Dans la longue liste des mécanismes suspectés d’être impliqués dans la dépendance à la nicotine, la perturbation de la coopération entre plusieurs réseaux de neurones figure en bonne place. En l’occurrence, les trois réseaux complémentaires dans le collimateur des chercheurs sont : le réseau du mode par défaut (activé à l’état de base, lorsque le cerveau est inoccupé), le réseau exécutif (impliqué dans la prise de décision et la concentration de l’attention) et le réseau de saillance (qui hiérarchise les informations qu’elles soient internes ou non). Il existe une relation très étroite entre ces trois réseaux.
Le réseau de saillance est en effet chargé de répartir les ressources entre le réseau exécutif et le réseau du mode par défaut. Or, des études avaient déjà montré que l’activité du réseau du mode par défaut était négativement corrélée avec celle du réseau exécutif et que les deux étaient sous le contrôle du réseau de saillance.
Une hypothèse voulait que, privé de nicotine, le réseau de saillance d’un gros fumeur accorde plus d’importance aux informations correspondant aux symptômes de manque, perturbant la corrélation avec le réseau exécutif et celui du mode par défaut.
Un nouvel outil : l’index d’allocation de ressources
Pour vérifier cette hypothèse, Caryn Lerman de l’université de Pennsylvanie et ses collègues ont fait passer un IRM cérébral à 44 gros fumeurs (plus de 10 cigarettes par jour pendant plus de six mois) après une période de 24 heures sans fumer, et un autre juste après avoir fumé une cigarette.
Les chercheurs ont ainsi mesuré l’activité cérébrale des trois réseaux lors de deux moments distincts correspondant respectivement à la satiété et au sevrage nicotinique. Ils ont ensuite imaginé un « index d’allocation des ressources », le RAI, destiné à mesurer la corrélation entre ces trois réseaux.
Selon les résultats de leurs travaux publiés dans le JAMA Psychiatry, le RAI était significativement plus faible en période d’abstinence qu’en période de satiété : 0,3 contre 0,5 dans l’hémisphère gauche et 0,55 contre 0,7 dans l’hémisphère droit. Il y avait donc une association négative entre le RAI et le phénomène de craving provoqué par l’abstinence.
Étendre cette approche aux fumeurs jeunes
Les auteurs estiment que la mesure du RAI est plus sensible que le simple couplage entre les activités du réseau du mode par défaut et celle du réseau exécutif décrit dans les études précédentes. Un tel outil pourrait être utilisé pour objectiver et mesurer l’intensité du sevrage chez un patient et lui préparer une aide adaptée. Dans un éditorial accompagnant cet article, Edythe London et Dara Ghahremani, de l’université de Californie à Los Angeles, concèdent que « l’on pourrait penser que l’emploi de l’imagerie cérébrale se révèle disproportionné alors que l’étude du comportement suffit pour évaluer la réussite d’un traitement ». Ils rappellent toutefois qu’en « plus de faire progresser les connaissances fondamentales, cette nouvelle approche est séduisante, et la sensibilité pourrait être encore améliorée en couplant le RAI aux variations de niveaux d’activité d’autres aires situées dans lobe pariétal ». Ils suggèrent également d’étendre ce type d’étude aux jeunes fumeurs afin d’éviter le biais d’entraînement que l’on peut trouver chez les fumeurs inclus dans l’étude et dont l’âge moyen était de 40 ans.
Caryn Lerman et all, Large-Scale Brain Network Coupling Predicts Acute Nicotine Abstinence Effects on Craving and Cognitive Function, JAMA Psychyatry, 12 février 2014
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