Décision Santé. On ne vend plus de boîtes de dispositifs médicaux, on vend de la valeur a rappelé l'un des intervenant aux journées Cham. Souscrivez-vous à cette information?
Laurence Comte-Arassus. Tout à fait, on ne vend plus seulement des dispositifs médicaux mais aussi des services et des solutions. Ce besoin s’est affirmé au cours des cinq dernières années. Chez Medtronic France, nous avons mis en place une équipe dédiée il y a quatre ans. Si l’on parle service et solutions, la réponse repose sur la création de partenariat. L’ouverture au partenariat avec des industriels est moins courante en France que dans d’autres pays. Cela s’explique par la difficulté d’instituer des partenariats public-privé. Avant la constitution de cette équipe dédiée, Medtronic ne collaborait pas directement avec la direction des établissements de santé. Les médecins, les pharmaciens, voire les directeurs des achats étaient alors nos principaux interlocuteurs. Nous avons observé un virage dans ce que les clients attendaient de nous. Notre service doit être accompagné d’un bénéfice économique. Nous avons intégré cet aspect dans la réflexion sur ce qui nous a conduits à créer le think tank Cercle Valeur Santé en 2016 pour aboutir en septembre 2017 à la publication du manifeste pour un système de santé fondé sur la valeur.
D. S. Pourquoi créer un nouveau think tank ?
L.C-A. A l’origine, c’est autour du concept international de value based healthcare – intégré à la stratégie globale de Medtronic - que nous avons initié nos travaux en France. Mais il est apparu très vite que nous ne pouvions mener seuls cette réflexion. C’est l’affaire de l’ensemble des acteurs de santé. On a alors réuni un groupe très hétérogène pour réfléchir à la façon de transformer ce concept en une réalité en France. La première phase a été de définir un langage commun d’où est né le terme de "valeur en santé". Convaincus que la valeur en santé est la solution pour assurer la pérennité et la solidarité de notre système, nous sommes allés voir les expériences étrangères. Il faut arrêter de vouloir tout changer. La T2A par exemple a permis de mesurer l’activité et de se comparer pour le secteur public au privé. Au lieu de tout réinventer, allons étudier ce qui marche à l’étranger, dans les pays scandinaves ou aux Pays-Bas par exemple. Après cette étape de benchmarking, il faut maintenant passer à l’action.
D. S. L'innovation en France est-elle focalisée sur les grandes pathologies, cancer, hépatites, au détriment de maladies ou de handicaps plus négligés par les pouvoirs publics ?
L.C-A. Nous sommes en France focalisés sur le cancer alors que d’autres pathologies chroniques ont un impact très lourd pour le patient et le système de santé comme le diabète ou l’obésité. Le think tank Valeur en santé va ainsi travailler sur le financement de plusieurs parcours de soins.
D. S. Au-delà de la réflexion en profondeur, l'actualité rattrape le secteur des dispositifs médicaux. Le PLFSS 2018 accroît la pression sur le secteur des dispositifs médicaux.
L.C-A. Nous sommes ici confrontés à l’impossibilité de prévoir. Pour autant, je ne m’oppose pas à des instruments de régulation. Si, en échange d’économies on nous permet d’intégrer dans le système des innovations organisationnelles, je peux dire banco ! J’attends le moment où l’on injectera enfin une certaine souplesse au système de santé.
D. S. Vous vous inscrivez dans un courant de pensée et vous l'affichez, ce n'est pas banal pour un industriel.
L.C-A. Chez Medtronic, nous avons une mission qui nous vient du fondateur de l’entreprise : celle d’être au plus proche du patient. Cela nous permet d’être des citoyens de la santé. Tout l’enjeu, rappelons-le, est de partir du prix pour arriver à la valeur. Le prix devrait être défini par le bénéfice qu’apporte un produit pour le patient ou le système de santé. Or, en France on ne mesure pas suffisant la pertinence et le bon usage du soin pour le patient. Par ailleurs, la qualité ne se résume pas au respect d’indicateurs. L’enjeu aujourd’hui est d’opérer une mutation, celle de passer d’un système quantitatif à un système qualitatif. On peut y arriver en mesurant le rapport entre les résultats qui importent aux patients sur le coût pour la collectivité. Si le prix diminue, on pourra alors injecter les économies réalisées dans le système de santé. La mission de l’industriel est avant tout d’apporter de l’innovation aux patients.
D. S. En attendant, l'évolution du système bute sur le respect de l’Ondam.
L.C-A. L’essentiel est d’abord de fixer des priorités. Qu’est-ce que l’on accepte de dérembourser mais aussi de réallouer ? Si l’on examine désormais les dépenses sous l’angle parcours, comment alors répartir différemment l’enveloppe dont on disposait hier ? Et là on peut supprimer les actes redondants, réduire le coût de certains actes. D’autres prestations sont désormais réalisées au domicile plutôt que dans certaines structures. Les ressources économisées permettront d’investir dans l’innovation. Il faut sortir de la logique où l’on refuse de mesurer puis de corriger.
D. S. Sur quels critères estimeriez-vous avez-voir réussi ?
L.C-A. Le cercle Valeur Santé a établi dans son manifeste une méthodologie avec des critères ambitieux. A l’horizon 2020, nous espérons avoir développé deux parcours de soins appliquant la chaîne de valeur au service du patient
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