« Quant au progrès… Ce progrès que le siècle des Lumières définit comme la matrice d’une humanisation ininterrompue des civilisations appelées à se succéder, ce progrès auquel Claude-Henry de Rouvroy de Saint-Simon et les courants progressistes agrégèrent l’amélioration continue, éternelle de la condition humaine, ce progrès que la plupart des découvertes, pour beaucoup disruptives, coiffèrent, par la suite, d’une majuscule. Mais aussi ce progrès qui se matérialise au XXe siècle par un basculement, et au XIXe siècle par un spectre. Le basculement vers une utilisation ambivalente, même antagonique, qui ambitionne non plus l’élévation, l’embellissement de l’humanité, mais son dépérissement et même sa destruction – de la barbarie nazie à l’embrasement climatique et à la paupérisation de la biodiversité, les exemples se juxtaposent inexorablement – ; le spectre d’une « fuite en avant », c’est-à-dire d’une profusion d’innovations aveuglante mais incontrôlée, sans destination visible, compréhensible et acceptée, privée de sens et d’équité, aux mains d’une oligarchie d’entrepreneurs – aujourd’hui communément circonscrite aux GAFAM : Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – aux fourbes motivations et annonciatrice d’un nouvel ordre suprémaciste. À la « seule » quête de mieux vivre-imaginer-bâtir ensemble et durablement, le progrès a, sinon substitué, au moins initié une « autre », celle-là antithétique, délétère. Et mortifère. Le progrès technique n’est plus « seulement » synonyme de progrès humain et altruiste, « la bête échappant à son créateur » n’est plus une formulation ou un fantasme extravagants ; en témoigne Fritz Haber, prix Nobel de chimie en 1918 pour ses travaux sur la synthèse de l’ammoniac et à ce titre bienfaiteur de l’humanité, responsable pour l’armée allemande de l’utilisation des gaz de combat, et à ce titre destructeur de l’humanité. La schizophrénie du progrès, le progrès prédateur et même dévastateur, font leur apparition. Le « progrès du progrès » révèle les facultés duplices de l’homme de le détourner de sa finalité originelle, d’en dévoyer spécieusement la quintessence dans une perspective déshumanisante. De la médecine à la création artistique, de la communication aux mobilités, des métiers au travail, de l’urbanisation à l’agriculture, la quasi-totalité de ce qui forme la charpente et le devenir civilisationnels est dictée par le sort – la destination et l’emploi – que l’homme, dans son individualité, et l’humanité, dans son organisation et sa gouvernance, confère(ro)nt aux innovations ou aux découvertes technologiques et scientifiques, notamment aujourd’hui les data et l’intelligence artificielle. L’excitation et l’espérance le disputent à l’effroi, et dans cette course les premières semblent perdre du terrain sur le second. Obscurantisme, libéralisme, Europe, démocratie, entreprise, progrès scientifique, les questionnements que ces thèmes, choisis parmi d’autres défrichés dans ce livre, stimulent, et surtout les légitimes inquiétudes que leur réalité suscite, délivrent un même diagnostic : le tarissement, voire l’absence de sens. Un sens à explorer dans sa double définition : celle d’une direction qu’il faut tracer, celle d’un contenu qu’il faut sans cesse, au quotidien, tour à tour semer, cultiver, arracher, réensemencer, irriguer, et qui conditionne la raison d’être et la raison de faire. N’est-ce pas une voie pertinente pour aborder l’éthique ? Et l’éthique n’est-elle pas la voie pour éclairer d’une lumière ces situations qui ont en commun d’aveugler ? »
Dans la santé, on entend la plupart du temps qu’il faut adapter les patients aux changement technologiques alors que la logique – la mission – devrait imposer l’inverse. Ajoutons à cet état de fait que la plupart des initiatives sont fondées sur le principe de la loterie financière – 90% des start-up disparaissent en cinq ans – et non la recherche d’une meilleure santé pour les patients. On peut, hélas, penser que le discours d’Axel Khan, relève plus d’un vœu que du futur de la réalité. Nous en sommes restés de façon métaphorique à « Dieu pour tous et chacun pour soi » alors que l’éthique, l’utile et l’urgence devraient nous pousser vers « Dieu pour soi et chacun pour tous ». Dommage.
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