PAR LES Prs et Drs HENRI JEAN AUBIN*, IVAN BERLIN**, BERTRAND DAUTZENBERG*** et XAVIER QUANTIN****
LE TABAGISME est initialement un comportement lié aux influences sociales, importantes à l’adolescence, fortement influencé par la personnalité et l’état psychique de chacun, mais aussi par les influences génétiques et épigénétiques et, en particulier, par l’exposition active ou passive in utero à des composants de la fumée du tabac. À ce titre, la consigne zéro cigarette (et zéro alcool) durant la grossesse doit être martelée car elle n’est pas encore totalement passée en population générale, voire parmi les professionnels de santé !
Après quelques années de tabagisme, principalement si la consommation est débutée tôt dans l’adolescence, la modification du nombre et de la sensibilité des récepteurs nicotiniques provoquera la dépendance à la nicotine qui, le plus souvent, persistera à vie, toujours présente durant les phases d’abstinence, prête à ressurgir à la moindre stimulation nicotinique. Le fumeur est alors atteint d’une maladie chronique bien définie par l’OMS et le DSM-IV : « la dépendance tabagique », une maladie qui raccourcie dramatiquement l’espérance de vie.
Comme l’HTA ou le diabète.
La dépendance tabagique ne doit pas être ignorée des professionnels de santé car il s’agit d’un trouble de santé chronique, invalidant, similaire à d’autres pathologies chroniques comme l’hypertension artérielle (HTA) ou le diabète. Des médicaments démontrés efficaces tels les substituts nicotiniques sous toutes leurs nombreuses formes, la varénicline ou le bupropion multiplient les chances de rémission et d’arrêt de la consommation et, selon la Haute Autorité de santé (HAS), sont un traitement essentiel de nombreuses maladies chroniques telles la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’insuffisance cardiaque, mais aussi le diabète de type 1 ou 2, les hépatites B ou C, le VIH/SIDA, les greffes rénales ou la maladie de Crohn.
Déception.
Il reste un peu désespérant (décevant ?) de voir que les résultats des très nombreuses métaanalyses de la Cochrane Reviews et des autres études évaluant l’efficacité du traitement médical sont peu connus du médecin et ne conduisent encore moins à leur mise en œuvre systématique. Ainsi, il sera montré au cours du congrès que trois quarts des fiches d’information aux malades avant une opération chirurgicale ne disent pas un mot du triplement du risque opératoire lié au tabagisme ou du bénéfice d’un arrêt avant une intervention chirurgicale et durant toute la phase de cicatrisation, ou que certains gynécologues ou d’autres médecins conseillent encore aux femmes enceintes de fumer quelques cigarettes plutôt que de se « stresser à arrêter ».
Le tabagisme est la première cause de mort évitable selon l’OMS et alors que le tabac n’a provoqué « que » 100 millions de morts prématurées au XXe siècle, il en provoquera 1 milliard au XXIe si on ne fait rien ! Ce congrès veut être un nouvel élan pour former à mobiliser l’ensemble des professionnels de santé à la bonne pratique de la prise en charge des fumeurs, il sera aussi l’occasion de soulever les problèmes politiques, car la maladie tabagique comme beaucoup de maladies de notre siècle doit être aussi efficacement combattue par les politiques et la société civile.
Un impact catastrophique en termes de santé publique.
Après de bonnes initiatives avec le premier plan cancer de 2003-2004 et l’interdiction de fumer dans les lieux publics et clos de 2006-2007, les initiatives politiques sont en panne depuis trois ans et tous les arbitrages sont, comme le soulignait récemment le Haut Conseil de Santé Publique (HCSP), pris en faveur du ministère du Budget et de la perception immédiate des taxes du tabac et non de la santé. Il est catastrophique en termes de santé publique d’observer l’augmentation du nombre de fumeurs en France alors que tous les pays européens sont en baisse et que la France, il y a quelques années encore, montrait l’exemple. Les tabacologues espèrent que les pouvoirs publics vont reprendre l’initiative pour réduire l’incidence et de la prévalence du tabagisme avec une politique volontariste de contrôle du tabac que la France s’est engagée à conduire en signant une des premières la convention cadre contre le tabac.
Société Française de tabacologie : *ancien président ; ** président ; ***président du comité d’organisation ; **** président du conseil scientifique du quatrième congrès de tabacologie.
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