Le Pr Fischer a annoncé que les médecins généralistes devraient pouvoir vacciner contre le Covid-19 hors des centres de vaccination dès que les nouveaux vaccins, dont celui d'AstraZeneca, auront reçu le feu vert de l'Agence européenne du médicament. Cela vous satisfait-il ?
Dr Jacques Battistoni : Oui, c'est une bonne nouvelle si elle se réalise véritablement. Depuis le début, une majorité de médecins généralistes réclament de pouvoir vacciner leurs patients. Nous avons des questions sur la vaccination lors de chaque consultation, et nous arrivons à convaincre des gens indécis. Nous avons quotidiennement des patients que nous aimerions vacciner. Aujourd'hui, chaque médecin, selon que sa patientèle compte plus de personnes âgées, pourrait vacciner 5, 10, voire 15 patients contre le Covid-19. Selon une récente enquête de MG France, 70 % se disaient prêts à vacciner si on le leur permettait et 20 % de plus étaient prêts à le faire si on leur donnait des explications complémentaires sur les vaccins (enquête réalisée du 8 au 13 janvier, 2 249 réponses exploitables). Dès lors que le vaccin est préparé et leur est acheminé, les généralistes pourraient vacciner au fil de l'eau pendant une ou deux demi-journées dans la semaine après avoir passé commande auprès d'un pharmacien de référence.
Le Pr Fischer a également annoncé que les pharmaciens pourraient vacciner contre le Covid-19. Approuvez-vous cette décision ?
Dr J. B. : Certains ont laissé entendre au début de la campagne que l'on manquait de gens pour vacciner. Ce n'est pas le cas. Aujourd'hui, on manque de vaccins. Élargir le nombre de vaccinateurs alors que l'on manque de vaccins n'a pas beaucoup de sens. Aujourd'hui, des centres de vaccination sont en difficulté car ils ont programmé des vaccinations mais n'ont pas suffisamment de doses pour les faire. Plus tard, quand nous devrons vacciner la totalité de la population, nous aurons besoin de mobiliser l'ensemble des acteurs mais là, ce n'est pas le problème. L'enjeu est d'apporter le vaccin aux gens qui en ont le plus besoin, les personnes vulnérables.
Des centres de vaccination rencontrent des difficultés d'approvisionnement en doses. Cela vous inquiète-t-il ?
Dr J. B. : Oui. Je suis révolté car le gouvernement a promis une vaccination rapide à 9 millions de personnes alors qu'il n'en a pas les moyens. Il faut 18 millions de doses pour vacciner ces 9 millions de personnes. Or, on a environ 500 000 doses par semaine. À ce rythme, il faudrait donc 36 semaines pour vacciner toutes ces personnes (le gouvernement prévoit une accélération de l'approvisionnement avec l'arrivée notamment de nouveaux vaccins, N.D.L.R.). En ouvrant plus rapidement que prévu la vaccination à certains publics, les autorités ont ouvert la boîte de Pandore. D'autres catégories de patients veulent maintenant être vaccinées. On crée des files d'attente. S'il voulait montrer que les gens ont envie d'être vaccinés, le gouvernement a réussi mais ce n'est en aucun cas une accélération de la campagne.
Pour augmenter le nombre de personnes vaccinées, les pouvoirs publics ont autorisé que les flacons de vaccins Pfizer-BioNTech puissent fournir 6 doses au lieu de 5 jusqu'à présent. Est-ce un problème ?
Dr J. B. : Non, on s'est rendu compte très vite que l'on pouvait faire 6 doses au lieu de 5. Le fait de l'officialiser protège juridiquement les médecins qui vaccinent et rassure les patients mais on est toujours à la recherche de nouveaux vaccins. Nous espérons que nous disposions rapidement de nouveaux vaccins. Aujourd'hui, nous restons dans un entonnoir avec beaucoup de gens qui veulent être vaccinés et peu de vaccins disponibles.
Vous avez évoqué récemment les obstacles rencontrés par des médecins généralistes pour monter des centres de vaccination. Redoutez-vous que devant les difficultés administratives et les tensions sur les stocks, certains jettent l'éponge ?
Dr J. B. : On ne le redoute pas, on le mesure déjà. Il y a quelques jours, Frédéric Valletoux, patron de la FHF, s'est réjoui que les hôpitaux soient le principal lieu où les gens sont vaccinés. Alors que dans les faits, les préfets au moment de donner les autorisations d'ouverture des centres ont fait au plus rapide en privilégiant les centres hospitaliers. L'hôpital avait une longueur d'avance car le centre de répartition des vaccins se trouve dans les plus grands établissements du département. M. Valletoux a beau jeu de nous dire que nous avons un retard à l'allumage. Ce n'est pas le cas, on part avec un handicap, ce qui n'est pas la même chose. Les médecins généralistes qui ont du mal à avoir les autorisations pour créer leur centre et ont ensuite du mal pour recevoir des dotations en vaccins l'ont mauvaise. D'autant, ne soyons pas dupes, que l'on sait très bien que dans les hôpitaux, les gens qui ont été vaccinés n'étaient pas forcément les plus prioritaires. L'abaissement de la limite d'âge à 50 ans pour les professionnels de santé en est le témoin.
Le gouvernement a étendu le couvre-feu à 18 heures sur le territoire national. Fallait-il aller plus loin ?
Dr J. B. : Je ne veux pas me substituer au conseil scientifique qui conseille le gouvernement. Néanmoins, je constate que le virus continue de circuler activement, que l'on est sur un plateau élevé. En tant que médecin généraliste, je suis aussi conscient de la souffrance de mes patients, ils ont beaucoup de mal à voir la sortie du tunnel. Et l'un des risques, c'est la déprime. On voit des gens qui ne vont pas bien et une grande souffrance s'exprime dans les cabinets. Voilà pourquoi il est important d'avoir une organisation rationnelle de la campagne de vaccination, en commençant par les plus fragiles pour sortir de ce feuilleton.
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