C'est un constat inquiétant dressé par le Conseil national de l'Ordre des médecins, ce mardi 26 juillet, à l'occasion d'une conférence de presse.
« En 2021, les déclarations d'incidents et d'incivilités à l'encontre de médecins sont reparties à la hausse par rapport à 2020 », a déclaré le Dr Jean-Jacques Avrane, délégué à la sécurité des médecins au Cnom, membre du bureau et président du conseil départemental de l'Ordre des médecins de Paris.
La partie émergée de l'iceberg
Comme chaque année depuis 19 ans, le Cnom publie les résultats de son Observatoire de la sécurité des médecins. Réalisée avec le concours de l'Ifop, cette étude fait un état des lieux des incivilités subis par les médecins tout au long de l'année.
Verdict ? En 2021, 1 009 fiches de déclarations d'incidents (+ 5,65 %) ont été enregistrées. En 2020, ce chiffre s'établissait à 955.
« Il ne faut pas oublier que ces déclarations ne sont pas obligatoires. Ce sont les médecins qui décident ou non de faire ces signalements. Les 1 009 signalements enregistrés ne représentent que la partie émergée de l'iceberg », a tenu à souligner le Dr Jean-Jacques Avrane.
Les plaintes enregistrées ne représenteraient ainsi que 30 % du total des incidents subis par les médecins français, selon une estimation de l'Ifop.
Des disparités par départements, par spécialités et par genre
L'enquête dévoilée ce mardi met par ailleurs en évidence de fortes disparités en matière d'incivilités en fonction des départements français.
« Le Nord (avec 139 déclarations en 2021, ndlr) est ainsi le département où l'on recense le plus d'incivilités », a signalé le Dr Jean-Jacques Avrane. « Il est aussi tout à fait possible que le Conseil départemental du Nord communique mieux que les autres », a-t-il toutefois nuancé.
À titre de comparaison, le département de Paris enregistre, en 2021, 20 signalements. Les départements de l'Oise ou encore de la Mayenne se situent en bas du classement avec, en moyenne, une déclaration par an.
Parmi l'ensemble des spécialités étudiées, « les médecins généralistes sont les plus à plaindre », a interprété le Dr Jean-Jacques Avrane. Sur l'ensemble des signalements étudiés, 61 % proviennent, en effet, de médecins généralistes. Ils ne représentent pourtant que 43 % du corps médical en activité, selon les chiffres du Cnom.
Viennent ensuite les cardiologues qui enregistrent 6 % des signalements, les psychiatres (3 %) et les ophtalmologues (2 %). « La difficulté et le délai d'attente pour prendre rendez-vous chez ces spécialistes pourraient expliquer ce chiffre plus élevé d'incivilités », a analysé le généraliste.
Les femmes représentent 53 % des victimes, un chiffre stable depuis 2020. Par ailleurs, 2 % des plaintes enregistrées émanent d'internes de médecine.
De l'agression verbale à l'agression physique
Dans 84 % des cas étudiés, le médecin est la victime de l'incident. Le collaborateur du médecin est victime dans 18 % des cas.
En 2021, l'agresseur identifié était principalement le patient (54 %).Il peut être aussi une personne accompagnant le patient (13 %).
L'étude révèle par ailleurs qu'en 2021, 70 % des signalements concernent des agressions verbales ou des menaces, 10 % des vols ou tentatives de vols, 9 % des agressions physiques (+1 % par rapport à 2020) et 8 % des actes de vandalisme.
L'utilisation d'armes survient dans 2 % des cas. « Celles-ci vont du revolver à la béquille », a commenté le Dr Jean-Jacques Avrane.
Inciter les médecins à porter plainte
Malgré cette recrudescence d'incivilités, les médecins sont peu à porter plainte, observe le Cnom.
En 2021, « seuls 32 % d’entre eux ont déposé plainte, une proportion qui tombe à 20 % chez les médecins victimes d’agressions verbales. Plus du tiers des médecins victimes d’agressions physiques n’ont pas porté plainte ».
Constatant cette tendance, l'Ordre des médecins « encourage vivement les médecins victimes à accomplir cette démarche » et rappelle que leurs conseils départementaux « peuvent être un soutien dans tout moment difficile, et un appui à l’ensemble des démarches judiciaires ».
Les médecins hospitaliers « trop peu représentés aujourd'hui dans l'Observatoire de la sécurité » sont vivement invités à déclarer les actes d'incivilités qu'ils subissent. « Nous souhaitons avoir une meilleure vision de ce qu'il se passe dans les établissements de soins, les cliniques et dans le cadre hospitalier car, bien souvent, certains problèmes sont réglés en interne », a déploré le Dr Jean-Jacques Avrane.
Tout médecin peut effectuer sa déclaration en ligne sur le site du Cnom.
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