Peut-on industrialiser le processus de soin ?
C'est même, à bien des égards, une nécessité. L’industrialisation d’un processus vise sa mise sous contrôle, afin d'en garantir la fiabilité et la « productivité ». Cette dernière consiste à la fois à maximiser l'efficacité – c'est à dire les résultats obtenus notamment en termes de résultats cliniques et de sécurité – et à optimiser l'efficience, autrement dit, les ressources nécessaires pour obtenir ce résultat.
On peut appeler aussi cela la protocolarisation des soins.
C’est effectivement l’un des aspects. Une adhésion plus systématique aux meilleures pratiques ne peut s’envisager que par une plus grande protocolarisation des soins. Celle-ci n’est pas une fin en soi mais un axe de réponse au déficit de productivité dans le secteur de la santé. Force est de constater qu’en France et dans le monde, le domaine de la santé dispose de marges de progression considérables. En particulier, la qualité des soins reste très largement perfectible et les coûts peuvent être mieux maîtrisés. A l’échelle de l’OCDE, ces derniers progressent en moyenne plus rapidement que la richesse nationale. Dans notre pays, l’une des explications de ce manque de productivité provient de la très forte hétérogénéité des pratiques, en ville comme à l’hôpital, qui génère évidement une grande variabilité des résultats
Les pratiques à l’hôpital se sont standardisées au cours des dernières années.
L’hôpital, en général, s’est engagé dans cette démarche que l’on peut appeler d’industrialisation, qui consiste à systématiser davantage ses processus au travers de protocoles, de check-lists (notamment dans les blocs opératoires), etc. Pourtant, nous sommes encore aux prémices de ces pratiques qui sont loin d’être généralisées. Une étude scientifique a récemment comparé le niveau de risque de plusieurs activités. D'après cette dernière, le risque de décéder à l’hôpital pour une cause autre que celle traitée est supérieur au risque de décès dans la pratique du saut à l’élastique. La grande variabilité des pratiques explique une nouvelle fois ces résultats et les exemples sont légions dans une grande majorité des parcours de soins. A titre d’exemple, quatre paramètres doivent être suivis pour éviter les complications liées au diabète. En France, moins d’un patient sur deux réalise l’ensemble de ces tests de manière annuelle. Ce taux est proche de 90 % en Allemagne, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne. Les conséquences en sont majeures, tant sur le plan de la santé des patients qu’en termes économiques. On estime que sur les 8 milliards de coût de traitement annuel du diabète, 5 milliards sont liés aux complications, que l'on pourrait ainsi prévenir.
La Haute Autorité de santé serait-elle moins efficiente que McKinsey ?
La HAS joue un rôle clé, notamment en matière de régulation de la qualité. Et plus les acteurs seront nombreux à se pencher sur ces questions d’efficience, plus la situation devrait s’améliorer. Quelques pistes de réflexion existent à l’étranger, comme le pilotage de la qualité des soins par une transparence accrue des résultats cliniques. De manière générale, la mise en œuvre de ces mesures a contribué à la généralisation et à l’adoption d’une politique de qualité plus efficace. A titre d’exemple, la publication, y compris auprès du grand public, du taux de mortalité, des taux de reprise et de ré-hospitalisation pour une même cause dans les hôpitaux, a permis de sensiblement augmenter la qualité des soins.
L’assurance maladie dans un récent rapport appelle également à une large diffusion de ces données.
Cela s’inscrit dans une tendance de fond dans laquelle s’engagent un grand nombre de pays. La France certes y participe, mais elle doit aller plus loin et développer les services et outils de transparence, adapter les modalités de paiement des prestataires de soins et développer les compétences et ressources pour traiter les données de santé. C’est d’autant plus essentiel que les dépenses de santé dans l’Hexagone ont augmenté plus vite que la richesse nationale de un à deux points. Une projection de cette tendance amènerait la France à dépenser près de 40 % de son PIB dans la santé avant la fin du siècle. La productivité, au sens de l’efficience des ressources injectées dans le système, doit donc impérativement s'améliorer. Nous sommes confrontés à une obligation quasi morale de résultats, si nous ne voulons pas transmettre un tel fardeau aux générations futures. Quant à la notion d’industrialisation, dans ce contexte, elle devient centrale afin de répondre à l’exigence d’efficience.
Ce mot « industrialisation » hérisse pourtant les soignants.
Personnellement, je n’utilise ni ce terme, ni celui de « productivité ». Car effectivement, ces mots font peur. Même si c’est bien ce dont on parle. On utilise plutôt les mots « efficience », et « amélioration des résultats cliniques », ou encore « de l'état de santé de la population ».
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