La mutation est-elle irréversible ? Pour paraphraser André Malraux écrivant sur le cinéma, la médecine est un art, mais c’est aussi une industrie. Si l’on file encore la métaphore du cinéma, le médecin à l’hôpital était à la fois le réalisateur et le comédien de son propre film entouré d’une nuée d’assistants dévolus à sa propre gloire. Aujourd’hui, il doit se résoudre à être un acteur parmi d’autres. Le chirurgien n’a même plus la maîtrise de son emploi du temps dicté par d’autres spécialistes. Ce déclassement social — faut-il encore évoquer celui d’enseignant ? — se produit alors que le progrès technologique doublé d’un contexte de crise économique impose un changement en profondeur des normes. Cette révolution industrielle frappe le secteur de la santé alors que ses acteurs s’en estimaient protégés. Elle est programmée tardivement dans le cycle économique. Tous les autres secteurs ont depuis longtemps opéré les mutations. Ces processus industriels ne seraient pas contreproductifs à la qualité des soins. « Le domaine de la santé dispose de marges de progression considérable », estime Thomas London (voir ci-contre). Mais ces transformations ne sont pas les seules annoncées. La révolution numérique promet des bouleversements majeurs. Aujourd’hui se superpose à demain avec en point de mire une perte de sens pour les soignants. La productivité, le nombre d’actes se substituent à la relation. Faut-il alors parler de dommages collatéraux à la nécessaire réorganisation de la chaîne de production ? L’hôpital n’est plus une place forte, sanctuarisée des aléas économiques. Tous les maux d’une société s’y engouffrent. Il ne bénéficie plus d’une extraterritorialité. Mais alors, où est Dieu dans tout cela ? Entre temps, l’hôpital s’est laïcisé. Il s’est déconnecté du concept de charité chrétienne. Comme pour l’automobile ou les médicaments, nos hôpitaux doivent exporter leurs savoir-faire. Le soin est devenu un business as usual. Aux dernières nouvelles, Dieu n’opère donc plus au sein du bloc opératoire, ravalé au statut de simple travailleur souffrant comme les autres. Le burn out le menace désormais au même titre que les salariés du privé. Cette nouvelle maladie de civilisation traduit un déséquilibre selon le mot de Pascal Chabot dont le livre Global Burn-out vient d’être réédité en poche. Comment alors réparer cette souffrance ? Au bloc chirurgical, par une boîte à idées, comme le suggère le réalisateur à la fin du film diffusé le 15 septembre dernier sur Arte tiré du livre de Pascal Chabot, ou par une organisation rationalisée du travail ? Là comme ailleurs chacun jouera au docteur prescrivant selon ses opinions. En attendant, cette souffrance au travail est reconnue comme un enjeu national. Le 11 septembre dernier s’est tenu un séminaire au ministère des Solidarités et de la Santé autour de la qualité de vie au travail dans les établissements de soins. L’intention est louable. Mais alors que les transformations à l’œuvre « nuisent gravement à la santé », faut-il parler ici de médecine palliative ?
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