Alors que les députés entament ce 5 mai l’examen des articles relatifs à l’ouverture d’une aide à mourir en séance publique, les prises de position se multiplient dans la société civile. Surtout depuis la réécriture du texte en commission spéciale, en faveur d’une plus grande ouverture de l’accès à une substance létale.
À rebours du collectif Démocratie, éthique et société, réunissant une cinquantaine de personnalités, dont d’anciens ministres, pour dénoncer une interprétation extensive du projet de loi initial, France Assos Santé fait part de son soutien à l’égard d’un « texte qui a entendu la voix des personnes malades ». Une voix que dès juillet 2023, l’organisation s’est engagée à faire entendre, en contrepoids au corps médical.
Le remplacement du critère de pronostic vital engagé à court ou moyen terme, par celui d’affection en phase avancée ou terminale ? Agnès Firmin Le Bodo, l’Académie de médecine, ou encore le collectif des soins palliatifs s’y opposent. « Cette modification était nécessaire : elle permet de sortir d’une logique purement temporelle, puisque la question n’est plus l’imminence du décès mais la nature de la prise en charge qu’appelle l’histoire d’une maladie, et donc le parcours singulier de la personne malade », écrit l’organisation représentant les patients, dans une interpellation aux députés. « La “phase avancée” d’une maladie correspond à l’entrée dans un processus d’aggravation qui affecte la qualité de vie et peut donc motiver une demande d’aide à mourir », poursuit-elle.
Respect de la voix des malades
France Assos Santé défend l’idée que c’est aux personnes malades d’apprécier leurs limites et le caractère inapaisable de leurs souffrances, et non le corps médical, ni les sociétés savantes ou la Haute Autorité de santé (HAS), que la ministre de la Santé Catherine Vautrin a missionnée pour définir le pronostic vital engagé à court et moyen terme. Alors que des médecins ont fait part de la difficulté à évaluer l’espérance de vie d’un patient, « si ce critère d’accès est rétabli, il y a de grandes chances pour qu’il devienne la variable d’ajustement pour recevoir ou recaler une demande, selon que le médecin y sera favorable ou non, au détriment des droits des personnes malades », craint l’organisation. Et de relayer en particulier la voix de l’association Arsla, qui représente les malades de Charcot (SLA) : « Revenir à la notion de court ou de moyen terme reviendrait tout simplement à exclure les personnes pour lesquelles cette loi vous semble une évidence : les personnes atteintes de la maladie de Charcot ».
Par ailleurs, France Assos Santé bataille contre le principe du texte initial qui veut que l’auto-administration de la substance létale soit la règle, et le recours à un tiers, l’exception, lorsque le patient n’est pas en mesure physique de faire le geste. « Il n’est pas souhaitable qu’une forme de discrimination s’opère sur la capacité physique de la personne malade à pouvoir s’auto-administrer ou non la substance létale. Le meilleur accompagnement est celui qui laisse la personne malade libre de choisir la modalité d’administration qui lui convient le mieux et qui la rassurera, elle, et ses proches, en accord avec le soignant qui l’accompagnera dans ses derniers instants ». Une argumentation reprise dans l’hémicycle par certains élus de gauche qui demandent à mettre sur un pied d’égalité suicide assisté et euthanasie.
Les débats sur l’article 6, le plus sensible, puisqu’il s’agit des conditions d'accès strictes à l'aide à mourir, devraient débuter ce mercredi soir ou jeudi 6 juin. Le gouvernement voudrait revenir à la version initiale de son projet de loi qui limite cet acte aux malades majeurs dont le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme et qui en manifestent la volonté de manière libre et éclairée. « Ce texte fait incontestablement évoluer le cadre légal français, mais, en luttant contre les souffrances et en reconnaissant le droit des malades à l’autodétermination, il n’est nullement en rupture avec la législation actuelle. Aider à mourir n’est pas un soin. Mais quand on a accompagné un patient pendant des mois voire des années, cela peut relever d’un devoir de non-abandon. Ouvrir cette possibilité n’est pas contraire à l’éthique s’il s’agit d’accompagner autrui jusqu’au bout, particulièrement quand on ne peut plus rien médicalement pour lui », analyse dans Le Monde le philosophe Fabrice Gzil, professeur associé à l’université Paris-Saclay et codirecteur de l’Espace éthique Île-de-France. Les positions restent divisées dans chacun des camps politiques d’un hémicycle aux bancs clairsemés.
Article mis à jour le 5 juin à 17 h 50]
L’Ordre réitère son opposition à la notion de « phase avancée ou terminale »
« Le texte amendé par la Commission spéciale introduit une notion – être atteint d’une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale - qui ne permet pas au médecin de déterminer le stade à partir duquel le patient va pouvoir formuler une demande d’aide à mourir, et rend plus difficile l’appréciation de ce critère d’éligibilité ainsi élargi », écrit le Conseil national de l’Ordre des médecins dans un bref communiqué ce 5 mai, partageant la même position qu’exprimée la veille par l’Académie nationale de médecine. « Il faut que la loi soit claire et précise afin d’éviter toute confusion », conclut le Cnom.
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