Les médecins saluent l’arrivée de leur consœur Geneviève Darrieussecq à la Santé… et poussent leurs agendas

Par
Publié le 23/09/2024
Article réservé aux abonnés

La nomination de l’allergologue à Ségur a été accueillie par le monde médical de façon favorable mais également très pressante.

Crédit photo : SEBA/SIPA

Les félicitations adressées au nouveau locataire de Ségur sont devenues un incontournable que maîtrisent parfaitement les syndicats médicaux. Il est vrai qu’avec huit ministres à ce poste en seulement sept ans, les représentants de la profession, libéraux comme hospitaliers, sont rompus à l’exercice. À peine nommée au ministère de la Santé et de l’Accès aux soins, la Dr Geneviève Darrieussecq a pu découvrir, par voie de communiqués, les messages à la fois bienveillants et exigeants accueillant son arrivée.

Enfin un pilote dans l’avion ?

Les Libéraux de Santé (LDS), qui fédèrent les 10 principaux syndicats représentatifs des professions de santé libérales, assurent que leur nouvelle ministre « pourra compter sur les soins libéraux de proximité (…) pour soulager l’hôpital », à condition de disposer des moyens nécessaires. Ainsi, cette intersyndicale « attend des arbitrages au sein du prochain Ondam (objectif national de dépenses maladie) qui permettent un investissement massif sur les soins de ville ».

« Nous espérons que Geneviève Darrieussecq sera une ministre à l’écoute et que nous pourrons la rencontrer rapidement », confie dans la même veine la Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France, à la tête du premier syndicat de généralistes. À la CSMF, on souhaite beaucoup de courage à la nouvelle locataire de Ségur pour faire avancer les dossiers du secteur dans un contexte budgétaire contraint. « Passons maintenant des paroles aux actes ! La porte d’entrée dans le système de soins est la médecine de ville. Elle doit être renforcée et nous le rappellerons à la Ministre dès notre premier rendez-vous », plaide la centrale confédérale, qui cite déjà l’avis ponctuel de consultant (APC) du spécialiste, la consultation longue du généraliste et les plateaux techniques lourds.

Chez Avenir Spé, majoritaire chez les spécialistes libéraux, on veut croire que la longue période de flottement politique est terminée : « Enfin un pilote dans l’avion ? », ironise le syndicat du Dr Patrick Gasser, « soulagé » d’avoir un ministre de plein exercice en charge de ce portefeuille. Pour autant, son chef de file, le Dr Patrick Gasser est loin de donner quitus. « Nous attendons avec intérêt les priorités du Premier ministre et son discours de politique générale à l’Assemblée nationale le 1eroctobre. »

Dans le même esprit, le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir) rappelle les dossiers sensibles en attente d’arbitrage, comme la 4e année d’internat de médecine générale et la place des remplaçants dans la convention. « La période d’examen des textes budgétaires qui s’ouvre sera l'occasion de clarifier les priorités en matière de santé pour le nouveau gouvernement », renchérit l’Anemf qui cite aussi la lutte contre la précarité, la santé mentale et l’accès aux soins.

Vous êtes médecin, ne vous laissez pas enfermer, ne vous laissez pas encadrer

Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-Syndicat

Résister face à Bercy

Le SML profite de ses félicitations à la généraliste allergologue pour insister sur l’indispensable capacité d’investissement que doivent retrouver les médecins libéraux. Cela passe, aux yeux de ce syndicat, par « l’ouverture du secteur 2 » et l’augmentation du tarif de base de la consultation « au tarif moyen européen ». Des revendications aussi mises en avant par l’association Médecins pour demain, qui avait popularisé l’idée d’une consultation à 50 euros.

L’UFML-S joue la carte de la confraternité. « Vous êtes médecin, ne vous laissez pas enfermer, ne vous laissez pas encadrer, ne vous laissez pas diriger », exhorte le syndicat du Dr Jérôme Marty. Un appel à la « résistance » face à Bercy et aux « fonctionnaires du ministère de la Santé », qui ont, selon le syndicat, « écrasé » les précédents locataires de Ségur.

En grève depuis vendredi, les médecins biologistes libéraux, engagés dans un bras de fer avec la Cnam qu’ils accusent de mauvaise foi, veulent profiter de l’arrivée d’une nouvelle ministre pour revenir sur la décision « unilatérale » de baisse des tarifs. « Nous ne doutons pas que Madame la ministre comprenne l’erreur fondamentale de l’Assurance-maladie de considérer les biologistes comme une variable d’ajustement », veut croire le président du Syndicat des biologistes (Sdbio), François Blanchecotte.

À lire aussi
« La Cnam est de mauvaise foi » : le Dr Azoulay (SNMB) assume la grève historique de la biologie médicale

C’est donc avec un mélange de bienveillance et d’exigence que se positionnent les représentants de la profession. À l’hôpital aussi, le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi aux autres spécialités (Snphare) « salue le choix d’un médecin ayant une culture mixte, hospitalière et libérale, syndicale, administrative, ordinale et politique ». Tout en énumérant les chantiers en jachère : revalorisation de la grille d’émoluments des PH, décompte horaire du temps de travail, rémunération des heures supplémentaires au-delà de la 39e heure, reprise du chantier sur la permanence des soins, pénibilité

PLFSS : les hôpitaux publics et privés poussent leurs pions

Du côté des employeurs enfin – hôpitaux et cliniques – après les tensions exacerbées par la campagne tarifaire 2024, les grandes fédérations du secteur public (FHF) et privé lucratif (FHP) poussent leurs pions sans s’invectiver réciproquement, une trêve déjà observée aux Rencontres de la FHP, à Nancy.

Toutefois, l’arrivée du PLFSS aiguise les appétits. La FHF, par la voix de son président Arnaud Robinet, rappelle la nécessité de sanctuariser « une hausse de l’Ondam de l’ordre de 6,3 milliards d’euros » pour l’hôpital. Autre requête forte pour le secteur médico-social : alors que 85 % des Ehpad publics sont dans le rouge (avec un déficit cumulé estimé à 1,3 milliard d’euros), c’est un « plan de sauvetage dans les plus brefs délais » que la FHF appelle de ses vœux.

Au nom des cliniques, Lamine Gharbi, patron de la FHP, salue « la qualité d’écoute » déjà démontrée par Geneviève Darrieussecq mais précise aussitôt que la relation avec la ministre devra être basée « sur le principe d’équité » entre les secteurs public et privé. Sujet commun à l’ensemble des fédérations hospitalières, la finalisation du protocole de pluriannualité « devra être mise en œuvre dans les meilleurs délais », plaide la FHP. De l’art de faire passer des messages…


Source : lequotidiendumedecin.fr