L'alcool, deuxième cause de mortalité évitable en France (40 000 décès par an), est un problème de santé publique qui concerne toute la population, ce qui appelle un repérage systématique par les professionnels de santé. Le message a été remis sur le devant de la scène en 2021, à la faveur d'une expertise collective de l'Inserm prenant en compte les données scientifiques les plus récentes, et réalisée à la demande de la Direction générale de la santé et de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca).
L'expertise affirme notamment qu'aucune consommation d'alcool n'est sans risque. En outre, les dommages sur la santé sont dose-dépendants et exponentiels : ils augmentent selon la quantité absorbée, et, très rapidement au-delà de certains repères.
Ces repères, Santé publique France les a mis à jour en 2017 : pas plus de deux verres par jour, et dix par semaine, avec deux jours sans alcool. Pourtant, près d'un quart (23,7 %) des Français de 18 à 75 ans les dépasse, selon le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » du 9 novembre.
Trois publics, mais un repérage qui doit être systématique
L'expertise de l'Inserm opère une distinction entre trois publics : ceux dont la consommation est à faible risque, ceux dont la consommation est à risque mais sans dépendance et les personnes dépendantes. Puisque la deuxième catégorie représente la moitié de la morbi-mortalité liée à l'alcool, les actions de santé publique, d'information et de prévention doivent cibler tout le monde, insiste l'Inserm.
Pour un repérage systématique, les médecins (généralistes, santé au travail, urgentistes) ont plusieurs questionnaires courts à disposition, comme le FACE et l'AUDIT. En cas de score présageant d'une consommation à risque, ils peuvent rappeler au patient les repères et donner des stratégies pour limiter la consommation au cours d'entretiens motivationnels. Certains généralistes formés à l'addictologie peuvent assurer un suivi ou orienter vers des soins spécialisés, une consultation hospitalière d'addictologie ou un centre de soin, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa).
Prise en charge complète des pathologies duelles
Pour les plus dépendants (seulement 10 % d'entre eux sont pris en charge), l'Inserm appelle à considérer l'alcoolisme comme une pathologie chronique, requérant une stratégie multimodale, au long cours. La réduction de la consommation peut être un objectif transitoire mais non final (tant le risque est fort de réaugmenter les doses) ; l'Inserm recommande plutôt de tendre vers un arrêt prolongé de l'usage. Aux entretiens motivationnels, doivent alors s'ajouter des psychothérapies validées plus intensives, pourquoi pas des médicaments et la prise en charge des comorbidités, notamment les autres addictions (à commencer par le tabac), les troubles psychiatriques co-occurents, les comorbidités physiques et les troubles cognitifs liés à l'alcool. Sans oublier la réhabilitation psychosociale.
Plus largement, la prise en charge des pathologies duelles impose le décloisonnement de la psychiatrie et de l'addictologie, du médical et du médico-psycho-social. « Nous devons trouver ensemble les moyens par lesquels l’addictologie et la psychiatrie ne seront pas deux options possibles ou deux portes d’entrée, mais les deux faces d’une même médaille », avait déclaré le ministre de la Santé Olivier Véran lors d'un colloque organisé par la Fédération Addiction.
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