Adoptée au Sénat mi-février, la proposition de loi Rist-Bergé « portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé » doit arriver en commission mixte paritaire début avril.
Très controversé, ce texte prévoit notamment d'ouvrir un accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA), aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes.
« Avec cette loi, je n'ai pas la prétention de révolutionner l'accès aux soins »
Ce vendredi 24 mars, lors d'une session organisée sur l'exercice professionnel de demain proposée dans le cadre du CMGF, la députée du Loiret, Stéphanie Rist, à l'origine de la proposition de loi, a défendu, comme elle le pouvait, son texte et sa vision du système de santé.
Répondant aux piques lancées en amont par certains médecins de l'assemblée, la présidente de la Commission des affaires sociales a tenté de désamorcer leur colère : « J'ai bien conscience du ressenti qu'ont les médecins vis-à-vis de cette proposition de loi (...) Et je suis aussi consciente que les médecins n'en peuvent plus. C'était donc important pour moi d'être là aujourd'hui par respect et parce que c'est avec les professionnels de santé que j'ai l'habitude de travailler ».
Marchant sur des œufs tout au long de son intervention, la députée a par ailleurs rappelé l'origine de sa proposition de loi. « Elle reprend les propositions d'un rapport de l'Igas dans lequel il est conseillé d'ouvrir l'accès direct, ainsi que la primoprescritpiton, à certaines professions paramédicales tels que les IPA », a-t-elle souligné.
« Avec ce texte je n'ai pas la prétention de dire que je vais révolutionner l'accès aux soins, a volontiers reconnu la députée. Toutefois, il présente, selon moi, un double intérêt : ce texte permet d'une part d'améliorer l'accès aux soins de la population avec une meilleure qualité de prise en charge et, d'autre part, de rendre le métier d'infirmier plus attractif alors qu'on observe des difficultés de plus en plus croissantes pour maintenir les professionnels du secteur dans le métier ».
Les CPTS intégrés à la PPL Rist-Bergé ?
« Avez-vous pensé une fois aux médecins en élaborant ce texte ? », a rétorqué un médecin généraliste présent dans le public. « Ne serait-il pas dangereux d'ouvrir la primoprescription aux IPA alors qu'ils ne sont absolument pas formés à poser un diagnostic ? », a rétorqué une autre.
Sur ces questions, Stéphanie Rist a tenté de rassurer les praticiens en rappelant que la PPL prévoyait la primoprescription et l'accès direct aux paramédicaux « seulement dans le cadre de soins coordonnés c’est-à-dire les maisons de santé (MSP), les centres de santé ou les équipes de soins primaires ».
Un argumentaire qui n'a pas convaincu les auditeurs. « À l'origine, le texte prévoyait également d'ouvrir la primo prescription et l'accès aux paramédicaux dans le cadre de CPTS ! Mais ce sont des structures territoriales énormes où l’on ne peut pas envisager une collaboration étroite entre un médecin et une IPA », a insisté une généraliste.
Sur ce point, la députée du Loiret a rappelé que cette mention avait finalement été retirée par le Sénat. « C'est une question qui est en suspens et qui n'a pas encore été conclue (...) Toutefois, je me pose la question de laisser peut-être, aux CPTS qui le souhaiteraient, cette liberté de s'organiser avec des paramédicaux ».
« En tout cas, je connais une CPTS qui réclame l'accès direct aux kinésithérapeutes », a-t-elle fini par assurer, suscitant les huées de la salle.
Les internes en médecine veulent aussi faire entendre leur voix
Présents également dans le public, les internes de médecine générale ont tenu à faire entendre leur voix. « Depuis plus d'une heure, nous débattons sur l'exercice professionnel de demain. Pourtant, à aucun moment nous n'avons parlé de notre spécialité qui est aujourd'hui en grand danger », s'est exprimé Raphaël Presneau, président de l'Isnar-IMG et interne.
Il a par ailleurs ajouté : « Alors que la 4e année a été passée aux forceps fin 2022, nous sommes aujourd'hui très inquiets pour le futur de la médecine générale dont certains, notamment les jeunes, risquent de se détourner et même de la quitter en raison des remises en cause permanentes de la pratique ! »
Pour Stéphanie Rist, ce défi de l'attractivité « devra être relevé ensemble ». « Je pense qu'il ne suffit pas de dire "débrouillez-vous pour rendre votre métier attractif." Je pense que tout ça est multifactoriel et je suis convaincu de l'indispensable nécéssité qu'on y arrive. Mais d'un autre côté je suis aussi convaincu, qu'en tant que politique, nous nous devons de répondre au désarroi de nos concitoyens ! »
« Le gouvernement est-il toutefois prêt à mettre de réels moyens pour réorganiser efficacement le système de santé de proximité ? », a interrogé un congressiste.
Ce à quoi Stéphanie Rist a répondu : « Vous parlez de moyens mais il y a des moyens qui sont donnés. Ils ne sont pas suffisants, j'ai bien entendu et je peux l'admettre sur certains points. Il n'empêche que depuis 2017, ces moyens augmentent et de façon très importante (...) L'enveloppe Ondam de ville est, elle, en augmentation mais encore une fois j'entends bien que vous ne considérez pas que c'est suffisant ».
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