Comment les douleurs obstétricales sont-elles prises en compte en France ? C'est pour répondre à cette question que l'Hôpital Femme Mère Enfant (HFME) et le Centre d'investigation Clinique (CIC) des Hospices Civils de Lyon ont mené une enquête nationale auprès des femmes ayant accouché par voie basse et par césarienne.
En France, 80 % des accouchements s'effectuent par voie basse et plus de 80 % des femmes recourent à une analgésie par péridurale lors de ce type d'accouchement. Dans 98 % des cas, la demande d'anesthésie émane des femmes. Les méthodes de péridurale leur permettant de contrôler elles-mêmes la dose d'analgésique injectée sont en nette progression dans les maternités françaises, avec un bon niveau de satisfaction. Tels sont les principaux résultats de l'étude EPIDOL (1).
Cette enquête transversale — menée durant sept jours en France métropolitaine et dans les DOM-TOM, en 2016 — permet de recueillir le ressenti des femmes (en termes de douleurs et de satisfaction générale), 48 heures après leur accouchement.
Un choix varié en matière d'analgésie
Une fois la péridurale posée, des anesthésiques locaux sont proposés pour soulager la douleur, selon quatre méthodes. Le produit peut être injecté en bolus par les professionnels de santé (infirmiers et sages-femmes) à la demande de la patiente ou en perfusion continue. L'analgésie peut, par ailleurs, être contrôlée par la patiente à l'aide d'une pompe : c'est le principe de l'analgésie contrôlée par voie péridurale (PCEA). Enfin, le Programmed Intermittent Epidural Bolus (PIEB) permet l’administration automatique, à intervalles programmés, de bolus d’une solution anesthésique, associée aux injections contrôlées par la patiente (PCEA). Des méthodes complémentaires peuvent être proposées telles que le protoxyde d'azote ou la morphine. De plus, des méthodes douces sont envisagées en complément de la péridurale dans 18 % des cas : massage (38 %), bain (30 %), homéopathie (28 %), acupuncture (23 %), hypnose (8 %), chant (6 %).
Péridurale : privilégier les pompes
Près d'un tiers des femmes ayant bénéficié d'une péridurale affirme avoir eu des douleurs fortes (contre 80 % pour celles ayant accouché sans péridurale). Quelque 57 % des patientes ayant eu une péridurale avec bolus effectués par le personnel de santé ont souffert de douleurs contre 38 % pour les autres types d'analgésie. « Quand le bolus est réalisé par le personnel de santé, celui-ci réagit une fois que la femme a mal alors que l'idée des méthodes contrôlées par la patiente, c'est de prévenir la douleur. Le bolus réalisé par les professionnels de santé devrait être abandonné dans les maternités françaises au profit des pompes », souligne le Pr Dominique Chassard, chef de service anesthésie réanimation à l'hôpital Femme Mère Enfant aux Hospices Civils de Lyon et investigateur principal du projet.
Le cas particulier de la césarienne
Les femmes ayant eu une césarienne programmée indiquent avoir subi plus de douleurs fortes que celles ayant bénéficié d'une césarienne pendant l'accouchement. « Nous n'en connaissons pas les causes », note le Pr Chassagne. Sans oublier que la césarienne peut engendrer des douleurs intenses, « voire occasionner un syndrome de stress post-traumatique », insiste le Pr Chassard.
D’autres douleurs sont présentes 48 heures après l'accouchement par voie basse ou par césarienne : 1 à 2 % des femmes ont des maux de tête ; 9 à 12 % des maux de dos. Près d'un quart des femmes (40 % des primipares) a des douleurs gynécologiques, notamment dues aux épisiotomies. Et près d'une femme sur deux ayant eu une césarienne déclare souffrir de douleurs au niveau de la cicatrice.
Au final, 80 % des femmes sondées (ayant bénéficié ou non d'une péridurale) s'estiment satisfaites de leur accouchement. Deux tiers des femmes ayant eu une péridurale souhaiteraient en avoir une de nouveau. Le niveau de la maternité influence peu la satisfaction générale. « La prise en charge de douleur n'est qu'une des composantes de la satisfaction finale et les progrès techniques ne font pas tout, relève le Pr Chassard. L'écoute et l'accompagnement des professionnels de santé sont essentiels. Les résultats d'EPIDOL vont nous permettre de soumettre, dès l'année prochaine, plusieurs études scientifiques au sujet de la prise en charge des douleurs obstétricales en France ».
(1) EPIDOL, menée auprès de 2011 femmes dans 60 maternités, est soutenue financièrement par la Fondation APICIL : http://www.fondation-apicil.org.
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