exemple à l'arachide ou à la noisette (in 14).
Ainsi, la présence d'IgEs dirigées contre les allergènes recombinants de l'arachide, rAra h1, rAra h2 et rAra h3 (protéines de stockage thermostables) est associée à des réactions cliniques sévères (in 14). Par contre, la présence d'IgEs dirigées uniquement contre rAra h8 (protéine PR10 détruite par la chaleur et la digestion) est associée à une allergie au pollen de bétulacées (bouleau en particulier) et ne se manifeste que par des symptômes mineurs comme un syndrome d'allergie orale (19). Toutefois, ces données sont largement influencées par les conditions géographiques pour leur accorder une confiance absolue. Ainsi, dans le sud de l'Europe, les patients sont peu sensibilisés à Ara h1, Ara h2 et Ara h3 mais le sont beaucoup plus vis-à-vis d'Ara h9 (et de ses isoformes) [20,21].
Mythe 8 : « Les stylos auto-injecteurs d'adrénaline sont prescrits et utilisés avec excès au cours de l’anaphylaxie »
Il est faux de penser que les stylos auto-injecteurs d'adrénaline sont excessivement prescrits au cours de l'anaphylaxie. Au contraire, ils ne le sont pas assez comme le démontrent plusieurs études comme celle de Noimark et al. (22) où seulement 16,7 % des enfants et des adolescents atteints d'anaphylaxie ont utilisé un stylo auto-injecteur d'adrénaline ! La raison principale est la méconnaissance de la gestion de l'anaphylaxie. En outre, l'utilisation de l'adrénaline se heurte à de nombreux écueils comme l'oubli ou la difficulté de transport du stylo.
Anagnostou et Turner (1) insistent sur la valeur des plans d'action (quand ? et comment ?) mais en discutent les limites, préconisant l'injection d'adrénaline au moindre doute « quelle que soit la gravité du tableau clinique ». Selon ces auteurs, cette position doit être mise en parallèle avec le fait que la mortalité par anaphylaxie est moins importante aux États-Unis qu'au Royaume-Uni ou en Australie (11).
En pratique, l'administration rapide et correcte d'adrénaline à l'aide des stylos auto-injecteurs est un défi majeur dans la gestion de l'anaphylaxie. Malheureusement, beaucoup de personnes ne savent pas comment utiliser ces stylos, ou ne les utilisent pas du tout, ou bien ne les utilisent pas correctement. Ces insuffisances sont dues aux lacunes de l'éducation des patients. Hernandez-Munoz et al. (24), utilisant une application pour smartphone (AllergiSense) ont enregistré 90,5 % de bons résultats contre seulement 28,6 % chez les patients témoins qui disposaient seulement de recommandations écrites sur un support-papier.
Pour rappel, chez l'enfant la posologie de l'adrénaline à 1:1 000 par voie IM dans la face antérolatérale de la cuisse est de 0,01 mg/kg (dose maximale totale de 0,5 mg), en répétant une nouvelle dose toutes les 10-15 minutes en fonction de la réponse aux doses précédentes. Plusieurs stylos sont utilisables : Epipen 0,15 mg/0,3 ml (150 microgrammes : enfants de 15 à 30 kg) et 0,30 mg/0,3 ml (300 microgrammes : poids > 30 kg), Jext 150 et Jext 300 (microgrammes), Anapen 0,15 et 0,30, Emerade 150 et 300.
Mythe 9 : « La prescription isolée d'un stylo auto-injecteur d'adrénaline permet de sauver des vies »
Il est inexact de croire que « la prescription d'un stylo auto-injecteur d'adrénaline permet à elle seule de sauver des vies ». Cette prescription doit s'intégrer dans le cadre d'un plan d'action écrit détaillant les symptômes de l'anaphylaxie, quand et comment utiliser le stylo. Comme indiqué ci-dessus (24), la mise à disposition d'une App spécifique est prometteuse, mais n'exclut pas le support papier. Le nombre de stylos à prescrire est débattu mais, au minimum, il est admis qu'il faut en avoir un à la maison et un autre dans la trousse à emporter avec soi. Avec raison, il est même préconisé d'avoir deux stylos à emporter au cas où une injection serait mal effectuée ou bien si les symptômes persistaient après la première injection.
Il faut éduquer les patients qui ont un asthme associé à une allergie alimentaire : ils peuvent faire la confusion entre une gêne respiratoire après l'exposition à un allergène et les symptômes qu'ils ressentent au début d'une crise d'asthme habituelle (non liée à l'ingestion d'aliments). Il faut insister sur la position de sécurité à maintenir, couché avec les jambes surélevées ou assis, et proscrire les changements brutaux de posture, ou le lever du patient. En effet, la volonté naturelle des patients, quel que soit leur âge, ayant un malaise ou des symptômes sévères, est de se relever lorsqu'ils croient aller mieux ! Plusieurs auteurs dont Pumphrey (25) ont mis en garde contre ce geste qui peut entraîner une récidive de l'anaphylaxie, parfois fatale, par désamorçage cardiaque. Il faut attendre l'arrivée des secours, à côté du patient, en position de sécurité, et lui parler.
Mythe 10 : « La vaccination associée « rougeole-rubéole-oreillons » et le vaccin antigrippal sont contre-indiqués chez les patients ayant présenté une allergie à l’œuf »
Les vaccins préparés à base d'œuf ne sont pas contre-indiqués chez l'allergique à l'œuf : le vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR) préparé sur fibroblastes de poulet ne contient pas de traces détectables de protéine d'œuf et le vaccin antigrippal, préparé sur des embryons d'œuf de poule, ne contient que des traces d'ovalbumine (in 1).
Aux États-Unis, les recommandations stipulent que ces vaccins (injectables ou par voie nasale) peuvent (et doivent) être effectués dans le cadre des soins primaires. La seule exception, mais elle est rare, est l'anaphylaxie à l'œuf où, par prudence et sécurité pour les patients ou leur famille, il est prescrit de les effectuer à l'hôpital (in 1).
Par contre, le vaccin antiamaril peut contenir des petites quantités de protéines d'œuf qui ont pu être responsables de réactions adverses potentiellement sévères chez les patients allergiques à l'œuf. Même si les risques d'anaphylaxie sont faibles (0,42 à 1,8 p. 100000 doses) [26], la vaccination peut être effectuée selon un protocole hospitalier spécial, voir les centres vaccinaux de référence.
Au total
Cette revue argumentée sur les « Mythes, faits et controverses au cours de l'anaphylaxie » (1) est d'une très grande importance pour les praticiens français, même si nos allergologues ont insisté récemment sur l'importance d'améliorer le diagnostic et la gestion de l'anaphylaxie, eu égard à l'augmentation des cas d'anaphylaxie médicamenteuse et surtout alimentaire, principalement chez les enfants (27).
Face aux mythes énoncés par Anagnostou et Turner (1) les évidences sont les suivantes :
• l'anaphylaxie peut mettre la vie en jeu mais la plupart des réactions n'évoluent pas vers des symptômes sévères ;
• l'urticaire est absente dans 10 % des anaphylaxies ;
• aucun facteur déclenchant n'est détecté dans 20 % des cas (« anaphylaxies dites idiopathiques ») ;
• l'adrénaline en injection IM à la face antérolatérale de la cuisse est sûre ;
• le premier traitement de l'anaphylaxie est l'adrénaline et non les antihistaminiques ;
• il n'y a pas de preuves que les corticoïdes par voie générale sont capables de prévenir les réactions biphasiques ;
• il est très difficile, sinon impossible, de prédire quels sont les individus à risque d'anaphylaxie sévère ;
• les stylos auto-injecteurs d'adrénaline sont sous-utilisés ;
• la gestion optimale de l'anaphylaxie comporte de multiples aspects et ne se limite pas à la prescription d'un stylo auto-injecteur d'adrénaline ;
• l'administration de tous les vaccins est sûre chez les enfants ayant une allergie à l'œuf, même ceux qui ont déjà présenté une anaphylaxie.
Toulouse
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