Une violente controverse a démarré le 1er août dès la victoire de la boxeuse algérienne, Imane Khelif, en huitième de finale des Jeux olympiques, après un abandon de son adversaire, la boxeuse italienne Angela Carini. Cette dernière a renoncé après quarante-six secondes de combat, indiquant qu’un coup reçu lui a « fait trop mal ». Dans la foulée, les réseaux sociaux s’enflammaient, certains dénonçant l’avantage compétitif de l’athlète algérienne conféré par un fort taux de testostérone. La polémique a rapidement enflé, jusqu’à susciter une réaction de la première ministre italienne d’extrême droite, Georgia Meloni, qui a pointé « un combat qui n'était pas sur un pied d'égalité ».
Imane Khelif, comme la boxeuse taïwanaise Lin Yuting, avait été empêchée de concourir lors des derniers championnats du monde, à New Delhi en 2023, en raison d’un échec à un test de genre. Le Comité international olympique (CIO) avait d’abord expliqué, dans une fiche sur la boxeuse algérienne, que « des taux élevés de testostérone » avaient entraîné sa disqualification des Mondiaux de 2023 par l'International Boxing Association (IBA). Cette dernière a réfuté que son test consistait en une analyse du taux de testostérone, sans préciser la nature du test effectué.
Sur les réseaux sociaux et dans le débat politique, la légitimité d’Imane Khelif à concourir aux JO en catégorie féminine est violemment contestée. Face à la polémique, le CIO a apporté son soutien à la sportive. La boxeuse algérienne Imane Khelif est « née femme, enregistrée comme femme, vit sa vie en tant que femme, boxe en tant que femme », a déclaré ce 2 août le porte-parole du CIO Mark Adams. Interrogé sur le fait de savoir si Imane Khelif et la boxeuse taïwanaise avaient été testées sur la testostérone avant les JO, il a répondu par la négative, précisant : « Il y a beaucoup de femmes avec des taux plus élevés de testostérone que des hommes. »
L’influence de la testostérone sur la performance sportive toujours en débat
Hormone stéroïdienne, la testostérone est produite en quantité environ 20 fois moins importante par les femmes que par les hommes. Chez les hommes adultes, le taux de testostérone se situe généralement entre 10 et 35 nanomoles par litre de sang, selon l'hôpital américain de Mount Sinai. Chez les femmes, entre 0,5 et 2,4 nanomoles par litre en général. Mais certaines sont hyperandrogènes et ont une production naturelle plus élevée d'hormones sexuelles. L’hyperandrogénie concerne environ 5 % des femmes. Dans environ 70 % des cas, cette condition est le résultat d’un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK).
Dans le domaine du sport, la testostérone est notamment connue pour accroître la masse musculaire, et est réputée pour améliorer les performances. Augmenter son taux, de diverses manières, est d’ailleurs considéré comme une forme de dopage. Mais l'impact précis des taux élevés de testostérone sur les résultats sportifs reste débattu. « Il n'y a pas de consensus scientifique sur la manière dont la testostérone affecte la performance sportive », avait déclaré mi-novembre 2021 la responsable des droits humains au sein du Comité international olympique, Magali Martowicz. Le CIO n’applique ainsi pas de règles uniformes quant aux critères de participation des sportifs intersexes et transgenres, laissant la main aux fédérations internationales.
Avant un combat face à la Hongrie, le CIO saisi
« Tous les concurrents respectent les règles d'éligibilité », a répété Mark Adam, le 1er août. Dans un communiqué conjoint, le CIO et l'unité en charge de la boxe pour Paris 2024 estiment que lors des Mondiaux de 2023, les athlètes Imane Khelif et Lin Yuting « ont été victimes d'une décision soudaine et arbitraire de l'IBA », qui les a disqualifiées « sans aucune procédure régulière ». Et d’ajouter : « L’agression actuelle contre ces deux athlètes », qui se traduit par une vague de cyberharcèlement et des attaques violentes sur leur féminité, « repose entièrement sur cette décision arbitraire, qui a été prise sans aucune procédure appropriée, notamment si l'on considère que ces athlètes participent à des compétitions de haut niveau depuis de nombreuses années. »
Malgré la position du CIO, la polémique risque de perdurer. Le gouvernement algérien soutient son athlète face à la vague de cyberharcèlement et la contestation de sa participation aux JO en catégorie féminine. Mais le comité olympique hongrois a indiqué, ce 2 août, vouloir « clarifier » avec l’instance internationale les conditions de participation d’Imane Khelif à un combat prévu le 3 août face à la boxeuse hongroise Anna Luca Hamori en quarts de finale. Le comité hongrois se dit inquiet pour la santé des athlètes féminines et a annoncé son intention de déposer une plainte formelle auprès du CIO.
Imposer la prise de traitements ? Une violation des droits
L’athlète sud-africaine Caster Semenya, hyperandrogène et triple championne du monde du 800 mètres, a aussi du affronter des attaques similaires sur sa féminité. En 2018, la Fédération internationale d'athlétisme a établi un règlement sur l’hyperandrogénie, imposant aux athlètes concernées la prise de traitements pour faire baisser le taux de testostérone produit naturellement. Après une longue bataille juridique, la Cour européenne des droits de l’homme a finalement statué en juillet 2023 que le fait d’imposer un traitement hormonal pour concourir à une compétition sportive était une violation de la convention européenne des droits de l’homme.
EB avec AFP.
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