PLAN DOULEUR et plan Cancer s’articulent afin d’améliorer la prise en charge de la douleur de la personne âgée et atteinte de cancer. À cet égard, Xavier Bertrand, dans sa préface du Plan d’amélioration de la prise en charge de la douleur 2006-2010, souligne que « la douleur physique et la souffrance morale ressenties à tous les âges de la vie rendent plus vulnérables encore les personnes fragilisées par la maladie » et que « la douleur, ressentie à tous les âges de la vie, est d’autant plus préjudiciable qu’elle touche souvent des personnes atteintes de maladies graves » (1). Ces plans prévoient ainsi que « les patients pourront bénéficier de soins complémentaires, pour une meilleure prise en compte de la douleur et un soutien psychologique accru » et précisent que « la spécificité des problèmes posés par la prise en charge des personnes âgées fera l’objet de référentiels particuliers ». La mesure 11 du plan Douleur insiste sur le fait de « mieux prendre en compte la souffrance des personnes atteintes de cancer », en lien avec le plan Cancer, en affectant 300 000 euros à la recherche sur les modes de prise en charge de la douleur dans le cadre de l’onco-gériatrie.
Les douleurs présentes chez plus d’un patient sur deux.
De fait, une enquête récente de prévalence de la douleur liée au cancer réalisée en Europe et en Israël, et portant sur 5 084 patients adultes cancéreux, a montré que 56 % d’entre eux souffraient de douleurs modérées à sévères au moins une fois par mois (2). Pourtant, sur les 573 patients ressentant des douleurs d’intensité au moins modérée plusieurs fois par semaine, 23 % ne recevaient pas d’analgésiques et seulement 41 % des opioïdes forts du palier 3 de l’OMS. Parmi ceux qui étaient sous analgésiques, deux patients sur trois avaient des accès douloureux transitoires et des douleurs qui interféraient avec l’activité quotidienne. D’autres données plus anciennes de la littérature indiquent que 25 à 40 % des personnes âgées atteintes de cancer ont des douleurs quotidiennement (3) ; que plus d’un cancéreux âgé sur deux souffre et que beaucoup ne bénéficient pas d’analgésiques forts (les trois quarts), ce d’autant qu’ils sont âgés de plus de 85 ans (3). S. Deandrea et coll., dans une revue récente, relèvent quant à eux que la moitié des patients atteints de cancer sont sous-traités, sans que l’âge ne soit retrouvé comme un facteur prédictif significatif d’insuffisance thérapeutique (4). Ainsi, « aller à la recherche » de la douleur est une étape fondamentale, bien que particulièrement difficile chez le patient âgé qui minore ou néglige volontiers sa douleur, la considérant comme inéluctable à son âge. De plus, l’expression spontanée et l’auto-évaluation de la douleur ne sont pas aisées, surtout s’il existe des troubles cognitifs et des syndromes dépressifs associés. Des échelles d’hétéro-évaluation de la douleur, validées chez la personne âgée doivent donc être utilisées (Echelle DOLOPLUS 2, ECPA) en plus des échelles classiques d’auto-évaluation. Les personnels soignants doivent se former à ces outils pour mieux identifier les plaintes douloureuses des patients âgés et donc moins les sous-estimer. Une évaluation globale de la personne, à la fois psychologique, sociale et familiale, est aussi indispensable, tout comme le dépistage systématique de l’anxiété, de la dépression, des troubles cognitifs et des troubles sensoriels.
Analyser, déterminer la cause, traiter…
Plusieurs mécanismes physiopathologiques différents peuvent en effet être à l’origine de douleurs nociceptives, neuropathiques ou mixtes. Les douleurs peuvent être liées au processus tumoral et à son évolution, aux actes diagnostiques ou thérapeutiques, être séquellaires des traitements effectués (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie) ou, enfin, sans rapport avec le cancer. Le traitement de la douleur, chez le sujet âgé, est également à appréhender de façon rigoureuse, en raison des modifications du métabolisme des médicaments liées à l’âge, à la polymédication de ces patients et à leurs polypathologies. Une réduction des doses et/ou une augmentation des intervalles de prises analgésiques sont recommandées. La titration permet une meilleure adaptation du traitement. Des efforts considérables sont encore à faire En raison de l’accroissement de l’espérance de vie, de l’augmentation de l’incidence des cancers avec l’âge, de la fréquence des douleurs liées au cancer et de la difficulté d’expression et de traitement de la douleur des personnes âgées, la prise en charge de la douleur chez le patient âgé ayant un cancer devient une préoccupation majeure. Elle se traduit la plupart du temps par une perte d’autonomie et un retentissement anxio-dépressif invalidant chez des personnes pouvant être peu entourées par ailleurs. Cela souligne toute l’importance de renforcer la formation des médecins et des autres soignants, de consacrer du temps pour évaluer ces personnes âgées et, dans les formes complexes, de recourir aux structures spécialisées de gériatrie et de prise en charge de la douleur, en travaillant en concertation multidisciplinaire avec les différents acteurs de santé.
D’après un entretien avec le Dr Brigitte George, Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale, unité d’évaluation et de traitement de la douleur, hôpital Saint-Louis, Paris.
(1) Plan d’amélioration de la prise en charge de la douleur. 2006-2010. Ministère de la santé et des solidarités.
(2)Breivik H et coll. Cancer-related pain: a pan-European survey of prevalence, treatment, and patient attitudes. Ann Oncol 2009 ; 0 : mdp001v2-mdp001.
(3)Bernabei R et coll. Management of Pain in Elderly Patients With Cancer. JAMA 1998; 279 (23): 1877-82.
(4) Deandrea S et coll. Prevalence of undertreatment in cancer pain. A review of published literature. Ann Oncol 2008; 19 (12) : 1985-91.
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