Les spécialistes de la douleur regrettent que la neurostimulation médullaire ne soit souvent proposée que très tardivement, quand elle l’est. « Le problème ne vient pas du manque de praticiens - anesthésistes ou neurochirurgiens - formés à réaliser des implantations, soulignent des spécialistes de la douleur réunis à l'Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild. Il tient à la méconnaissance de l’existence de cette alternative thérapeutique : du public, et des médecins, qui ne la connaissent pas et ne pensent pas à adresser leur patient à des équipes capables d’évaluer l’indication et d’en assurer la prise en charge. »
La neurostimulation médullaire est prise en charge et effectuée, de façon courante, depuis 20 ans. Moins de 2 000 implantations sont réalisées chaque année en France, soit trois fois moins que chez nos voisins belges.
Certes, tous les patients douloureux chroniques ne sont pas éligibles à une neurostimulation médullaire. Médicaments, kinésithérapie, relaxation, thérapies cognitivo-comportementales… le choix de l'option thérapeutique pour les douleurs chroniques doit être effectué avec le patient, dans le cadre d'un suivi pluridisciplinaire.
Le remboursement est conditionné et la Haute Autorité de santé en a défini les indications dans les douleurs chroniques persistant depuis au moins six mois : après chirurgie rachidienne, dans les douleurs neuropathiques, consécutives à un traumatisme ou une intervention chirurgicale, à un zona ou à un diabète. La neurostimulation médullaire est également pertinente dans le cas d'un syndrome douloureux régional complexe (algodystrophie) persistant depuis au moins six mois.
Mais si la neurostimulation ne doit pas être proposée en début de parcours, « mieux vaut cependant ne pas la proposer en tout dernier recours, précise la Dr Hayat Belaid, neurochirurgienne à l'Hôpital Fondation Rothschild. Les études montrent que plus on envisage cette alternative de façon précoce, meilleur sera le résultat. »
Le principe est connu depuis 50 ans : la neurostimulation consiste à utiliser la stimulation électrique pour moduler la transmission d'un signal nerveux. La neurostimulation transcutanée externe (TENS), qui agit par des électrodes apposées à même la peau, peut être efficace « en superficie et sur une zone localisée, mais ne peut être utilisée en permanence », décrit le Dr Florian Bailly, rhumatologue-algologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP).
Pour les douleurs permanentes et rebelles, la neurostimulation médullaire, par l’implantation d’un dispositif médical mini-invasif, se révèle beaucoup plus efficace que la TENS. Cette technique a été développée à la fin des années 1960 après la découverte des mécanismes permettant de moduler et d'inhiber la transmission du signal douloureux entre les circuits nerveux de la moelle épinière et les régions du cerveau impliquées dans la douleur.
Une technique réversible…
Le dispositif est implanté en deux temps opératoires. « Le premier temps consiste à positionner une ou deux fines électrodes en regard de la moelle épinière (au niveau de l'espace épidural) en percutané sous contrôle radiologique ou par chirurgie mini-invasive, lors d'une courte intervention », souligne la Dr Belaid.
À la suite de cette intervention, le patient bénéficie d'une période de test à domicile. De fait, les électrodes sont d'abord connectées à un générateur externe. Le patient dispose alors d'une télécommande pour ajuster les paramètres de stimulation (fréquence, durée, intensité et étendue des impulsions électriques). Après cette phase de test, si le patient valide les bénéfices du dispositif, celui-ci est alors définitivement implanté lors d'une seconde intervention de 15 minutes durant laquelle les électrodes sont reliées à un boîtier de stimulation introduit sous la peau de l'abdomen ou dans la région lombaire basse. « L'avantage de cette technique est qu'elle est réversible et qu'elle ne crée pas de lésion du système nerveux », note la Dr Belaid.
… et personnalisable
Par ailleurs, à l'origine, il n'existait qu'un type de stimulation classique et continue : celle dite « tonique ». D'une fréquence moyenne de 40 à 80 Hz, elle permettait
de réduire, voire de masquer la douleur en générant une sensation de fourmillement (paresthésie) au niveau de la zone concernée.
Mais certains patients ne tolèrent pas ces fourmillements. « Désormais, de nouveaux systèmes de stimulateurs médullaires - tels que le Wavewriter Alpha lancé en France en mars 2021 par Boston Scientific – permettent d'opter, au choix, pour une stimulation avec paresthésies, pour un mode sous-perception (dénué de sensation de fourmillements) ou pour un mixte des deux », précise la Dr Belaid. Cette personnalisation des paramètres à l'aide de l'algorithme Fast permet de soulager la douleur plus rapidement.
Le dispositif est compatible avec la réalisation d'une IRM du corps entier. Et alors que les précédents neurostimulateurs nécessitaient une brève intervention pour remplacer la pile tous les deux à cinq ans, les nouveaux modèles rechargeables durent de neuf à douze ans, grâce à un chargeur externe qui permet de les recharger à travers la peau.
Atelier presse sur la stimulation médullaire à l'Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild (Paris) le 8 octobre 2021
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?