Les médecins généralistes sont bien impliqués dans la campagne de vaccination anti-Covid en ville, et ils ne laissent pas traîner de stocks dans leurs frigos ! Telles sont les principales conclusions d’une vaste enquête menée par le Collège de la Médecine Générale (CMG) auprès de 3 400 médecins généralistes, réalisée entre le 4 et le 14 mars 2021*. Le Pr Paul Frappé, président du CMG, détaille pour le Généraliste les principaux résultats de cette enquête.
Pourquoi avez-vous souhaité réaliser cette enquête sur la perception des vaccins par les médecins généralistes ?
Pr Paul Frappé : Le CMG a mis en place un groupe dédié aux vaccins, piloté par le Pr Serge Gilberg. Ce groupe de travail a déjà publié quelques travaux et a lancé cette enquête pour avoir davantage d’informations sur le déroulement de la vaccination anti-Covid en ville. Cette étude vient clairement et factuellement contredire les personnes qui affirment que les médecins se désintéressent de la vaccination. Au total, 73 % des médecins généralistes en exercice ont déjà vacciné au cabinet avec le vaccin AstraZeneca. Cela signifie que le médecin traitant ne peut pas être ignoré dans cette campagne, d’autant qu’il a un rôle important dans l’aide à la décision de ses patients.
Votre étude rapporte que 96 % des médecins ont utilisé les doses qui leur ont été attribuées ; le gouvernement a pourtant affirmé qu’un million deux de doses étaient en stock la semaine dernière chez les généralistes… Où est la vérité ?
Pr P. F. : On ne peut pas se permettre de vacciner en open bar pour éviter des pertes de doses. Le vaccin est un produit précieux. Les médecins ont sûrement un mini-stock chez eux jusqu’au moment du rendez-vous où ont lieu les injections. Identifier et réunir les patients demande un petit délai. Qu’il y ait des médecins qui empilent des flacons dans leur frigo… je n’y crois pas, a fortiori cette enquête montre le contraire. J’ai pour ma part quelques flacons en stock pour pallier un problème éventuel de livraison. Mais les 600 000 doses administrées le week-end du 6 mars dans les centres de vaccination ne proviennent pas des frigos des généralistes…
Les médecins souhaitent à leur grande majorité, 98 %, continuer la vaccination avec AstraZeneca ; même avec les polémiques récurrentes autour des effets secondaires… qu’est-ce que cela dit de leur engagement ?
Pr P. F. : Cela montre que les médecins sont des scientifiques avant d’être des politiques. La suspension du vaccin AstraZeneca était une décision politique. Scientifiquement, il n’y avait pas de raison de la prendre. Le bénéfice-risque n’a jamais été remis en question. Le politique a fait le choix de montrer qu’il était capable de lâcher du lest… cela peut être discutable, mais scientifiquement, il n’y avait jamais matière à une remise en question du vaccin. Ça fait partie du quotidien du généraliste de rassurer : les patients se posent beaucoup de questions et ils ont besoin de discuter avec leur médecin traitant. Il n’est pas facile pour eux de s’approprier tout ce qu’il se dit dans les médias. Le vrai bénéfice des vaccins n’est pas théorique, il faut aider les Français à factualiser et assumer les effets secondaires. Elle est là, la place importante du généraliste.
Comment vivez-vous les propos de l’exécutif, qui a notamment accusé les médecins de ville de ne pas assez vacciner ?
Pr P. F. : Il est très facile de taper sur les médecins généralistes. Le Pr Alain Fischer a fait un truisme, personne n’ira le contredire, tout le monde ne joue toujours le jeu… Mais au sujet des millions de doses dans la nature, j’aimerais bien savoir combien il y a de doses dans les centres de vaccination destinés au paramédicaux, qui, eux-mêmes, ne veulent pas se faire vacciner. En fait, les médecins qui ne vaccinent pas ne sont pas des opposants à la vaccination, loin de là ! Pour mettre en place la vaccination, il est nécessaire de s’organiser et cela demande parfois quelques semaines. On va avoir une montée en charge de la vaccination en ville. Avant on programmait quatre rendez-vous par heure pour vacciner, maintenant dans les cabinets, on en est à six ou huit.
* Les praticiens ayant répondu, en ligne, sont à 58 % des femmes, âgés en moyenne de 47 ans. La majorité (54 %) exerce en groupe, un quart en cabinet isolé et 22 % en maison ou centre de santé.
Les principaux résultats de l’enquête
Selon l’étude du CMG, 73 % des médecins généralistes ont vacciné au cabinet avec le vaccin AstraZeneca.
Au moment de l’enquête les trois quarts des praticiens étaient déjà vaccinés (78 % avec le vaccin Pfizer, 29 % avec le vaccin AstraZeneca et 1 % avec le vaccin Moderna).
Les principaux éléments qui contribuent à leur implication sont l’utilité pour la santé de leurs patients (94 %), l’utilité pour la collectivité (92 %) et montrer l’engagement de la profession (76 %).
Les médecins se sont impliqués dans la logistique, en recrutant des patients éligibles après repérage (82 %), en utilisant la liste des patients médecins traitant sur Ameli pro (58 %). La quasi-totalité d’entre eux (96 %) ont abordé les bénéfices-risques de la vaccination préalablement à la vaccination.
Dans la pratique, plus d’un médecin sur deux (52 %) a réservé les flacons après avoir identifié les patients. Plus des trois quarts (76 %) ont réservé les flacons chez le pharmacien et 63 % ont conservé le flacon au réfrigérateur – 63 % sont équipés d’une sonde de contrôle de température. Plus d’une vaccination sur deux a eu lieu le jour où le flacon a été cherché (52 %)
Par ailleurs, 98 % des médecins généralistes souhaitent continuer à vacciner leurs patients avec le vaccin AstraZeneca et 61 % souhaitent vacciner leurs patients avec les vaccins à ARNm. Parmi ceux qui n’ont pas débuté la vaccination (27 %), 79 % pensent vacciner dans un second temps.
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