L’allergie à l’arachide et à d’autres aliments peut être provoquée par l’inhalation de leurs allergènes (odeur de poisson, épluchage de céleri ou de carottes) ou par des contacts cutanés ou muqueux chez les individus ayant déjà présenté une allergie alimentaire (AA) ou non (uniquement sensibilisés à ces allergènes). La liste de ces allergènes potentiels est longue. Voici un exemple, précédé par une revue de quelques observations singulières (et démonstratives) de la littérature.
Revue de la littérature
L’observation la plus démonstrative (et la plus curieuse) a été sans nul doute décrite par Wüthrich et al. (1). Il s’agissait d’un adulte (un médecin !) connu pour être fortement allergique à l’arachide (cacahuète) : « nous l’appellerons Pierre ». Une heure environ avant de rejoindre Pierre, sa compagne (nous l’appellerons Sophie) avait consommé quelques cacahuètes. Sophie connaissait l’allergie de Pierre et, pensant bien faire, elle se brossa énergiquement les dents. Peu après, retrouvant son ami – on imagine à la fin de ses consultations – elle l’embrassa et, en quelques minutes Pierre développa un œdème des lèvres et du visage, heureusement régressif sous corticoïdes et antihistaminiques mais, aujourd’hui, on aurait certainement préconisé une injection intramusculaire d’adrénaline. Quelques années plus tôt, les mêmes auteurs avaient décrit un syndrome d’allergie orale (SAO) à la pomme également dans le cadre d’un baiser d’amour (2).
Les allergies induites par le baiser sont maintenant bien connues : on les décrit selon les cas comme « lover’s kiss », « passionate kissing », « good night kiss » et même de « kiss of death » (3,4). Si dans les deux tiers des cas les symptômes sont légers à modérés ils peuvent être sévères tels que ceux d’une anaphylaxie. Dans l’allergie induite par le baiser, la persistance des allergènes dans la cavité buccale du consommateur a été calculée, de sorte que le délai de survenue des symptômes d’allergie induite par procuration est de quelques minutes à plusieurs heures (5).
Nous savons aussi que le contact entre plusieurs fruits secs dans un plat (ou à plus forte raison dans un mélange de fruits secs du commerce) entraîne des contaminations allergéniques réciproques (6) : dans une observation la noix du Brésil présente dans un panier de noisettes et d’amandes était la vraie responsable de l’anaphylaxie. Ce type de situation pose des problèmes difficiles de diagnostic puisqu’il faut tester les divers allergènes présents (après les avoir bien identifiés) et doser les IgE sériques (IgEs) correspondantes. Il faut ajouter à ces observations les allergies survenant dans les lieux publics telles que celles décrites au cours des transports aériens, et qui ont eu comme conséquence la disparition de l’offre de cacahuètes (4).
Console, cartes à jouer
Nous avons observé le cas d’un garçon âgé de 9 ans qui présentait une allergie depuis l’âge de 2 ans. Il avait développé un œdème de Quincke après consommation d’un biscuit à l’arachide. Le diagnostic fut confirmé par la positivité des prick-tests (PT) à l’aliment natif (induration 6 mm et érythème 20 mm avec pseudopodes) et celle du dosage des IgEs (25 kUA/L). Cet enfant avait également développé un asthme vers l’âge de 3 ans.
L’épisode actuel devait associer plusieurs symptômes (œdème des lèvres, œdème laryngé, urticaire généralisée). Bien que ces symptômes soient survenus au cours d’un apéritif avant le repas de midi, suggérant une allergie aux aliments consommés, on s’aperçut très vite que l’enfant avait surtout joué sans arrêt avec sa console de jeux. L’interrogatoire montra vite que l’enfant avait joué avec son oncle qui, lui, avait manipulé la console après avoir consommé des cacahuètes, sans s'être lavé les mains ! Après cet épisode, les PT étaient toujours positifs (induration 8 mm / érythème 25 mm) et les IgEs étaient supérieures à 100 kUA/L.
Cette observation doit être rapprochée d’un cas similaire décrit par Lepp et al. (7) qui ont décrit le cas d’une personne allergique à l’arachide connu qui jouait aux cartes avec trois amis. Ces derniers avaient pris soin de consommer des cacahuètes en se déplaçant dans une pièce attenante où une assiette de ces fruits secs avait été placée… Mais leurs mains avaient été souillées par les allergènes d’arachide qui avaient été transférés sur le jeu de cartes que le partenaire allergique à l’arachide avait évidemment manipulé. Dans le cas présent, les symptômes (œdème des lèvres et de la langue, gêne respiratoire) étaient été provoqués par le contact et l’inhalation de particules allergéniques d’arachide.
(1) Wûthrich B. Däsher M, M, Borelli S. Kiss-induced allergy to, peanut. Allergy 2001; 56: 913.
(2) Wûthrich B. Oral allergy syndrome to apple after a lover’s kiss. Allergy 1997; 52: 235-6.
(3) Hallett R, Haapanen LA, Teuber SS. Food allergy and kissing. N Engl Med 2002 ; 346:1833.
(4) Dutau G, Rancé F. Syndrome des allergies induites par le baiser. Rev Fr Allergol 2006;46(2):80-4.
(5) Maloney JM, Chapman MD, Sicherer SH. Peanut allergy through saliva : assessment and interventions to reduce exposure. J Allergy Clin Immunol 2006;118(3): 719-24.
(6) Bourrier T, Villevieille L, Albertini M, et al. Allergie alimentaire à la noix du Brésil : à propos de cinq cas chez l’enfants d’âge préscolaire. Rev Fr Allergol 2001;41(4): 401-6.
(7) Lepp U, Zabel P, Schocker P. Playing card as a carrier forb peanuts allergens. Allergy 2002;57:864.
(8) Eriksson NE. The hazards of kissing when you are food allergic. A sur-vey on the occurrence of kiss-induced anaphylaxis reactions among 1139 patients with self-reported food hypersensitivity. J Invest Allergol Clin Immunol 2003;213(3):149-54.
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